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Commémoration de l’abolition de l’esclavage - Danielle Palmyre : «Le pays entier porte la mémoire des esclaves»

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Le bassin des esclaves.
Le bassin des esclaves.

Danielle PalmyreLe 1er février, la montagne du Morne est mise en avant comme site symbolique de l’esclavage. Mais d’autres lieux le sont aussi. L’anthropologue Danielle Palmyre nous éclaire sur le sujet. Elle a étudié l’histoire de l’esclavage à Maurice et rappelle que ce sont les esclaves qui ont défriché et épierré le pays dès la période hollandaise.

Quels sont les lieux de mémoire ?
Plus que des lieux de mémoire, tout le pays porte la trace du labeur, du sang, des larmes et de la sueur des esclaves. Le Port-Louis de l’époque française a été construit par des esclaves. Mais il n’y a pas que cela, il y a d’abord cette terre qui a été défrichée et épierrée par les esclaves. Avant des lieux particuliers, c’est toute l’île Maurice qui porte la mémoire des esclaves.

Le bagne où le prince Ratsitatane a été emprisonné.
Le bagne où le prince Ratsitatane a été emprisonné.

Mais c’est vrai aussi qu’il faut des lieux pour faire mémoire. L’hôpital militaire à Port-Louis qui abrite le musée intercontinental est un lieu qui parle beaucoup, car c’est un bâtiment qui porte la trace de la vie des esclaves à leur arrivée à Maurice.

Monument Jardin Compagnie
Monuments près du jardin de la Compagnie.
Monuments près du jardin de la Compagnie.

Et même s’il faut des lieux de mémoire – que l’on oublie dès l’inauguration - il est fondamental de reconnaître ce que les esclaves ont fait dès qu’ils ont débarqué dans l’île. Ils ont posé les fondations du développement du pays, ce qui remonte à la période hollandaise.

Monument devant le théâtre de Port-Louis.
Monument devant le théâtre de Port-Louis.

Il y a peu d’engouement lors des cérémonies pour commémorer l’abolition de l’esclavage, comment expliquer cela ?
Il y a comme une amnésie collective, une résistance à faire référence à ce lourd passé. Peut-être aussi que tout le monde ne se retrouve pas dans ce type de commémoration ? Plus profondément, j’y vois le signe de la quête d’une reconnaissance plus authentique. À quoi cela sert-il de mettre des bouquets de fleurs au pied du Morne une fois par an, alors qu’on ne parle pas de l’histoire de l’esclavage dans les écoles, qu’on ne l’enseigne pas et qu’on fait comme-ci elle n’existait pas ou qu’on n’a pas besoin d’en parler ? On ne peut pas faire semblant de commémorer le 1er février ce qu’on oublie 365 jours par an.

La rue Maillard est un autre lieu de mémoire
La rue Maillard est un autre lieu de mémoire 

Pourquoi la montagne du Morne est-elle au centre des commémorations chaque année ?
C’est un lieu emblématique qui représente le marronnage comme porte de sortie de l’esclavage, avant même l’abolition. Les marrons ont pris leur liberté en allant sur la montagne du Morne, avant même que l’esclavage ne soit aboli. Cela a beaucoup de sens, mais il ne faut pas se focaliser uniquement sur Le Morne. Il faut parler du marronnage, qui ne se réduit pas à l’anecdote que l’on raconte sur Le Morne. L’accent doit être mis sur la conquête de la liberté. Les esclaves se sont rendus eux-mêmes libres au prix de leur vie. Ce n’est pas l’abolition qui compte vraiment parce que les esclaves étaient des êtres libres qui ne se sont jamais soumis à la condition servile qui leur a été imposée. C’est pourquoi il faut parler du marronnage qui est l’autolibération de l’esclave.


 

 

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