‘Non event’ ou presque, semble dire Amar Deerpalsing à propos du salaire minimum, qui sera mis en œuvre en janvier 2018. « Le salaire minimum n’est pas nouveau », observe le président de la Fédération des PME qui indique que les petites entreprises versent déjà des salaires supérieurs avoisinant Rs 9 000.
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Quel sera l’impact du salaire minimum sur les entreprises ?
Très peu, car le salaire minimum n’est pas nouveau. Il existe déjà des Remuneration Orders et des conditions d’emploi dans quelque 30 secteurs d’activités, à l’exception de trois, le Seafood hub, le textile EPZ et celui du gardiennage. Ils atténuent les avantages du salaire minimum. Il faut savoir que la mise en œuvre de ce quantum n’est pas uniforme. Dans les trois secteurs mentionnés, les salaires seront traités différemment avec le paiement de la compensation salariale en janvier 2018.
Est-ce que les entreprises seront affectées, comme on entend certains de leurs dirigeants l’affirmer ?
Depuis longtemps, on a entendu des patrons faire état de leur incapacité à payer. En fait, le traitement différencié par l’État à travers les fonds publics va directement alléger le fardeau des grands patrons.
Mais qu’en sera-t-il des PME, que l'on décrit plus fragiles ?
Depuis un bon bout de temps déjà, les PME mauriciennes ont commencé à payer un salaire minimum. Il ne sera nullement difficile de l’expliquer, il suffit de consulter ces 29 entreprises, qui sont régies par des National Remuneration Orders.
Il n’y a pas de véritable problème salarial, on a une perception selon laquelle l’employé n’obtient qu’un salaire de base. Or, en réalité, ses ‘sick leaves’ et ‘local leaves’ lui sont remboursés, ce qui équivaut à un mois de salaire, ou plus. Il obtient un 13e mois pour un travail qui n’est pas effectué, ses frais de transport remboursés et des allocations sur la facture d’eau, d’électricité et le gaz.
Venons-en au secteur des PME. L’année qui se termine a-t-elle fait avancer leur cause ?
Notre secteur des PME souffre d’une problématique de constance de décisions et institutionnelles de la part du gouvernement. En trois ans, Maurice a eu autant de ministres des Finances, et chacun a eu des approches différentes. Le premier d’entre eux, Vishnu Lutchmeenaraidoo, avait annoncé la création d’une banque, d’une politique d’emprunt sans garantie et intérêts qui ferait de ce secteur l’épine dorsale de l’économie mauricienne.
Dans la foulée, il annonçait la création de neuf parcs industriels dédiés aux PME. Tout le monde, dans ce secteur, s’était gonflé de confiance et s’attendait à ce que celui-ci connaisse une croissance tant attendue. Il faut aussi se rappeler de l’annonce de création des smart cities. Par la suite, le ministère des Finances est passé entre les mains de Pravind Jugnauth et il n’y a eu ni de banque, ni de parcs dédiés aux PME.
Certes, des smart cities sont venues, mais l’aberration dans ce modèle immobilier, c’est qu’il favorise les individus qui possèdent plus de 50 arpents. La politique annoncée et celle mise en pratique sont complètement opposées.
Le gouvernement n’a-t-il pas les moyens de ses ambitions ?
Je ne le sais pas. En tout cas, une chose est sûre : les promoteurs des smart cities ont obtenu tous les avantages rêvés pour réaliser leurs projets : l’exemption de la TVA, la Road Regulatory Duty, la Tax Holiday. Quand on sait que ces projets ne sont pas destinés à ceux qui sont au bas de l’échelle de la société mauricienne, on peut légitimement se demander comment en est-on arrivé à exempter ceux qui sont plus que riches ?
Dans quelle situation se trouvent actuellement les PME ?
Les PME ne devraient pas connaître de problèmes, elles sont pourvoyeuses de 55 % d’emplois et contribuent à hauteur de 40 % de notre PIB. Ces chiffres devraient être en constante progression, mais ils stagnent. Lors d’une PNQ, le ministre des PME a lui-même déclaré que leur nombre est en régression.
Il n’y a pas de véritable problème salarial. On a une perception selon laquelle l’employé n’obtient qu’un salaire de base. »
L’étroitesse du marché domestique y est-elle pour quelque chose ?
C’est vrai que notre marché est petit, mais il faut regarder au-delà de Maurice, en direction de la région. Cela dit, j’entends souvent évoquer cette question envisagée comme une restriction majeure. Je pense que l'on oublie dans l’équation la présence de plus d’un million de touristes – qui sont appelés à dépasser notre population- sur le sol mauricien et qui dépensent dans tous les secteurs, en premier lieu ceux qui sont liés directement à l’industrie touristique, dont la restauration, l’artisanat, la location de voitures et de catamarans, celui des maquettes, le textile, puis les autres dépenses accessoires. Des pans entiers de notre économie vivent des recettes du tourisme et génèrent un certain nombre d’emplois. Il faut nommer ces activités dont les recettes dépendent exclusivement du tourisme.
Mais, tôt ou tard, ne faudra-t-il pas partir en Afrique ?
Je vous l’accorde, mais l’Afrique est un grand continent, pas un bloc monolithique. À ce jour, la politique mauricienne sur le continent africain se résume en une stratégie dispersée avec des aberrations grossières, tel que le développement d’un axe commercial bilatéral avec des pays de l’Ouest, où la connexion maritime et aérienne est à la fois onéreuse et difficile. Cette stratégie, totalement incohérente, n’a donné aucun résultat concret. En revanche, il aurait été plus avisé de cibler deux pays en particulier à l’Est du continent avec une approche qui motiverait tout le monde, grâce à des accords bilatéraux.
Des prévisions, dont celles de la Chambre de Commerce et d’Industrie et de la State Bank, font valoir une croissance supérieure à 4 % en 2018…
J’attends de voir. En 2015, Vishnu Lutchmeenaraidoo n’avait-il pas, lui, annoncé une croissance à plus de 5 % ? Puis, on en est arrivé à 3,1 %, avec une remontée à 4,1 %, dopée par les dépenses publiques, mais qui n’a plus bougé. Heureusement que les dépenses publiques ne proviennent pas d’argent emprunté, mais d’un pays ami.
Mais encore convient-il de souligner que ce prêt d’un pays étranger ne servira qu’à doper l’économie de manière temporaire. Ce qui m’inquiète, c’est que l'on a pris totalement à contre-pied les engagements énoncés dans le document Vision 2030, concernant le développement de notre secteur industriel afin que sa contribution passe à 25 %.
Au lieu de progression, ce chiffre est tombé à 14 % et nos exportations sont en net recul. Avec les mauvais chiffres de l’endettement public, il existe un réel danger que le déficit public frôle dangereusement la barre des 5 %.
Le gouvernement semble avoir jeté tout son poids dans le Metro Express. Est-ce que ce mode de transport créera-t-il des emplois ?
L’objectif du Metro Express est d’alléger le fardeau de milliers de Mauriciens partageant le transport public, décongestionner le pays et réduire la facture pétrolière du pays, de manière à réaliser des économies perdues dans la congestion routière. Mais ce projet soulève beaucoup de scepticisme : s’il va créer un certain nombre d’emplois, il en supprimera d’autres, car son objectif n’est pas de créer des emplois.
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