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Construction : comment relancer un secteur en berne ?

Construction

La reprise annoncée dans la construction par le Premier ministre au meeting du 1er-Mai a-t-elle rassuré les acteurs du secteur ? Rien n’est moins sûr. Tous attendent de voir la « couleur » des projets et la part qui reviendrait au marché local.

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Les indicateurs de la construction publiés par le bureau des Statistiques annonçaient une légère reprise dans la construction au début de l’année, de 114,1 en décembre 2016, à 114,6 en janvier 2017. Pourtant, ces chiffres semblent plutôt étonner Gérard Uckoor, président de l’Association des petits entrepreneurs, ainsi que les quincaillers auxquels ils ont été présentés.

« Moi, je n’ai rien vu de cela. Au contraire, depuis le début de 2017, les affaires n’ont pas repris. L’année dernière, ça allait. On voyait plus de contracteurs venir à la quincaillerie », explique la propriétaire d’un commerce situé dans l’Est. Un autre quincailler de Port-Louis tient, lui, des propos plus pessimistes.

« Ce qu’a fait Pravind Jugnauth, c’est un discours destiné à rassurer ses partisans à l’occasion d’un meeting. Maintenant, il faut qu’il passe aux choses concrètes. Chez moi, rien ne va plus. J’ai des frais fixes, dont les salaires et la facture d’électricité. Heureusement, l’emplacement m’appartient. Sinon il y a longtemps que j’aurais fermé boutique. »

Dans l’expectative

Gérard Uckoor se dit lui aussi dans l’expectative. Selon lui, le discours reste à être mis à exécution. « Je ne sais pas encore quels sont ces projets. Il faut des précisions. Mais cela ne suffit pas. » Il estime que les salaires des professionnels de la construction doivent être profondément revus à la hausse. « Un maçon arrive à s’en tirer lorsqu’il est à son compte, mais au sein d’une compagnie, le salaire est dérisoire. La firme applique des barèmes fixés par le gouvernement. Certains offrent un peu plus, mais c’est rare. »

Pour le président de l’Association des petits entrepreneurs, c’est ce qui explique pourquoi des maçons cherchent du travail ailleurs. « C’est la raison pour laquelle des entreprises ont recours à la main-d’œuvre étrangère, à laquelle elles offrent de bas salaires. »

Gérard Uckoor fait ressortir que la législation fait obligation aux entreprises de construction d’embaucher 80 % de travailleurs locaux. Un critère qu’elles doivent respecter afin d’être qualifiées pour obtenir un marché. « Mais dans les faits, elles ne respectent pas cet engagement et le Central Procurement Board n’effectue aucune inspection pour le vérifier. J’attends beaucoup de cette annonce car, comme on dit : ‘Lorsque le bâtiment va, tout va’. La relance de ce secteur ne concerne pas que les maçons, mais aussi les plombiers, les poseurs de carreaux et les électriciens, entre autres. »

S’agissant de perspectives d’emplois liée à la construction du Metro Express, Gérard Uckoor ne croit pas que celle-ci offrira du travail à la main-d’œuvre de la construction.

« Faux chômage »

À Phœnix, le directeur d’une grosse entreprise engagée dans la fabrication de matériaux de maison s’inscrit en faux contre l’argument des personnes citées plus haut, en faisant valoir une situation de « faux chômage » dans le secteur de la construction. « Certains maçons exigent que les entreprises leur paient une rémunération exorbitante pour une journée de travail. C’est impensable et c’est la raison pour laquelle on fait appel à la main-d’œuvre étrangère. »

Aucun investisseur, poursuit-il, ne souhaite travailler à perte, en consacrant une trop grosse partie de ses revenus aux salaires. Certains maçons devraient, selon lui, se montrer raisonnables, car, dit-il, un salaire moyen et un emploi stable valent mieux que rien.

Or, ajoute-t-il, ces maçons préfèrent se tourner les pouces. « Les investisseurs, eux, ne mettront jamais leurs sous dans un projet qui ne leur rapporte que des miettes. J’ai moi-même un projet, mais je n’arrive pas à trouver la main-d’œuvre nécessaire et qui ne coûte pas une fortune. Du coup, je garde mon argent. »

Lorsqu’on en vient aux gros chantiers annoncés par le gouvernement, la majorité des contracteurs disent : « Pa pou nou sa. » À Coromandel, le directeur de Dream Construction fait observer que ce sont les grosses compagnies de construction qui emporteront les marchés.

Décroissance

« C’est un scandale. » s’exclame R. Woochit, directeur de la concasseuse Eastern Stone Crusher. Car, dit-il, « les mêmes entreprises qui possèdent des sucreries sont aussi actionnaires dans des concasseuses, ce qui leur permet d’entrer dans la filière des produits dérivés ». Pour le directeur d’Eastern Stone Crusher, si des firmes historiques comme Dhanush ou Trio ont fermé, c’est parce que « le secteur de la construction est contrôlé par ceux qui ont déjà des intérêts dans le secteur foncier ».

Selon R. Woochit, la décroissance dans le secteur de la production trouve sa première explication dans la décision de placer la National Development Unit (NDU) sous la coupole du Prime Minister’s Office. « À partir de là, le budget de la NDU a été réduit à peau de chagrin.

Ce sont les mairies et les conseils de districts qui se sont chargés de la construction et de l’entretien des drains. D’autres travaux ont été entrepris par le ministère des Infrastructures publiques. » Si l’entreprise parvient encore à garder la tête hors de l’eau, c’est parce qu’elle a supprimé quelque 80 emplois, pour ne garder que 225 employés. « C’était une décision dure à prendre, mais il fallait sauvegarder l’entreprise et la majorité des salariés », explique le directeur de la concasseuse.

À Coromandel, un autre interlocuteur explique qu’il est sur une pente raide, à cause des frais fixes dont il doit s’acquitter, les salaires en premier. « Pour rentrer dans mes frais et dégager des bénéfices moyens, je dois obtenir au moins une dizaine de maisons à construire chaque année. Mais je n’en ai qu’une. »

Pourtant, les marchés ne manquent pas à ce point. « J’avais obtenu deux contrats : l’un pour la construction d’appartements et l’autre pour des bungalows. Mais la banque m’a réclamé des garanties de plusieurs millions. Je n’ai pas pu les trouver et j’ai perdu ces marchés. Je veux bien croire les propos du Premier ministre. Mais il faut d’abord que je voie des projets se concrétiser de même que leurs coûts », dit-il.

 

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