Interview

Beejhaye Ramdenee, Chairman du Board de la MBC : «La MBC ne pourra pas vivre des fonds publics éternellement»

Le nouveau Chairman du Board de la MBC, Beejhaye Ramdenee, a la particularité d’être un pur produit du secteur privé où il a exercé comme spécialiste en marketing et en ressources humaines. Dans sa première interview à la presse, il fait valoir que c’est sans doute cette qualité-là qui explique sa nomination.

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Pourquoi avez-vous accepté ce job où d’autres, avant vous, ont été, soit éjectés ou ont jeté l’éponge ?
Parce que j’ai vu la possibilité de mettre en œuvre mon expérience dans le domaine des ressources humaines, où il faut d’abord identifier les compétences pour ensuite obtenir le meilleur d’elles au service de la station publique. Je suis arrivé à la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) sans expérience de l’audiovisuel et sans préjugés.

N’êtes-vous pas un nominé politique ?
Je n’ai pas été choisi à ce titre, mais pour mener à bien un service qui a une triple vocation : informer, éduquer et divertir. La MBC possède un réservoir de professionnels talentueux, grâce à leurs expériences enrichies par des stages de formation continue. Certains  réalisateurs ont produit des reportages de haute facture présentés aux concours organisés par le Cirtef. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Toutes ces personnes semblent touchées par une certaine négativité. Il faut identifier les talents sans pour autant pratiquer l’exclusion.

Comment comptez-vous appliquer votre expérience du privé dans une entreprise qui passe pour réfractaire aux changements ?
J’ai déjà eu une première rencontre avec les chefs de département, je n’ai pas eu le sentiment qu’ils s’opposent aux changements. Je pense que c’est une question d’approche. Je ne viens pas ici comme un père fouettard, en me disant qu’il faut que ça passe ou que ça casse. Mon expérience de gestion des ressources humaines m’a appris que le consensus s’obtient par le dialogue. Il n’y a pas de baguette magique, mais un véritable processus qui passe par l’écoute et non la confrontation.

Les Mauriciens vous attendent par rapport à la gestion des questions politiques avec un regard impartial. Est-ce possible ?
Je connais les attentes des Mauriciens, mais je veux qu’elles soient validées par une véritable étude, dont le Five Year Strategic Plan, afin de définir un certain nombre de projets. Je vais apporter ma touche personnelle à ce plan en  m’appuyant sur mon expérience dans le privé. Vous savez qu’en vertu de la MBC Act, la MBC ne peut pas faire de l’information partisane. On est une copie-collée de la BBC.

Mais vous pouvez toujours organiser des débats politiques contradictoires sur de nombreuses questions que se pose la population…
C’est vrai, mais encore faut-il être en mesure de pérenniser ce genre d’émissions. Je l’ai déjà dit : le fair-play est dans mon ADN. Je ne veux pas qu’on commence quelque chose qui serait sans lendemain. C’est une décision qui doit être celle du conseil d’administration et du gouvernement. Mais il faut toujours avoir à l’esprit une évidence : la MBC est la propriété de la nation, elle lui est redevable.

Dans un paysage audiovisuel bouleversé par les chaînes satellitaires, les radios privées et les smartphones, comment se positionne la MBC ?
Nous prenons en compte ces developpements, de même que leurs impacts sur la société mauricienne. La nouvelle génération veut d’une télévision qui reflète ses propres aspirations, et elles ne sont pas toutes politiques, mais se déclinent dans d’autres champs. Je regarde de temps à autre les chaines satellitaires, je me rends compte de leurs capacités d’innovation, on peut s’en inspirer dans une certaine mesure, dont celle de la qualité.  

On a de manière récurrente accusé les partis au pouvoir d’ingérence dans le fonctionnement et le contenu des JT…
Moi, je n’ai pas les pieds et les poings liés par le gouvernement. Je n’ai pas de mandat politique, mais une obligation de réussite, de mener le bateau à bon port, sans mettre en péril la situation financière de la MBC. De toute façon, un jour il faudra que la MBC cesse de vivre sous perfusion financière de l’État, elle ne pourra pas vivre des fonds publics éternellement, il faut qu’elle se donne pour objectif de devenir autonome.

N’est-ce pas une illusion ?
Non, il faut arriver à rendre la MBC attractive en proposant des émissions de haute facture, en termes d’images, de sujets et de leurs traitements.

Peut-on y parvenir avec un personnel souvent désabusé ou parfois ‘négatif’, selon votre propre analyse ?
Oui, cela ne relève pas du miracle, mais de la confiance que l’on accorde au personnel à tous les niveaux. Il faut parvenir à créer une nécessaire synergie, un esprit d’équipe avec un regard tourné vers le futur, car il a des défis à relever. On n’y arrivera pas si chacun tire le wagon dans sa direction. Ce qui manque à la MBC, c’est une vision claire et cohérente de ses ambitions. Il faut commencer par identifier ses faiblesses en termes de quantité et de qualité et réaliser une étude du marché.  Je ne vais pas shoot in the dark De toute façon avec le plan quinquennal qui sera prêt d’ici à deux mois, nous serons en présence d’une base de données riche en informations qui devraient nous permettre de bien aiguillonner nos projets. Je suis convaincu qu’une télévision nationale doit être capable de contribuer au happiness index d’un pays comme Maurice.

Cet indice n’est-il pas quelque part le reflet de l’ambiance qui prévaut à Maurice ?
Mais cela ne doit pas paralyser les capacités créatrices à la MBC. Ce n’est pas sa vocation ni la meilleure façon d’envisager le travail dans un état d’esprit positif. Par  là, je veux dire que dans n’importe quelle entreprise, le personnel et la direction doivent affronter l’adversité avec un état d’esprit positif. Il est évident que l’exemple doit venir d’en haut, mais au final le combat est gagné par le collectif. Moi, je suis animé par un état d’esprit combatif et innovateur, j’en ai fait mes principes. C’est ce que je souhaite insuffler à la MBC, mais en douceur sans ruer dans les brancards.

 

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