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Concurrence déloyale : Emtel obtient des dommages de Rs 554 139 000

L’opérateur de téléphonie mobile peut jubiler. Emtel vient de remporter un procès qui a duré 17 ans et dont l’issue pèse plus d’un demi milliard de roupies. L’Information and Communications Technologies, Mauritius Telecom et Cellplus Mobile Communications Ltd feront les frais de cette décision de la Cour suprême.

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La Cour suprême a blâmé Mauritius Telecom (MT) d’avoir accordé des avantages financiers à Cellplus Mobile Communications Ltd (Cellplus), favorisant ainsi cette dernière au détriment de son concurrent direct, Emtel.

Un combat qu’Emtel, le premier opérateur téléphonique mobile à Maurice et dans l’hémisphère sud, mène depuis 20 ans pour dénoncer la concurrence déloyale de MT et de Cellplus ainsi que l’inaction de l’Information and Communications Technologies (ICTA).

La plainte d’Emtel avait été déposée en Cour suprême le 2 juin 2000. Elle était dirigée contre l’ICTA, MT, Cellplus et le ministère des Télécommunications. Emtel décriait la rupture d’égalité au regard de la concurrence depuis que Cellplus a débuté ses opérations en 1995.

Frais d’interconnexion

Emtel a toujours été à la pointe de l’innovation.

Emtel a démarré ses activités en 1989. Pour mener à bien ses opérations, la compagnie devait louer des lignes téléphoniques de MT, connue à l’époque connue la Mauritius Telecommunications Services.
Emtel devait, en contrepartie, verser une redevance à MT. La compagnie bénéficiait d’une période d’exclusivité jusqu’au 31 décembre 1995. Les années 1990 étant marquées par la volonté du gouvernement de libéraliser la téléphonie mobile, Cellplus voit le jour le 14 mars 1996. Elle est à la fois une filiale de MT et la concurrente directe d’Emtel. C’est le début des problèmes pour Emtel.

Celle-ci arrive difficilement à rivaliser avec Cellplus car elle n’est pas traitée sur un pied d’égalité. Alors qu’elle est tenue de payer régulièrement des frais d’interconnexion (interconnection charges) à MT, Cellplus bénéficie pour sa part d’un traitement plus avantageux et se voit dispenser de payer de tels frais.

Emtel reprochait aussi à MT d’avoir accordé un traitement préférentiel à Cellplus pour ce qui est de la facturation des frais d’interconnexion. Emtel reçoit, chaque mois, une facture de MT. Mais dans le cas de Cellplus, il n’y avait pas de facture émise car la compagnie subsidiaire bénéficiait des avantages financiers de sa maison mère.

Ainsi, Cellplus obtenait des périodes de remboursement plus longues qu’Emtel alors que celle-ci était frappée de pénalités en cas de retard de paiements. De plus, Cellplus bénéficiait des facilités financières à hauteur de plusieurs centaines de millions de roupies de MT. Toutes ces facilités, selon Emtel, constituent des subventions de MT à Cellplus.

Or, les conditions contenues dans le permis d’opération de Cellplus interdisaient expressément de telles pratiques. « The purpose of condition 7(a) is to prevent that Cellplus obtains an unfair advantage on Emtel by not paying interconnection charges at all or to a lesser level to MT, its parent company. Condition 7 (b) as amended directs MT to furnish to the Authority such documentary evidence as audited accounts and reports showing that Cellplus is keeping its accounts separate from MT and that it is not benefiting from any cross subsidy from MT. » 

Position dominante

La Cour suprême a conclu que MT et Cellplus avaient commis une faute en abusant intentionnellement de leur position dominante pour provoquer une rupture d’égalité dans les moyens de la concurrence.

L’ICTA avait soulevé une objection préliminaire en affirmant qu’elle ne pouvait être tenue responsable des manquements attribués à son prédécesseur, la Telecommunications Authority (TA). Un argument rejeté par la Cour suprême. Celle-ci a conclu que la TA avait commis une faute professionnelle grave en abdiquant devant ses responsabilités et que l’ICTA pouvait être tenue responsable.

Emtel n’a pas été en mesure de prouver ses réclamations contre le ministère des Télécommunications car il n’a pas été établi que celui-ci avait émis des directives à MT ou à l’ICTA, dans toute cette affaire. Mais Emtel a pu démontrer un lien de causalité entre les préjudices subis et l’élément de concurrence déloyale mis en cause. Elle a pu établir que les tarifs pratiqués par Cellplus étaient déraisonnables et l’ont contraint à réduire les siens pour ne pas perdre sa clientèle.

Agissements déloyaux

La Cour suprême a notamment conclu que les agissements déloyaux peuvent prendre la forme d’un trouble commercial provoquant la déstabilisation de la stratégie commerciale de l’entreprise.

La Cour suprême a, d’autre part, indiqué qu’Emtel avait subi des préjudices économiques à hauteur de Rs 11 360 637 pour la période de mars 1996 à août de la même année, soit la période durant laquelle Cellplus a opéré sans permis.

De septembre 1996 à décembre 1996, les dommages s’élèvent à Rs 59 545 150. Pour la période de  janvier 1997 à décembre 1997 et de janvier 1998 à décembre 1998, Emtel a obtenu des dommages de
Rs 254 762 004 et de Rs 228 472 109 respectivement. Le montant total des dommages est de Rs 554 139 000

Emtel présent depuis trente ans

La compagnie Emtel appartient au Groupe Currimjee et Airtel, premier fournisseur indien de l’Internet sans fil et de téléphonie en Inde. Emtel Ltd est présent depuis près de 30 ans sur le marché. Elle est la première compagnie de téléphonie mobile dans l’hémisphère sud. D’une entreprise mobile, Emtel est devenue une entreprise offrant une gamme de produits et de services. Emtel propose des solutions de connectivité Internet et internationales via la fibre optique sous-marine. Depuis le 27 avril 2015, Emtel est le partenaire d’Airtel. La compagnie indienne compte 307 millions de clients à travers ses opérations.

Des honoraires de Rs 19 m qui ont fait jaser

Me Kailash Trilochun.

Si la réclamation d’Emtel à l’ICTA s’élève à Rs 1,1 milliard, ce montant avait été éclipsé, un certain moment, par les honoraires de Rs 19 millions qu’avait perçus Me Kailash Trilochun pour représenter l’ICTA.

L’avocat se faisait payer ses services à un taux de 400 dollars américains par heure. Le montant de ces honoraires avait suscité des commentaires tant du gouvernement, que de l’opposition. L’ancien Premier ministre et actuel ministre mentor, sir Anerood Jugnauth, s’était dit « choqué » par ce montant lors de son intervention au Parlement le mardi 9 août 2016. Quant à Navin Ramgoolam, il avait demandé qu’une partie de cette somme soit restituée à l’ICTA.  À l’issue d’une réunion du Bar Council, le 17 août 2016, l’Ordre des avocats avait, par la voix de son ancien secrétaire, Yahia Nazroo, déclaré que « le Bar Council n’interviendra pas dans le cas de Me Kailash Trilochun ».

De retour de l’étranger, le 5 septembre 2016, Me Kailash Trilochun devait riposter à ses détracteurs. Selon lui, l’ancien chef du gouvernement était au courant de la somme de Rs 19 millions. Il avait ajouté que « ce n’est pas moi qui ai réclamé un tel montant mais bien l’ICTA qui me l’a imposé ». Le scandale des honoraires a été ensuite éclipsé par une enquête policière sur l’agression de Bhanoodutt Beeharee, ancien président du conseil d’administration de l’ICTA.

ICTA : probable recours au Privy council

Héritière de la Mauritius Telecommunications Authority (MTA), contre qui Emtel avait porté plainte à l’époque, l’Information & Communication Technologies Authority (ICTA) devra partager la note de Rs 554,1 millions avec Mauritius Telecom et Cellplus. Aussitôt, le jugement de la Cour suprême rendu, mercredi, les cadres de ce corps parapublic se sont réunis. Peu de détails ont cependant filtré de cette rencontre. « Nous n’avons pas encore pris connaissance de tous les détails de ce jugement. Pour le moment, nous préférons nous abstenir de commenter davantage cette affaire », a indiqué une source autorisée à l’ICTA. Le dossier est entre les mains des avocats de l’institution qui la conseilleront sur la marche à suivre. La voie la plus probable est de contester le verdict devant le Conseil privé.

Les avocats dans ce litige

  • Dans ce litige, la compagnie Emtel a retenu les services d’un Queen’s Counsel anglais en la personne de Me Marc Brealey, de Mes Anwar Moollan et Émilie Doger de Spéville. Ils étaient assistés par l’avoué Thierry Koenig, Senior Attorney.
  • L’ICTA était représentée par Mes Kailash Trilochun, Arassen Kallee, Hasseena Mahamoodally, Dharini Ramdewar et l’avoué Roshan Rajroop.
  • La défense de Mauritius Telecom était, elle, assurée par Me Ravin Chetty, Senior Counsel, Mes Yashley Reesaul, Neeven Parsooramen et Varuna Govinden. Ils étaient assistés par l’avoué André Robert, Senior Attorney.
  • Cellplus était défendue par Me Désiré Basset, Senior Counsel, Mes Gaël Basset, Heetesh Dhanjee et Nadraj Patten. Ils étaient assistés par l’avoué André Robert, Senior Attorney.
  • Le ministère de la Télécommunications était représenté par Me Luchmyparsad Aujayeb, Acting Assistant Sollicitor General, Mes Rishma Sabbi Appanna et Karuna Dwarka-Davay.

Les hommes de loi de MT à pied d’œuvre

Les hommes de loi de Mauritius Telecom sont en train d’étudier les différentes avenues possibles à la suite du jugement rendu par la Cour suprême mercredi. « Les hommes de loi qui représentent Mauritius Telecom dans cette affaire étudient actuellement le document de la Cour. La direction fera connaître sa position en temps et lieu », indique la compagnie dans un communiqué émis mercredi en fin d’après-midi.


Bashir Currimjee, président d’Emtel : «Nous avons toujours fait confiance à la justice»

Dans un communiqué émis le mercredi 9 août 2017, Emtel précise que ce jugement de la Cour suprême a validé l’action qu’elle a initiée et qui remonte à plus de vingt ans. Ce litige opposant Emtel à l’ICTA, Mauritius Telecom, Cellplus et le ministère des Technologies concernait l’inaction des autorités face à la concurrence déloyale de MT et Cellplus dans les années 90.  Emtel déclare qu’elle a toujours insisté pour être sur un pied d’égalité avec l’opérateur MT et pour une règlementation s’appliquant uniformément à tous les opérateurs.

« Le secteur des télécommunications est, et demeure, primordial pour le développement du pays et constitue l’un de ses piliers. Ainsi, un régulateur fort et impartial est une nécessité incontournable pour la bonne santé de ce secteur, ce qui n’était pas le cas il y a 20 ans. C’est d’ailleurs une des raisons qui nous a poussés à initier cette action en justice. Nous avons toujours fait confiance à la justice et n’avons jamais douté de l’issue de cette affaire. Le jugement rendu aujourd’hui nous motive encore plus dans notre engagement à offrir ce qu’il y a de mieux à nos clients. Un environnement qui offre des chances égales à tous les opérateurs est bénéfique à toutes les parties concernées, aux consommateurs en premier », a tenu à souligner Bashir Currimjee, le président d’Emtel, à la suite de ce verdict. Depuis près de 30 ans, Emtel est à la pointe de l’innovation afin de proposer toutes les dernières avancées technologiques à ses clients. Selon la compagnie, elle continuera à œuvrer pour une concurrence saine et loyale en partenariat avec toutes les parties prenantes du secteur, au profit des consommateurs. 

Bashir Currimjee a tenu aussi à remercier ses collaborateurs à l’issue de ce jugement. « Durant ce long parcours juridique, notre équipe et nos partenaires nous ont donné un soutien indéfectible et je tiens aujourd’hui à les saluer »,. a-t-il ajouté.

Kresh Goomany, COO d’Emtel : «Satisfait et soulagé»

Le Chief Operating Officer de la compagnie Emtel, Kresh Goomany, ne cache pas son soulagement à la suite du verdict rendu par la Cour suprême. Il admet que la compagnie est passée par des étapes pénibles. « Je suis satisfait et soulagé qu’il y ait eu un dénouement positif et une conclusion favorable », a déclaré le COO d’Emtel.

 

 

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