L’arrestation d’un ado de 14 ans avec de l’héroïne d’une valeur marchande de Rs 1 million, en début d’année, remet sur le tapis la question de responsabilité pénale d’un mineur. Deux avocates abordent les implications du Children’s Act de 2020.
L’affaire est jugée sensible aux Casernes centrales. Le 1er janvier, un mineur de 14 ans a été arrêté avec de l’héroïne d’une valeur marchande de Rs 1 million (voir ci-contre). La police attend un rapport du Probation Office et l’avis du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) pour décider de la marche à suivre. La question se pose : l’adolescent peut-il être poursuivi ? Nous avons sollicité deux avocates, Mes Reena Ramdin et Lovena Sowkhee.
D’emblée, rappelle Me Reena Ramdin, en vertu de la loi de 2020 relative aux enfants et qui est entrée en vigueur le 24 janvier 2022, l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 14 ans. « Par conséquent, un enfant âgé de 14 ans à 18 ans peut être poursuivi et reconnu coupable par une cour de justice pour toute infraction aux lois criminelles et donc pénales. » Elle précise qu’en revanche, « aucun enfant de moins de 14 ans ne peut être poursuivi au pénal pour une offense pénale ».
De son côté, Me Lovena Sowkhee indique que même si l’adolescent arrêté le 1er janvier est passible de poursuites, il incombe avant tout de déterminer qui lui a remis la drogue et si l’enfant a été utilisé par des trafiquants de drogue pour écouler la marchandise. « Hormis l’aspect légal, il faut une enquête approfondie dans cette affaire. Car on peut difficilement dire que de la drogue d’une valeur de Rs 1 million était pour sa propre consommation », fait-elle valoir.
Selon l’avocate, les enfants sont utilisés dans le trafic de drogue en vue de déjouer la vigilance de la police. « Ces personnes pensent qu’un enfant passera au travers des filets de la police », dit-elle.
Enquête sociale
Pourquoi exiger un rapport d’enquête sociale lorsqu’un enfant est impliqué ? L’avocate Reena Ramdin explique que le Children’s Act de 2020 reconnaît que ce qui caractérise l’enfant, c’est « sa vulnérabilité ». Par conséquent, avance-t-elle, « la loi a pour but de protéger cet enfant, qu’il soit un accusé ou une victime ».
Le devoir de protection de l’État se traduit, entre autres, par ce rapport d’enquête sociale. « Ce rapport est l’instrument administratif qui sert à adopter un traitement spécial et une approche de compréhension des causes ayant conduit l’enfant à commettre une infraction et d’assurer sa réinsertion en tant que citoyen responsable », ajoute Me Reena Ramdin.
L’enquête sociale va notamment établir s’il y a un besoin de référer l’enfant à la Protection Division de la Children’s Court, qui est le tribunal pour enfants. Cela, pour assurer sa propre protection. Ladite enquête sociale va également permettre d’évaluer l’âge de l’enfant et de formuler des recommandations concernant sa libération ou sa détention et son placement dans un programme.
« Dans le cas d’un enfant de moins de 14 ans, cette enquête sociale devra établir les circonstances qui l’ont conduit à commettre le délit et s’il a été utilisé par un adulte pour commettre cette infraction », poursuit Me Reena Ramdin.
Lorsqu’un policier a des motifs raisonnables de soupçonner qu’un enfant âgé de moins de 14 ans a commis un délit, il ne doit pas le détenir, nonobstant toute autre loi. Aussi, il doit mener une enquête et informer immédiatement le ministère responsable des services de probation et de réinsertion sociale. C’est cette instance qui décidera s’il y a lieu de placer l’enfant dans un lieu sécurisé, sous la garde du Mauritius Probation and Aftercare Service, fait comprendre Me Reena Ramdin.
L’enfant sera ensuite examiné par un Probation Officer et un psychologue du ministère, pour le soutien nécessaire et aussi au parent. Lorsqu’un enfant est renvoyé au Probation Officer, ce dernier a sept jours pour procéder à l’évaluation. Cela, en vue d’établir les circonstances qui ont mené à la commission de l’infraction.
Qu’encourt-il ?
S’agissant de la procédure enclenchée pour poursuivre un mineur, Me Lovena Sowkhee répond que la loi prévoit que l’enfant soit traité comme un juvénile. « Le DPP peut toutefois considérer de placer l’enfant dans un programme de supervision, au lieu de le poursuivre devant la justice. Ceci, en vue de le ramener sur le droit chemin. Il faut savoir que les mineurs ne sont pas placés en détention ensemble avec les adultes. Néanmoins, si le DPP décide de poursuivre l’enfant dans cette affaire de drogue, cela ne se fera pas devant la Children’s Court, mais devant la cour intermédiaire », avance-t-elle.
Avant de prononcer la sentence appropriée dans le cas d’un mineur de plus de 14 ans, ce dernier ou encore ses parents auront doit à un « pre-sentence report » du Probation Office. « Ledit rapport s’attardera sur sa performance à l’école, son environnement ou encore s’il est régulier en classe entre autres », fait ressortir Me Lovena Sowkhee. Une fois en présence de tous ces éléments, la cour se prononcera ensuite.
La Children’s Court opérationnelle depuis un an
La Children’s Court est entrée en opération le 24 janvier 2022. Cette cour de justice traite les affaires civiles et criminelles liées aux enfants. Elle a déjà rendu des jugements dans plus d’une soixantaine de cas.
L’instance est logée dans le bâtiment abritant l’ancienne cour commerciale à la rue Pope Hennessy, Port-Louis. Cette unité de la cour criminelle intermédiaire écoute des procès impliquant des enfants en tant que victimes, prévenus ou encore témoins. L’enfant victime peut témoigner à travers visioconférence, sans être vu ou faire face à son agresseur.
Qu’est-ce que la responsabilité pénale ?
La responsabilité pénale est l’obligation de répondre et de faire face à une cour de justice pénale, concernant un ou plusieurs actes criminels et de s’acquitter de la sentence pénale infligée par ladite cour.
Les faits
L’adolescent de 14 ans a été interpellé dans la matinée du 1er janvier 2023, alors qu’il convoyait le colis de drogue entre Roche-Bois et Résidence Kennedy, à Quatre-Bornes. C’est au niveau de Plaine-Lauzun, vers 8 h 20, que deux motards de la Traffic Enforcement Squad l’ont intercepté. Ils ont trouvé en sa possession une certaine quantité d’héroïne d’une valeur marchande de Rs 1 million.
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