L’arbitrage a été un point saillant dans l’affaire opposant Betamax à la State Trading Corporation. Que signifie un arbitrage ? Quels sont les avantages et les désavantages d’y avoir recours au lieu de se tourner vers une instance judiciaire ? Le point avec l’avocat Steven Sengayen, qui est aussi le président de l’Association du droit international (ADI) à Maurice.
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Quand peut-on avoir recours à un arbitrage ?
L’arbitrage est maintenant la principale méthode de règlement des différends internationaux impliquant des États, des particuliers et des sociétés. C’est l’une des conséquences de la mondialisation croissante du commerce et de l’investissement mondiaux.
Je tiens à préciser que je suis un praticien du règlement des différends internationaux ainsi qu’avocat spécialisé (a Practising Solicitor for the Senior Courts of England and Wales) pour paraître devant le comité judiciaire du Conseil privé.
L’arrêt dans l’affaire Betamax Ltd - State Trading Corporation (2021) devant le Conseil privé a des ramifications importantes. Car le tribunal peut annuler ou refuser d’exécuter une sentence arbitrale internationale au motif qu’elle est contraire à l'ordre public.
Vous noterez que dans l’affaire Betamax, le Conseil privé a adopté la même approche restrictive que les tribunaux anglais sur l’application de l’exception d’ordre public en vertu de l’article V(2) (b) de la Convention de New York.
Ce motif d’annulation d'une sentence arbitrale internationale est rarement autorisé. Et, invoquer l’ordre public est généralement considéré comme « un dernier recours défensif» par les tribunaux britanniques en raison de la position favorable à l’arbitrage du Royaume-Uni.
Le jugement est important pour la communauté internationale des affaires car il indique l'approche probable des tribunaux anglais à l'égard des demandes d’exécution d’une sentence arbitrale étrangère en Angleterre. Ce jugement peut être appliqué dans d’autres juridictions de « common law » telles que l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour, etc. Il faut noter que la décision a été bien accueillie par la communauté internationale dans son ensemble.
Le recours à l’arbitrage implique tout d’abord que les diverses parties au litige manifestent un accord préalable sur ce mode de règlement du conflit, nul ne pouvant imposer à autrui un mode alternatif de règlement des litiges.
Qui fait le choix de l’arbitre dans un arbitrage et quel est son rôle ?
L’arbitrage est essentiellement une méthode très simple de règlement des différends. Les contestataires acceptent de soumettre leurs différends à un individu à qui ils sont prêts à faire confiance. Chacun met son cas devant ce décideur, cette personne privée — en un mot, c’est l’« arbitre ». Il écoute les parties, prend connaissance des faits, des arguments et statue par la suite.
Cette décision est définitive et contraignante parce que les parties ont convenu qu’elle devrait l’être, plutôt qu’en raison du pouvoir coercitif d’un État. De plus, en raison des lois nationales et des traités internationaux tels que la Convention de New York, cette décision sera généralement exécutoire par un tribunal si la partie perdante ne l’applique pas volontairement.
Quelle est la différence entre avoir recours à une cour de justice et à un arbitrage ?
Les procédures contentieuses (litigation) sont introduites par l’une des parties déposant une réclamation devant un tribunal. Alors qu’en arbitrage, il y aurait une clause compromissoire dans un contrat ou un accord qui obligerait les parties à résoudre les différends par voie d’arbitrage.
En arbitrage, lorsqu’il s’agit du temps et des coûts, les parties ont une idée. Alors que ceux-ci restent assez incertains dans une affaire judiciaire.
De plus, dans un arbitrage, les parties peuvent choisir un arbitre ayant une expertise dans ce domaine de litige. Alors que dans un litige devant une instance judiciaire, les parties ne sont pas libres de choisir quel juge va présider leur cas.
Parlez-nous de la différence entre un arbitrage qui se tient à Maurice et un arbitrage international.
Un arbitrage à Maurice concerne des questions purement nationales ou « domestic issues ». Cela signifie, en termes généraux, que tous les aspects de la procédure d'arbitrage sont liés à une seule juridiction (île Maurice).
Par exemple, la nationalité des parties (mauricienne), la loi applicable au contrat (île Maurice), le lieu d’exécution du contrat (île Maurice) et les faits à l’origine du litige relèveront tous de la même juridiction (île Maurice).
Un arbitrage international, en revanche, dépassera les frontières d’une seule juridiction. Une caractéristique essentielle de l’arbitrage international est la présence d’un ou plusieurs des éléments suivants : (a) une sentence arbitrale rendue dans une juridiction et exécutoire dans une autre juridiction ; (b) les participants à l’arbitrage sont des citoyens de différentes nations ; (C) l’objet de l’arbitrage est « international » et (d) une autre caractéristique clé de l’arbitrage international est la nature « commerciale » du différend.
Quelles sont les avantages de ce genre de résolution ?
L’arbitrage présente des avantages considérables par rapport à une procédure portée devant les juridictions d’un État.
Les avantages sont principalement les suivants : (1) les parties peuvent choisir un ou des arbitres spécialistes du droit ou d’une technique donnée, selon les spécificités de l’affaire. (2) L’arbitrage est confidentiel. Les audiences ne sont pas publiques. (3) L’arbitrage élimine les conflits de compétence entre tribunaux, en particulier, en matière internationale, ainsi que généralement les problèmes de conflit de lois. Il offre donc une très grande sécurité par rapport au recours aux tribunaux. (4) L’exécution forcée est possible partout. (5) Les sentences arbitrales constituent de véritables jugements, qui peuvent être aisément exécutées à l’étranger, grâce à des conventions internationales signées par de nombreux pays dans le monde. (6) L’arbitrage est rapide. (7) Le délai dans lequel la sentence doit être rendue est fixé par les parties et à défaut par le Règlement d’arbitrage.
Quid des désavantages ?
Malgré l’intérêt que le monde des affaires trouve à cette procédure, le fait est qu’en signant le compromis, les parties renoncent à saisir une juridiction de la cour. Ainsi, les droits des parties plus faibles peuvent donc être violés, sans qu’ils aient ce recours.
Quand est-ce que la sentence arbitrale doit être rendue exécutoire ?
Il existe un mécanisme international pour l’exécution des sentences arbitrales internationales. La Convention de 1958 sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères — Recognition and Enforcement of Foreign Arbitral Awards (communément appelée Convention de New York) — a été ratifiée par 150 nations souveraines sur les 193 États membres de l’Organisation des Nations unies. En plus de la Convention de New York, il existe un certain nombre de traités régionaux et de traités bilatéraux.
L’île Maurice est le premier pays dans l’océan Indien et en Afrique à disposer d’un cadre légal sur l’arbitrage international. Maurice a promulgué la loi sur l’arbitrage international (IAA) en 2008, influencé par la loi type de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sur l’arbitrage commercial international. Les règles de la Cour suprême (International Arbitration Claims) de 2013 ont ensuite fourni un cadre adéquat à l'arbitrage international pour faciliter les litiges liés à l'arbitrage.
L’Article 1028 du Code de procédure civile mauricien stipule que les sentences arbitrales rendues à l’étranger sont régies par la Convention on the Recognition and Enforcement of Foreign Arbitral Awards Act et l’IAA. D’ailleurs, l'article 40 de l’IAA 2008 stipule que toutes les sentences rendues, en vertu de la loi, peuvent être exécutées à Maurice. Cela, conformément à la Convention on the Recognition and Enforcement of Foreign Arbitral Awards Act 2001.
Peut-on contester une sentence arbitrale ? Comment ?
Effectivement, l’article V (1) de la Convention de New York énonce des motifs sur lesquels la partie défenderesse peut s’appuyer pour résister à l’exécution et l’article V (2) énonce deux motifs que les tribunaux peuvent invoquer pour refuser d’exécuter.
Les motifs de refus que les tribunaux peuvent invoquer en vertu de l'article V (2) sont les suivants (1) que l’affaire n’est pas susceptible d’être réglée par arbitrage conformément à la législation de ce pays ; (2) que l’exécution serait contraire à l’ordre public dans ce pays. Fait important, les tribunaux peuvent refuser d’exécuter des sentences pour ces motifs.
L’article 39 de l’IAA 2008 autorise le recours à la juridiction désignée (Designated Judge) à Maurice pour trancher une question préliminaire de droit mauricien ou faire appel d’une sentence sur une question de droit mauricien sous certaines conditions.
Toute décision finale rendue par la « Designated Court » en vertu de l’IAA 2008 ou de la loi de 2001 sur la Convention de New York est susceptible d’appel de plein droit devant le Conseil privé. L’appel interjeté doit être conforme à la procédure applicable aux appels, en vertu de l'ordonnance de 1968 (appel au Conseil privé).
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