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Daniella Bastien, réalisatrice de Pran Nesans : «Ces rituels que faisaient les femmes qui venaient d’accoucher»

Femme de caractère et de convictions et atypique. L’auteure du documentaire Pran Nesans, qui sera présenté au 10e Festival Ile Courts, organisé par l’Association Porteurs d’Images, est une Mauricienne dont l’engagement est pluridimensionnel, avec pour point de départ une adolescence imprégnée de syndicalisme et d’idées de gauche. Daniella Bastien a l’engagement chevillé.

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Comme c’est souvent le cas, c’est Rose-Hill, ville des combats politiques et de la culture, qui l’a vue naître, au sein d’une famille où le père, employé au CEB, est syndiqué dans une organisation où le négociateur est Jack Bizlall. Ce qui lui donnera une certaine filiation. La famille, raconte-t-elle, est « aimante et stable » dans le regard d’une gamine qui n’était pas facile, mais elle garde encore une fierté de ses parents : « Ils ont toujours valorisé la discussion et on trouvait ensemble des solutions. Je me rappelle avoir eu des conversations très ouvertes avec eux pendant la période délicate de l'adolescence. »

Les études la conduisent à La Réunion, où elle passe une Licence et un Master de lettres modernes suivis d’un Master d’anthropologie. « Je l'ai fait par pure curiosité, aujourd'hui, avoir deux spécialisations est un vrai atout professionnel. Aussi, en découvrant la grille d'analyse qu'utilisent les anthropologues, j'ai eu l'impression de découvrir le monde », explique-t-elle.
Passion pour la ravanne

À Maurice, en 2005, elle prend de l’emploi comme chargée de cours à la MCCI Business School, où elle fait sa mue en adulte. En 2014, elle est lecturer au Mauritius Institute of Education. Elle va vivre une période exaltante, aux côtés du Dr Nita Raghoonundun-Chellapermal, responsable de la Kreol Unit, où elle travaille à l’introduction du kreol dans le secondaire.

Lorsqu’elle évoque sa passion pour la ravanne, à laquelle elle a été initiée durant son passage à ABAIM,  elle nuance : « Je ne joue pas la ravanne que pour le divertissement, il y a une réelle revendication : celle de valoriser notre patrimoine. »  Au cinéma, ses influences restent des noms qui sortent des sentiers battus, de Terence Malick à Emir Kusturica, en passant par Quentin Tarantino ou encore Wong Kar-War, sans oublier  Francis Ford Coppola.

La forme du documentaire

C’est durant ses études que Daniella Bastien s’intéresse à la forme du documentaire : « Je me souviens d’un film de notre prof Bernard Champion sur le rituel du retournement des morts à Madagascar. Je savais que si jamais j'avais l'occasion de faire un film, ce serait le documentaire. Il y a tellement de choses à dire sur Maurice, tellement d'images à montrer à nos enfants », dit-elle.  On comprend, dès lors, les raisons qui, bien des années plus tard, la pousseront à se lancer dans la réalisation de Pran Nesans : « 'Pran Nesans', prend naissance lors d'une conversation avec des amies de My Moris. Maya De Salle Essoo et Shakti Callikan me partageaient leurs expériences de leurs visites des kalimayes, grottes.

J'ai pensé que tout un pan de notre culture est en train de disparaître. » Selon Daniella Bastien, nos ancêtres avaient une manière particulière de s'attacher à la terre, à nos traditions. « Au début, je voulais faire un film sur tous ces rituels que faisaient les femmes qui venaient d'accoucher (frot vant, avoy baba dan ler, bwar bouyon bomli, entre autres), mais le timing était trop court et je n'ai eu aucune femme qui acceptait d'être filmée... Donc, j'ai décidé d'écrire un premier scénario sur la pratique du 'marke'. » Ce documentaire a déjà été  sélectionné en compétition au Silicon Valley African Film Festival, aux États-Unis.

 « C'était une vraie surprise de savoir que le film a été retenu en compétition pour le Silicon Valley African Film Festival. Les films africains sont mis à l'honneur dans ce festival et j'ai hâte de connaître la suite à la fin de septembre, quand le jury aura fait son choix », ajoute-t-elle.  La réalisatrice explique le titre du documentaire : « À chaque fois que l’on transmet un savoir, on permet à l’autre de ‘prendre naissance’  dans sa culture. »

« Sur notre histoire »

Dans sa tête, les projets se bousculent : « En ce moment, je travaille sur deux projets qui me tiennent à cœur : un album de poésie et un film documentaire sur la cuisine d'antan. »  Et de son métier ? « Mes parents nous ont appris que quoi que nous fassions, il faut le faire avec son cœur. Aujourd'hui, je suis 'Happiness Manager' et c'est un réel plaisir d'aller travailler.

Ce nouveau job me permet d'aller au cœur d'une problématique fondamentale humaine : que nous faut-il pour être heureux ? C'est vrai, c'est une notion tellement subjective. Mais qu'est-ce qui rendent les femmes et les hommes heureux dans l'entreprise ? », demande-t-elle. « Après quelques mois, je commence à cerner les contours de la question ! En fait, il va nous falloir entreprendre une réflexion dépassionnée sur notre histoire, par exemple le post-colonialisme », conclut-elle.

 

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