Blog

Analyse : compétitivité

L’île Maurice exporte moins de marchandises qu’elle n’en importe : ce déficit commercial, devenu structurel, a toute son importance, mais il n’est pas une calamité.

Publicité

Certes, il indique le manque de compétitivité d’un pays qui vit au-dessus de ses moyens. Mais il ne saurait servir de prétexte à des mesures protectionnistes ou à des « dévaluations compétitives ». Les premières représentent une perte de pouvoir d’achat pour la population locale, tandis que les secondes reposent sur l’illusion qu’une monnaie faible stimulerait l’exportation nette du pays. En vérité, le déficit du commerce extérieur est révélateur des faiblesses structurelles de l’économie nationale.

Les exportations mauriciennes sont très concentrées sur deux secteurs, à savoir les articles manufacturés et les produits agro-alimentaires. Selon Statistics Mauritius, les deux ont vu leur valeur d’exportation chuter de 23,8% et de 7,7% respectivement en octobre 2016 par rapport à octobre 2015. Si l’on prend le total des exportations domestiques, la baisse est de 15,9%. L’effet Brexit n’est pas seul en cause, puisqu’un recul est noté sur tous les cinq principaux marchés, la Grande Bretagne, la France, l’Afrique du Sud, l’Italie et les Etats-Unis.

Il est clair que nous avons un problème d’exportation, et il faudra y trouver des solutions. L’industrie obtiendra des gains d’efficacité en adoptant de nouvelles technologies et en réalisant des économies d’échelle. Elle peut couvrir le risque de change avec des contrats financiers à terme. Mais pourquoi cibler aussi les importations au point d’être obsédé par la balance commerciale ?

Un déficit commercial record de Rs 81,3 milliards fut enregistré en 2012. Le bureau des statistiques prévoit un déficit de Rs 79,5 milliards en 2016, soit à des niveaux comparables aux quatre années précédentes. Qu’il faut booster les exportations, on le veut bien. Mais dire qu’il faut aussi freiner les importations, c’est se replier dans le protectionnisme. Et alors que l’interdépendance des économies nationales a atteint un point de non-retour, on ne comprend pas cette dernière trouvaille du président de la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice « qu’un excès de libre-échange pourrait tuer le libre-échange ».

Pour convaincre, on doit être cohérent. Premièrement, on ne peut pas s’élever contre un impôt exagéré et en même temps proposer plus de taxes douanières. Cela ne cadre certainement pas avec la philosophie de Jean-Baptiste Say ou d’Arthur Laffer.

Deuxièmement, on ne peut pas prôner une politique de relance par la consommation et en même temps s’insurger contre une hausse du déficit commercial ! Le pays importe pratiquement tout ce qu’il consomme. Du reste, il est étrange qu’on donne au terme déficit une connotation positive à propos des finances publiques (le déficit budgétaire serait un instrument de relance), mais négative à propos du commerce extérieur (le déficit commercial réduirait la demande globale, moteur de la croissance).

Une autre fausse idée, c’est que le manque de compétitivité a une origine monétaire. Il est vrai qu’il existe une relation entre la monnaie et la balance commerciale, mais elle n’est pas celle que croit le gouverneur de la Banque de Maurice. Soulignant que « for quite some years in the past we have had a strong rupee », il affirme que « an overvalued exchange rate encourages consumption, particularly of imported goods », et « undermines the competitiveness of the export sector ». Il se félicite donc qu’il y ait eu en 2015 « a consequential re-alignment of the exchange rate of the rupee ».

L’évolution du Mauritius Exchange Rate Index indique une appréciation de la roupie entre 2010 et 2014. Mais comment alors expliquer que le déficit du compte courant (biens et services) a diminué de moitié, de Rs 44,6 milliards en 2011 à Rs 21,8 milliards en 2014 ? En revanche, malgré une forte dépréciation de la roupie en 2015, le déficit courant s’est à peine amélioré.

Du compte des marchandises, le déficit annuel a baissé de Rs 2,6 milliards en 2015. Ce résultat n’est pas dû à la politique de dévaluation, mais il est lié à la chute du prix du pétrole. La facture pétrolière en 2015 a coûté Rs 7 milliards de moins qu’en 2014. Si l’on n’avait pas dévalué la roupie, la réduction du déficit commercial aurait été plus conséquente.

Pour sûr, une roupie faible est un coup de fouet monétaire qui remonte le moral des exportateurs, incite les étrangers à acheter leurs produits et attire les touristes. Mais l’effet de toute dévaluation est compensé par le renchérissement des importations nécessaires à la production, qu’il s’agisse de matières premières ou d’équipements.

On perdrait au moins 60% de la rente monétaire. Puis, l’effet est insuffisant pour réduire le chômage car en situation de sous-emploi, l’entreprise ne recrute pas mais fait appel à des heures supplémentaires pour satisfaire les nouvelles commandes. Enfin, déprécier volontairement la roupie, c’est voler tous ceux qui ont des créances libellées dans cette monnaie. Ce n’est pas en créant plus de monnaie par la dévaluation que la banque centrale aidera à améliorer la compétitivité du pays !

Celle-ci passe plutôt par la mise en oeuvre des réformes qui éliminent les rigidités de l’offre. Il s’agit d’injecter davantage de flexibilité dans le marché du travail, d’aligner la politique salariale sur la productivité et de réduire le coût des réglementations. En un mot, libérer l’entreprise privée.

(www.pluriconseil.com)

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !