Interview

Commission de pourvoi en grâce : le dernier combat des condamnés

wong yuen L’avocat Germain Wong Yuen Kook.

Vous vous êtes tourné vers plusieurs instances judiciaires pour obtenir une réduction de peine ou être blanchi, mais vous en êtes ressorti bredouille après toutes ces étapes ? L’avocat Germain Wong Yuen Kook explique en quoi consiste la Commission de pourvoi en grâce.

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Qu’est-ce que la Commission de pourvoi en grâce ?
La Constitution de Maurice prévoit des prérogatives pour le président de la République, parmi lesquelles on trouve la grâce présidentielle. Cette prérogative est établie sous la section 75(1) de notre Constitution.

Cependant, le président ne peut de son propre chef accorder la grâce présidentielle. Il faut que la Commission de pourvoi en grâce lui en fasse la recommandation.

Le Président pourra alors :

  1. accorder à toute personne reconnue coupable d’un délit  la grâce présidentielle ;
  2. accorder à toute personne un sursis dans l’exécution de sa peine ;
  3. substituer une peine moins sévère à celle infligée à une personne pour un délit ;
  4. diminuer toute peine d’emprisonnement ou amende. Il revient alors à la Commission de pourvoi en grâce de recommander le type de grâce présidentielle qui conviendrait à chaque cas méritant.

Qui siège au sein de cette commission ? Quel est leur rôle ?
Selon la section 75(2) de notre Constitution, la Commission de pourvoi en grâce sera composée d’un Chairman et d’au moins deux autres membres. Leur nomination sera faite par le président de la République qui  agit de son propre chef. Notre Constitution reste silencieuse sur les critères de sélection des membres de la Commission de pourvoi en grâce. La loi ne mentionne pas le domaine d’expertise exigé, l’expérience minimale requise ou encore les qualifications nécessaires.  Il est d’usage que le président de la commission soit un ancien juge de la Cour suprême.

Qu’en est-il des autres membres de la commission ?
Le président peut nommer n’importe qui, car notre Constitution ne fait aucune mention au sujet des qualifications ou du degré d’expérience que les candidats doivent détenir.

Tous les condamnés peuvent-ils recourir à la grâce présidentielle ?
Oui. Ils invoquent ce recours quand ils estiment qu’ils ont  été injustement condamnés par la justice et après qu’ils ont utilisé de tous les recours légaux possibles pour plaider leur cause. Des faits nouveaux peuvent aussi justifier une réduction de la sentence infligée. Souvent, des auteurs de délits jugés « mineurs » réclament la grâce présidentielle, car ils ont besoin d’un certificat de moralité vierge pour trouver du travail.

Les décisions de la commission doivent être claires pour éviter toute perception d’opacité dans la prise de décision.»

Quels sont les procédures et les critères requis pour une telle démarche ?
Tout demandeur de la grâce présidentielle doit le faire par voie de pétition adressée au président de la République. S’il s’agit d’un condamné, la demande est transmise à travers l’administration pénitentiaire, les avocats ou avoués des prisonniers.

Le président de la République transmettra toute demande à la Commission de pourvoi en grâce qui étudiera le cas. La commission demandera un rapport à la police ou au commissaire des prisons pour vérifier la véracité du contenu de la pétition.

Une fois la décision prise, le procès-verbal est signé par le président de la commission au bout de deux jours. La secrétaire de la commission prend alors rendez-vous avec le président de la République qui, à son tour, donne son approbation ou pas.

Après avoir obtenu la conclusion de la commission, quel est le rôle du président de la République ?
Le président a deux choix qui s’offre à lui. Il peut soit agir selon les recommandations de la Commission de pourvoi en grâce. Ou alors il peut être insatisfait des recommandations de la commission. Dans ce cas de figure, il refusera de signer et il demandera à la commission de reconsidérer ses recommandations. Mais après que la commission a reconsidéré les recommandations, cette fois le président de la République sera tenu d’agir, indépendamment du fait que les recommandations restent inchangées ou pas.

Le président de la République peut-il aller à l’encontre de la conclusion de la commission ?
Non. La Constitution ne le permet pas. Comme expliqué plus haut, la première fois, il peut refuser les recommandations de la commission, mais la seconde fois (après que la commission a reconsidéré le cas), le président de la République sera tenu de suivre les recommandations de la commission.

La décision du président de la République peut-elle être contestée ?
Rappelons que la décision du président de la République est prise sur les recommandations de la Commission de pourvoi en grâce. Si une personne est insatisfaite, elle ne peut contester la décision du président de la République, mais celle de la Commission de pourvoi en grâce par voie de révision judiciaire (judicial review).

Récemment, deux condamnés ont obtenu une réduction de peine suivant le rapport de la commission. L’un d’eux avait écopé de 40 ans de prison pour le meurtre de son épouse et il a obtenu 15 ans de rémission. Cette affaire avait fait polémique. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la décision de la commission. Votre opinion ?
Je suis d’avis qu’il est grand temps de prévoir un cadre légal pour la détermination des demandes présentées à la Commission de pourvoi en grâce. Les décisions de la commission doivent être claires et motivées pour éviter toute perception d’opacité dans la prise de décision. Il est ainsi inconcevable que la commission ne siège qu’en part-time, c’est-à-dire deux fois par mois seulement, alors qu’elle reçoit entre 75 et 100 requêtes par mois. Cela entraîne une lenteur qui cause d’énormes préjudices aux demandes méritantes. C’est avant tout une commission payée de la poche des contribuables. Il est donc grand temps de revoir les lacunes de notre présent système et d’y remédier.

 

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