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Constituency Clerk : le modus operandi des bras droits des élus

Quinsly Brasse, Avinash Sawaruth, Navinen Veerasamy et Noorani Aurdally.

Les allégations de Simla Kistnen, la veuve de Soopramanien Kistnen, contre le ministre Yogida Sawmynaden, ont mis en exergue le poste de Constituency Clerk. Qui sont-ils ou quelles sont leurs activités ? Nous avons sollicité des Constituency Clerks, certains à visage découvert, d’autres sous le couvert de l’anonymat, pour y voir plus clair.

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Comment les élus les choisissent-ils ?

Elle est à son deuxième mandat en tant que Constituency Clerk. Auparavant, Quinsly Brasse était avec le Private Parliamentary Secretary (PPS). C’est la députée Joanne Tour qui a porté son choix sur elle. « Elle m’a choisi puisque je suis une personne de terrain comme elle et je connais les rouages étant conseillère à la municipalité de Port-Louis », explique-t-elle. 

Avinash Sawaruth, le bras droit du PPS Gilbert Bablee, relate que « j’étais avec lui sur le terrain durant la campagne. Par la suite, il cherchait une personne pour occuper le poste de Constituency Clerk. J’ai montré mon intérêt vu que je n’avais pas de travail. Il m’a alors embauché ». 

La députée Subhasnee Luchmun-Roy a proposé Navinen Veerasamy pour remplir le poste de Constituency Clerk. « On s’est rencontré pendant la campagne électorale. Je véhiculais les candidats, vu que je connais bien la circonscription. Quand elle a été élue, elle m’a proposé ce poste et j’ai accepté », rappelle notre interlocuteur. 

Nous sommes un peu les oreilles et la bouche de l’élu. Nous avons le devoir de lui informer de tout ce qui se passe»

Noorani Aurdally travaille aux côtés d’Eshan Joomun. « Je le connaissais depuis plusieurs années, même avant qu’il ne soit candidat. J’étais l’ex-bras droit de feu James Burty David. Eshan Joomun m’a demandé ma carte d’identité et m’a dit qu’il allait me recruter comme Constituency Clerk puisque j’ai une proximité avec les gens et les qualités requises selon lui pour assumer ce poste », affirme ce dernier 

« Nous sommes les oreilles et la bouche » 

En quoi consiste réellement ce poste de Constituency Clerk ? Une ancienne Constituency Clerk d’un senior minister nous explique que le poste de Constituency Clerk « n’est pas de tout repos, surtout quand vous êtes attaché à un ministre. Nous sommes un peu les oreilles et la bouche de l’élu. Nous avons le devoir de lui informer de tout ce qui se passe, qu’il s’agit d’une mortalité, de l’anniversaire d’un centenaire, d’un problème ou autres ».

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Selon nos interlocuteurs, un Constituency Clerk doit être disponible à n’importe quelle heure de la journée ou de la nuit, et aussi d’être sur le terrain quand le devoir appelle. « On a le devoir d’être sur le terrain pour représenter le/la député(e) s’il ou elle est pris(e) ailleurs. On doit pouvoir être aux côtés des habitants dans un moment de peine ou de joie. Il nous faut des fois appeler des personnes au nom des élus », soulignent nos interlocuteurs. 

Plusieurs parmi nous n’ont pas encore touché leur Gratuity. »

Secrétaire

Nos Constituency Clerks avancent que « nous avons aussi la tâche de gérer l’agenda de l’élu, notamment les évènements dans sa circonscription. S’il s’agit d’un ministre, on doit informer sa secrétaire des évènements auxquels doit assister le ministre pour que cela soit inclus dans son agenda. Il est aussi de notre devoir de ‘brief’ l’élu avant une fonction ou une cérémonie. Des fois, nous devons l’accompagner dans ses rencontres sur le terrain ». Le Constituency Clerk d’un actuel ministre ajoute que le ministre dispose de plusieurs ‘advisors’ sur lesquels il porte aussi son choix dépendant de la nature du travail à abattre.

Explik ou Ka

Problème d’eau, manque de lumière, pension qui n’est pas versée, démarches administratives… Ce sont autant de doléances auxquelles doivent s’atteler les Constituency Clerks. « Nous devons noter les noms et adresses des personnes qui viennent rencontrer le ministre. Nous devons aussi noter leur problème, les canaliser vers les autorités concernées et faire le suivi pour s’assurer que leurs problèmes ont été réglés », soulignent nos interlocuteurs. 

Pas de magie

Toutefois, nos interlocuteurs poursuivent que souvent des personnes viennent les voir pour avoir un travail à tout prix. « On essaie de leur faire comprendre que cela n’est pas de notre ressort. On leur conseille d’aller dans les bureaux de travail ou alors on les guide vers la Public Service Commission (PSC) pour savoir quels sont les postes disponibles en ce moment », lancent-ils. 

Souffre-douleur

Comme tout le monde, nos élus ont aussi des sauts d’humeur et éprouvent de la colère avec le stress et le charge de travail. Pour certains, leurs Constituency Clerks deviennent alors des souffre-douleurs. « J’avais une bonne entente avec mon honorable. Mais des fois, nous n’étions pas sur la même longueur d’onde. Il y a aussi eu des fois où le ton est monté, mais j’ai dû gérer et ne pas me laisser dépasser par les événements », se remémore une Constituency Clerk, attachée à un senior minister. 

Le Constituency Clerk d’un actuel ministre déclare : « Il y a des moments de faiblesse et de gloire. Il y a des ministres qui n’hésitent pas à injurier. Il y a des frustrations, sauf qu’on ne peut rien faire. Outre d’être passionné par la politique, il faut aussi avoir la peau d’un crocodile si on veut faire ce job ».

Temps-partiel ou plein temps

Si certains Constituency Clerks ont déjà un emploi, à l’instar de Joanne Tour, Subhasnee Luchmun Roy ou d’Eshan Joomun, cependant d’autres dépendent de ce poste pour obtenir un salaire, comme celui du PPS Gilbert Bablee.


Aucun règlement pour ce poste

Selon des anciens élus, il n’existe à ce jour aucune loi qui définisse le rôle et l’activité d’un Constituency Clerk. « En vérité, chaque élu utilise le service d’un Constituency Clerk comme il l’entend. Cependant, dans le principe, il est censé de fonctionner comme un secrétaire qui aide l’élu dans l’organisation de ses activités, soit à prendre ses rendez-vous, à répondre aux lettres et aux sollicitations. Certains recrutent un agent ou encore des militants qui font le boulot politique du ministre ou du député. Cependant, certains Constituency Clerks fonctionnent de façon professionnelle en offrant vraiment un soutien », indique un ancien ministre.

Un autre ministre soutient quant à lui que c’est l’élu qui détermine les activités du Constituency Clerk. Idem pour le nombre de Constituency Clerks dont peut disposer un élu, le nombre n’étant pas défini. « Chacun fait comme il l’entend. Par exemple, un élu touche près de Rs 15 000 pour les services d’un Constituency Clerk, mais il peut employer trois personnes et diviser cette somme pour payer les trois. C’est à sa discrétion », estime notre interlocuteur. 


Quelles sont les procédures ?

Une fois élu, chaque député a droit à un Constituency Clerk. Avant de pouvoir toucher la Clerk Allowance de Rs 14 790, le député doit envoyer le nom, le numéro de la carte d’identité ainsi que d’autres informations sur la personne qu’il veut employer comme Constituency Clerk à l’Assemblée nationale. Ce n’est qu’alors que l’allocation sera ajoutée sur le salaire du parlementaire. Et c’est au député de lui verser cet argent. De plus, les Constituency Clerks ont droit à un 13e mois à la fin de l’année et aussi à une Gratuity de Rs 28 940 qu’ils percevront à la fin de chaque année d’emploi.


Gratuity…, ils sont dans le flou…

Suite à notre conversation avec quelques Constituency Clerks, qui ont souhaité garder l’anonymat, nous avons appris que nombreux ne savaient pas qu’ils devaient toucher un Gratuity. « C’est grâce à cet article du Défi Plus que nous savons maintenant quels sont les bénéfices qui sont attachés au poste de Constituency Clerk. D’ailleurs, plusieurs parmi nous n’ont pas encore touché leur Gratuity. Je pense que la plupart des Constituency Clerks attendent un peu avant d’en faire état à leur élu. Leur seul espoir est qu’ils reçoivent leur dû incessamment », indiquent quelques-uns des Constituency Clerks.  


Témoignages des anciens et actuels politiciens 

Jean-Claude de l’Estrac, ancien ministre : «Je n’ai pas eu de Constituency Clerk»

jean« Je ne crois pas avoir recruté un Constituency Clerk. J’avais un advisor au ministère qui m’assistait dans l’organisation de mes activités de ministre et d’élu. C’était une personne extrêmement qualifiée et efficace. Il s’agissait de Padma Ghosh qui avait été recrutée sur une base strictement méritocratique par rapport à ses compétences. Elle m’assistait lorsque je recevais mes mandants une fois par semaine. Elle prenait les noms, notait les points soulevés et faisait le suivi entre autres. En revanche, je ne lui demandais pas de faire mes activités politiques. » 


Sam Lauthan, ancien ministre : «J’ai vu un fils en mon Constituency Clerk»

sam« De 1995 à 2010, j’ai eu deux Constituency Clerks. Le premier était un camarade de base, mais après quelque temps il a immigré dans un autre pays. D’ailleurs, c’est lui qui m’a recommandé mon deuxième Constituency Clerk. Je dois dire que Dieu m’a envoyé un fils en la personne de Zahir Hyda, mon Constituency Clerk qui est plus efficace et plus rapide que tous les ‘hotlines’. Il est un phénomène. Il a un disque dur dans la tête. Quand je recevais mes mandants, il était toujours à côté de moi pour me donner les numéros dont j’avais besoin sans avoir à réfléchir ou chercher les numéros. Je me souviens qu’un jour mon épouse était malade, le téléphone a sonné et c’est Zahir qui a répondu. Je lui ai dit de prendre le message et le numéro, car j’étais occupé. Ce qui est incroyable, c’est que bien des mois après, j’avais besoin de la personne qui m’avait appelé. Étonnamment Zahir m’a donné le numéro, tiré de sa mémoire sans aucun problème. En tant que Constituency Clerk, il m’a beaucoup aidé. Nous sommes en contact jusqu’aujourd’hui et je le sollicite quand j’ai besoin d’aide. »


Ashley Ittoo, député : «Il me fallait quelqu’un qui me connaisse»

ashley« En tant que néophyte, mon choix s’est porté sur mon Constituency Clerk, car je voulais quelqu’un qui me connaisse et qui puisse me représenter dans la circonscription. Je voulais de quelqu’un qui sache comment je réagis à une situation. Je voulais quelqu’un qui raisonne comme moi. Je voulais quelqu’un qui soit disponible quand mes mandants n’arrivent pas à m’avoir, mais peuvent se tourner vers lui. Mon Constituency Clerk est quelqu’un que je fais confiance et qui m’aide dans mon travail de politicien. »


Aadil Ameer Meea, député : «Je peux toujours compter sur lui»

aadil« J’ai choisi un camarade de la régionale. Je savais que mon Constituency Clerk est quelqu’un de sérieux, intelligent et compétent. Il est quelqu’un qui passe bien. Il a une bonne entente avec tous. Je sais que je peux toujours compter sur lui. Il est avec moi depuis 2010, après avoir travaillé avec Sam Lauthan pendant plusieurs années. Je n’ai jamais eu de problème avec lui. »

 

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