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Affaire L’Amicale : l’espoir des retrouvailles prématurées s’envole

Les quatre condamnés de l’affaire L’Amicale devront encore patienter avant de retrouver leurs proches.

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Lundi, le Privy Council a rejeté l’appel interjeté par trois d’entre eux. Un revers qui ne décourage pas les proches des condamnés, notamment Rozina, épouse de Khaleeloudeen Sumodhee.

20 novembre 2000. Sheik Imram et son frère Khaleeloudeen Sumodhee, Abdool Naseeb Keeramuth et Muhammad Shafiq Nawoor sont condamnés à la prison à vie, équivalente à cette époque à 45 ans de prison, pour l’incendie criminel de la maison de jeu L’Amicale. Ce sinistre avait fait sept morts.

Rozina, épouse de Khaleeloudeen Sumodhee, a alors 26 ans. La condamnation de son époux la pousse à prendre de l’emploi dans la Fonction publique. Mais très vite, elle décide de se mettre à son propre compte pour s’occuper de ses deux fils et pour mener une lutte inlassable contre la sentence infligée à son époux et aux autres condamnés.

Rozina Sumodhee aurait souhaité que Khaleeloudeen retrouve la liberté, mais le jugement du Privy Council ne remet pas en question sa profonde conviction que les quatre condamnés sont innocents. « Je ne m’attendais pas à grand-chose. La vie reprend son cours. On fait confiance en la justice divine », déclare-t-elle. Rozina Sumodhee souligne que cela fait 18 ans jour pour jour (ce mardi 23 mai 2017) que la maison de jeu L’Amicale a pris feu.

« Mais il est dommage qu’on n’ait pu retrouver les vrais coupables pendant tout ce temps », déplore l’épouse de Khaleeloudeen Sumodhee.

Le Privy Council se penche sur les devoirs des avocats

En rejetant l’appel de Sheik Imram, de Khaleeloudeen Sumodhee et d’Abdool Naseeb Keramuth, le Privy Council s’est appesanti sur les devoirs des avocats envers la Cour et leurs clients. Si les Law Lords concèdent que les enregistrements audio font partie intégrante des procès-verbaux, ils soulignent néanmoins que le recours à ces enregistrements n’est pas un droit absolu.

Le Privy Council précise que les dispositions de la Constitution ont préséance sur les textes de loi statutaires. De ce fait, un enregistrement audio ou numérique doit nécessairement faire partie des procès-verbaux, permettant ainsi aux condamnés d’y avoir accès moyennant paiement. C’est pour cette raison que les Law Lords ont écouté la partie de l’enregistrement audio du résumé de l’ancien juge Paul Lam Shang Leen. Ils ont conclu, au terme de cet exercice, qu’il n’y avait rien d’incendiaire dans le ton utilisé par l’ancien juge et qui aurait pu porter préjudice au droit constitutionnel des condamnés à un procès équitable.

Cependant, le droit aux enregistrements audio n’est pas absolu. Les Law Lords précisent que les avocats doivent faire une telle demande que lorsque les faits en question le requièrent, tout en avançant des raisons valables en vertu du devoir qu’ils ont envers la Cour. Ci-dessous quelques points avancés par le Privy Council sur les devoirs des avocats :

  • La Cour peut refuser une demande pour accéder à un enregistrement audio si celle-ci n’est pas justifiée.
  • Un avocat a un devoir envers son client, mais celui envers la Cour a priorité.
  • Un avocat ne doit pas avancer des points en appel à moins que ceux-ci ne soient raisonnablement discutables.
  • Ce devoir envers la Cour consiste à permettre à celle-ci de traiter efficacement les nombreuses demandes devant elle pour que les cas les plus méritants soient traités avec la diligence appropriée.
  • Un tel devoir revêt d’une importance primordiale à Maurice vu que les appels ne sont pas sujets, au préalable, à une demande d’autorisation de la Cour et éviterait à celle-ci de se pencher sur les points sans fondement.

Un quatrième condamné dans l’affaire L’Amicale, Muhammad Shafiq Nawoor, n’avait pas fait appel. Il avait toutefois été convenu par les Law Lords que l’issue de cette affaire s’appliquerait à lui également. Les cinq Law Lords sont Lord Jonathan Mance, Lord Brian Kerr, Lord Nicholas Wilson, Lord Anthony Hughes et Lord Patrick Hodge.

Les trois condamnés étaient représentés par Mes Robin Ramburn, Senior Counsel, Shaukatally Oozeer, Rama Valayden, Naushad Malleck, Shameer Hussenbocus, Zaynab Mirasahib et l’avoué Ibrahim Omar Bahemia. L’État mauricien était défendu par Mes Satyajit Boolell (DPP), Sulakshna Beekarry-Sunassee et Medaven Armoogum.

Me Rama Valayden : « Vers une commission d’enquête… »

« On va écrire au Premier ministre pour réclamer une commission d’enquête », affirme Me Rama Valayden à la suite de la décision du Privy Council sur l’appel des quatre condamnés dans l’affaire L’Amicale. L’avocat dit ne pas être surpris de cette décision et maintient que ses clients sont innocents.

« Pour nous, ce n’est pas la fin ». L’homme de loi continue à faire appel aux témoins de venir de l’avant afin d’apporter plus de lumière dans cette affaire. « Nou bizin konn la verite dan sa zafer la ». Pour l’avocat Shameer Hussenboccus, cette affaire fera jurisprudence. Mais, il ne compte pas baisser les bras. « Nous allons lutter pour que la vérité triomphe », dit-il.

Me Satyajit Boolell, SC : « Je suis satisfait »

Le Directeur des poursuites publiques se dit « satisfait » du jugement prononcé, lundi. « Je suis satisfait du jugement qui vient mettre un terme au procès intenté aux quatre condamnés. La sinistre avait coûté la vie à sept personnes, dont deux enfants et leur baby-sitter, enceinte de sept mois qu’il ne faut pas oublier ».

Par ailleurs, Me Satyajit Boolell affirme que les Law Lords ont soutenu que les quatre condamnés ont bénéficié d’un procès équitable. Selon le DPP, ils avancent aussi que l’ancien juge Paul Lam Shang Leen a été « équitable » lorsqu’il a présenté son résumé aux parties concernées devant la cour d’assises. Aussi, précise le DPP, un accusé a le droit de demander l’enregistrement de son procès, s’il estime qu’il y a eu maldonne. La demande doit être justifiée en cour.

La libération des quatre condamnés prévue en janvier 2019

C’est le 19 janvier 2019 que Sheik Imram Sumodhee, Khaleeloudeen Sumodhee, Abdool Naseeb Keramuth et Muhammad Shafiq Nawoor seront libérés. Ils avaient initialement été condamnés à la prison à vie. La Commission de pourvoi en grâce, a par la suite, recommandé à la présidente de la République de commuer la peine de prison à vie en une peine de 30 ans de prison. Comme les condamnés bénéficient d’une remise d’un tiers, la peine de 30 ans ayant été ramenée à 20 ans.

Et en prenant en considération le temps que les quatre protagonistes ont passé en détention avant leur condamnation, la Commission de pourvoi en grâce a recommandé que les quatre condamnés devraient purger une peine de 18 ans de prison. Le 12 mars 2017, ils ont bénéficié d’une remise de deux mois.

Les victimes

Sept personnes avaient trouvé la mort dans cet incendie le 23 mai 1999. Elles sont Yeh Ling Lai Yau Tim (35 ans), et ses deux filles, Catherine (6 ans), Eugénie Louise (2 ans), ainsi que Jean-Noël Law Wing (34 ans), Mohamed Fawzee Abdool Hakim (42 ans) et Babooram Luckoo (69 ans) et Jeanette Ramboro (26 ans), qui attendait un bébé.

 

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