Les joailliers se plaignent d’une baisse de croissance. Trois facteurs expliquent cette chute: une pénurie de main-d’œuvre locale qualifiée, l’importation de bijoux de l’Inde et l’érosion du pouvoir d’achat des Mauriciens.
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Depuis un an, Nalini, jeune professionnelle de Belle-Rose, prépare son mariage. Tout y est : saris, chaussures, bijoux, cartes de visite. À un détail près : tout est acheté en Inde. Elle s’explique : « La famille a réalisé une économie totale de Rs 50 000. Ma mère et moi sommes parties chez un fournisseur de saris au Gujerat. Il nous a mis en relation avec d’autres commerçants. Rien que sur les bijoux, nous avons économisé Rs 10 000 ». À 26 ans, Nalini est peut-être l’une des dernières jeunes hindoues à investir dans l’or, métal qu’elle considère comme une valeur refuge.
À Rs 1 400 le gramme, le prix de l’or est de nouveau en hausse, après avoir connu une dégringolade à Rs 400. Siddick Caunhye, directeur de la chaîne de bijouteries qui porte son nom et dont la clientèle est principalement touristique, soutient que la formule all-inclusive offerte par les grands hôtels, prive les commerces de la capitale d’un marché très porteur.
« On ne voit pratiquement plus de touristes à Port-Louis, ces dernières années. Dans notre succursale de la capitale, on le ressent, car toutes les semaines, des touristes franchissaient le seuil de notre bijouterie. Puis, l’affaire BAI s’est greffée sur une situation déjà mauvaise. 20 000 personnes, des clients potentiels, ont vu leur pouvoir d’achat baisser de plusieurs crans. Enfin, il y a l’importation parallèle de l’Inde. »
Main-d’œuvre indienne
Ce dernier facteur est une pratique qui remonte à une dizaine d’années. Héritier d’une longue tradition familiale, Vishal Jalloo explique que l’or n’est pas moins cher en Inde, mais qu’au final, les bijoux coûtent moins cher pour deux raisons : une main-d’œuvre bon marché et très formée ; l’État du Gujerat est l’une des plateformes mondiales de l’or.
« Toutefois, nuance-t-il, il arrive souvent que les bijoux indiens ne contiennent pas la quantité d’or affichée sur les factures. À plusieurs reprises, lorsque nous avons réparé des bijoux achetés en Inde, on s’est aperçu que l’or n’était pas pur. De plus, on ne peut faire confiance à leurs organismes de certification, alors que l’Assay Office de Maurice est très fiable ».
Vishal Jalloo se dit préoccupé par le vieillissement de la main-d’œuvre dans la bijouterie, d’autant que les jeunes issus de l’école de formation en bijouterie préfèrent les entreprises aux bijouteries traditionnelles. « Pour survivre à cet obstacle majeur, on recourt à la main-d’œuvre indienne disponible et hautement qualifiée. Ce sont des professionnels capables de travailler à la fabrication de nouveaux styles de bijoux ».
Ces nouveaux styles sont apparus en même temps que les séries indiennes qui influent sur les tendances vestimentaires et les parures. « Hélas, on ne peut réaliser tous les types de bijoux en or aperçus dans ces séries, sinon ils seraient hors de portée des bourses mauriciennes », précise Vishal Jalloo. « Les parures vues dans les séries ne sont pas forcément en or. Il faut arriver à concevoir des styles mixtes où se rencontrent l’Orient et l’Occident sans qu’ils n’y ait de caractère religieux.
Les jeunes mauriciens, célibataires ou en couple, aiment porter des vêtements qui ne sont pas forcément révélateurs de leur croyance. Jeunes filles ou jeunes femmes mariées, exerçant des professions libérales, préfèrent des parures mixtes. Il appartient aux bijoutiers de répondre à ces attentes et faire preuve d’innovation. C’est la tendance du marché. Il faut absolument coller à notre temps, sous peine de disparaitre. »
Au-delà des facteurs hors de contrôle des bijoutiers, ces derniers réclament le retrait de l’imposition de la TVA sur les bijouteries dont le chiffre d’affaires dépasse Rs 6 millions. « Cela n’encourage pas la relance du secteur », proteste Siddick Caunhye. Vishal Jalloo abonde dans le même sens : « N’importe qui peut fausser ses comptes, comment le savoir ? »
Pour Krishna Jalloo, l’avenir du secteur reste assez compliqué. Les bijoux en or ne sont plus la priorité quand on en vient au mariage.
« L’endettement des ménages et leur investissement dans l’immobilier – valeur appelée à grandir- passent en premier, puis vient l’éducation des enfants. Les familles s’endettent alors pour financer les études supérieures de leurs enfants. Quand les enfants complètent leurs études et trouvent un emploi, leur priorité c’est de rembourser les dettes des parents. On comprend aisément que l’achat des bijoux en or n’entre plus dans cette équation », souligne Krishna Jalloo.
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