C’est un vrai casse-tête pour l’employé quand il doit faire face à un comité disciplinaire. Que doit savoir un employé et quels sont ses droits dans une telle circonstance? Dev Ramano, avocat, nous explique les rouages du comité disciplinaire et ses conséquences. « Des changements doivent être apportés dans la loi dans l’intérêt des employés », assure-t-il.
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« Concernant le licenciement pour motif individuel, il est impératif de changer le scénario burlesque »
Un comité disciplinaire peut entraîner la mise à pied d’un employé avec effet immédiat. Quand l’employeur peut-il instituer un comité disciplinaire contre un employé ? Que dit la législation à ce sujet ?
Un comité disciplinaire peut être institué contre un employé sur la base d’un motif individuel, en cas de faute alléguée de l’employé et si cela peut entraîner une résiliation de son contrat de travail.
La faute (individuelle) peut se décliner en faute légère, faute grave et faute intentionnelle. Cela inclut aussi la faute professionnelle : négligence, imprudence, exécution défectueuse du travail ou tout manquement lié à l’exécution du travail. L’employeur doit ici prouver une faute particulière contre l’employé. La loi étend aussi l’action disciplinaire à l’insuffisance professionnelle.
L’Employment Relations Act (ERA) de 2008, dans son article 38 (2) (a) (ii) relatif à « la protection contre la résiliation du contrat de travail » prévoit qu’un employé doit avoir l’opportunité de répondre de l’accusation de faute portée contre lui, si la sanction ultime est le licenciement.
L’article 38 (3) (b) de la loi prévoit que le même principe s’applique en cas d’accusation alléguée d’insuffisance professionnelle, alors que l’article 38 (2) (b) prévoit les mêmes procédures en cas de fautes alléguées entraînant des poursuites au pénal.
Quelle est la procédure à suivre pour instituer un comité disciplinaire ?
D’abord, il faut que l’employé fasse l’objet d’une accusation qui, si elle est avérée, risque d’entraîner son licenciement. L’employé doit être avisé de ce fait et son employeur peut, selon les circonstances, procéder ou non à sa suspension. Toutefois, il doit formuler l’accusation alléguée et informer l’employé dans un délai de dix jours, suivant la date où il a pris connaissance des faits entourant la faute alléguée.
Dès que l’employé a pris connaissance des reproches officielles à son encontre, l’audition de l’affaire ne peut se faire qu’au-delà d’un délai de cinq jours. Après l’audition, le licenciement ne peut être effectif que lorsque la décision de licenciement est communiquée à l’employé dans un délai de sept jours. Pour toute autre sanction, la décision peut intervenir au-delà. À noter que, pour les secteurs gouvernementaux et les administrations régionales, les procédures disciplinaires sont régies par les dispositions de la Public Service Commision (PSC) et de la Local Government Service Commission (LGSC).
Qui siège sur un comité disciplinaire ?
D’abord, il y a le président du comité. Il ou elle est épaulé/e par un/e secrétaire qui prend les procès-verbaux. Pour les corps gouvernementaux ou les administrations régionales, le président est encadré par des assesseurs. On trouve aussi un représentant de l’employeur, souvent assisté par un conseiller légal et, d’autre part, l’employé seul ou assisté par son représentant syndical ou légal ou par un officier du ministère du Travail dans le cas d’une entreprise privée.
L’employé a-t-il son mot à dire ? Quels sont ses droits ?
Bien sûr, l’employé a un droit d’écoute. Sans cette écoute, toute décision de licenciement serait caduque. Mais la loi du travail reste très limitative quant au droit de bénéficier d’une audition. L’article 38 (2) (a) (ii) prévoit simplement qu’il faut donner à l’employé « an opportunity to answer ». Point à la ligne. Il n’est pas dit que, si l’employé, dans sa version des faits, démontre son innocence, l’employeur sera dans l’obligation de ne pas le renvoyer. Souvent, les auditions disciplinaires ne s’avèrent que de la poudre aux yeux et certains patrons s’y prêtent pour éviter d’être éclaboussés par un vice de procédure et se permettent ainsi des abus, des décisions arbitraires.
Un employé peut-il contester une sanction disciplinaire ? Comment ?
S’il ne s’agit que d’un avertissement normal ou sévère, il est conseillé à l’employé de contester par écrit, en demandant que la lettre de contestation accompagne l’avertissement dans son dossier personnel.
Cette contestation, si elle est fondée, pourrait aider à mitiger le poids de toute sanction future à son égard. L’alternative serait de contester les sanctions de n’importe quelle nature, y compris l’avertissement, en cour industrielle, qui a juridiction pour trancher l’affaire.
Quelles sont les conséquences lorsqu’un employé est licencié avec effet immédiat après les conclusions d’un comité disciplinaire ?
Un licenciement demeure toujours un drame social pour l’employé et ses proches. Il perd toutes ses années de service et il est pénalisé dans ses ressources futures pour sa retraite.
Si l’employé du privé choisit de ne pas saisir la justice pour chercher réparation, il peut intégrer le « Workfare Programme » prévu à la section 40 de l’ERA. Il peut ainsi bénéficier d'une compensation ne dépassant pas un certain plafond jusqu'à ce qu’il se trouve un autre emploi. La compensation ne dépasse pas une année.
En cas de licenciement injustifié, référé devant la cour industrielle, si l’employé obtient gain de cause, il bénéficiera d’une compensation (severance allowance) au taux punitif de trois mois de salaires par année de service, plus un mois de préavis.
Même si l’employeur a été trouvé fautif dans sa décision de licencier, l’employé n’a droit qu’à un remède pécuniaire et non à la réintégration.
Soulignons aussi qu’il y a eu recul en termes de droits du salarié avec l’avènement de l’ERA 2008, sous la politique de « hire and fire » initié par le régime Sithanen/Ramgoolam et pérennisé par leurs successeurs.
La compensation au taux normal en cas de faute moins grave et le droit à trois mois de préavis ont été tout simplement gommés.
Pensez-vous que la loi et les dispositions relatives aux procédures disciplinaires requièrent des changements au bénéfice des employés ?
C’est impératif. Je pense qu’il faut de nouveaux droits. Dans un premier temps, il faudrait restituer aux salariés les acquis d’avant l’avènement de l’Employment Rights Act 2008, en y ajoutant des éléments pertinents : la réintroduction du préavis de licenciement de trois mois, la réintroduction de la compensation de licenciement au taux normal ou une législation implémentant la « severance allowance » constitueraient une étape décisive.
Concernant le licenciement pour motif individuel, il est impératif de changer le scénario burlesque et partial des comités disciplinaires.
Actuellement, en cas de faute alléguée de l’employé, c’est le patron, seul titulaire de tous les droits à ce niveau, qui ouvre les procédures, instruit l’affaire, écoute le salarié et décide de la sanction qui peut mener à un renvoi.
Il est nécessaire d’aller vers une ségrégation du droit de poursuite et que le prononcé de la sanction se fasse sous l’égide d’un corps indépendant mis sur pied par le ministère du Travail. De surcroît, au niveau du renvoi jugé injustifié, la réparation se limite à la seule « severance allowance ». Le non-droit à la réintégration demeure une aberration dans notre code du travail. Une modification drastique s’impose.
D’autres éléments doivent être revisités. Le « Workfare Program » doit être accessible automatiquement à tout licencié, indépendamment du fait que le licenciement est suivi d’une suite civile ou pas.
Le paiement des « Temporary Unemployment Benefits » qui en découle doit être révisé à la hausse pour les licenciés âgés de plus de cinquante ans.
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