C’est la panique à bord du navire gouvernemental. Ce n’est pas seulement au plan social qu’il tangue, mais aussi au front économique. Au lieu d’administrer l’économie au quotidien, le ministre des Finances bricole dans l’urgence. À peine envoie-t-il le signal au comité de politique monétaire de baisser le taux directeur qu’il crée un Exchange Rate Support Scheme en faveur des exportateurs textiles.
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On savait qu’en matière de taux d’intérêt, ce gouvernement favorisait les exportateurs et les capitalistes fonciers et financiers au détriment des importateurs, des épargnants et des retraités. On n’imaginait pas qu’il pouvait pousser la discrimination économique aussi loin que subventionner directement une catégorie d’exportateurs. Et il revient au gouverneur de la Banque de Maurice de renier devant des journalistes ses principes de rigueur monétaire, quittant derrière lui des débris d’institution causés par la perte de crédibilité et d’indépendance.
On peut difficilement croire que M. Basant Roi ait personnellement souhaité une nouvelle réduction du taux repo. Dans sa conférence de presse, il ne l’a pas justifiée en détail, mais il a plutôt expliqué entre les lignes pourquoi il ne fallait pas assouplir davantage le taux d’intérêt. Il a fait ressortir que le taux d’inflation a augmenté, que le déficit du compte courant s’est accru, que la baisse du taux repo ne rendrait pas les exportations plus compétitives, et que la compétitivité ne dépendrait pas uniquement du taux de change, mais aussi de la productivité et de la technologie utilisée. Et il a rappelé que le dollar se vendait à Rs 27 en 2010, et qu’il s’achetait à Rs 35 pendant deux ans.
Le gouverneur a admis que l’investissement privé n’a pas décollé malgré les deux précédentes baisses du taux repo. Elles ont sans douté allégé les charges financières des entreprises, mais cela serait négligeable en raison du fait que la marge de taux d’intérêt est restée constante autour de 4,6 % depuis octobre 2015. La vérité est que la diminution du taux repo n’est qu’un ajustement mécanique au regard des taux de rendement très bas des bons du Trésor.
La détente monétaire bénéficie surtout à la banque centrale qui doit stériliser l’afflux de devises. Le gouverneur n’a pas manqué de souligner que depuis 2015, la Banque de Maurice a épongé Rs 74 milliards après avoir acheté 1,1 milliard de dollars. Or ces opérations coûtent trop cher à l’institut d’émission, qui a payé Rs 2 milliards d’intérêts.
Il aurait donc été extrêmement coûteux de dévaluer sensiblement la roupie par un achat massif de dollars. L’alternative prise par le ministère des Finances est de compenser les pertes de change des exportateurs textiles jusqu’à Rs 2,50 par dollar. Cette mesure, même si elle est temporaire, constitue un très mauvais précédent en termes de gouvernance économique. C’est insensé et injuste à la fois d’utiliser l’argent public pour discriminer aussi bien les exportateurs (les prestataires de services ne sont pas des bénéficiaires) que les opérateurs économiques en général. Après l’impôt sur le revenu des exportateurs à 3 %, le grand argentier se déjuge par rapport à son budget.
On peut toutefois penser que cette initiative ne durera que trois mois, le temps qui reste au mandat de M. Basant Roi. Dès janvier prochain, son remplaçant se montrera redevable envers le chef du gouvernement en faisant apprécier le cours acheteur du dollar au-delà de Rs 34,50. Il n’aura pas trop de peine à le réaliser, car d’ici là, le billet vert remontera sur le marché international.
Depuis 2015, la Banque de Maurice est perçue d’être à la solde des exportateurs. Ils peuvent compter sur la présence d’un conseiller du ministère des Finances et d’un représentant de la Chambre de commerce et d’industrie sur le comité monétaire. M. Basant Roi aurait pu faire amende honorable mercredi dernier en laissant inchangé le taux repo, mais il espérait toujours être reconduit à son poste. Tout comme le 7 décembre 2005 quand, au lendemain d’une déclaration du Premier ministre d’alors contre la dépréciation de la roupie, il releva le taux directeur par 100 points de base. Désormais, les pauvres épargnants se souviendront de lui comme celui qui a fait chuter leur taux de rémunération à moins de 2 %.
M. Basant Roi n’a jamais pu prouver comment des baisses du taux d’intérêt seraient susceptibles de faire diminuer le déficit commercial. Bien au contraire, elles incitent les gens à consommer plutôt qu’à épargner, surtout si le taux d’intérêt réel est négatif. Et comme on importe ce qu’on consomme avec une roupie plus faible, le déficit commercial ne peut que s’accroître.
Si des taux d’intérêt bas ne découragent pas des entrées de capitaux, c’est parce qu’elles se dirigent vers l’immobilier. Maurice est atteinte de ce que les économistes appellent « la maladie hollandaise », une situation où la monnaie locale s’apprécie en dépit d’un déficit croissant du compte courant. Mais c’est justement le faible niveau du taux d’intérêt qui attire des investissements étrangers dans l’immobilier, y entraînant une bulle d’endettement. C’est paradoxalement une hausse du taux d’intérêt qui stimulera les secteurs productifs de l’exportation en freinant les flux financiers dans l’immobilier.
La détente monétaire est une confirmation que la croissance économique n’est pas aussi robuste que le prétend le Fonds monétaire international. Si, au bord d’une crise sociale, l’inflation n’est pas une priorité pour M. Basant Roi, c’est qu’il laisse en héritage une politique de la terre brûlée à un gouvernement sans boussole ni gouvernail.
(www.pluriconseil.com)
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