Interview

Zubeida Salajee : «Nous craignons un cafouillage et des délais pour les justiciables»

Zubeida Salajee Zubeida Salajee, présidente de la Mauritius Law Society (MLS) et Senior Attorney

La présidente de la Mauritius Law Society (MLS), la Senior Attorney Zubeida Salajee, soutient que la MLS ne désapprouve pas l’augmentation des juridictions de la cour intermédiaire et de district. La MLS craint cependant un cafouillage au niveau des greffes de ces instances. Elle aborde aussi la hausse des frais de justice qui ne couvrent pas le coût réel des procès. Certains en profitent pour intenter des procès à tort et à travers, concède-t-elle.

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Certains profitent d’ailleurs pour intenter des procès à tort et à travers.

Les nouveaux amendements apportés par l’Attorney General aux juridictions de deux instances font grincer les dents de la Mauritius Law Society (MLS). Parlez-nous de ces amendements et de ce qui va changer...
Soyons bien clair. La Mauritius Law Society (MLS) ne désapprouve pas l’augmentation des juridictions de la cour intermédiaire et des cours de district. Par contre, nous pensons que ces cours, dites ‘inférieures’, n’ont pas la logistique nécessaire (en termes d’infrastructures ou de personnel) pour faire face à une hausse drastique du nombre de cas qu’elles devront traiter.

Quelles difficultés surgiront-elle suivant ces amendements ?
Nous craignons un cafouillage au niveau des greffes respectifs de ces cours de justice et des délais plus longs pour les justiciables. La MLS va réclamer une réunion urgente avec l’association des magistrats pour voir quelles dispositions ont été prises et comment tous les « stakeholders » pourront aider dans cette transition.

Quid des recrutements au niveau du personnel et des magistrats ?
Sans un recrutement massif du personnel et des magistrats, les cours dites inférieures ne pourront pas s’en sortir. Nous allons assister à une situation inédite où les affaires les plus complexes devant les instances de la Cour suprême prendront moins de temps que les « petites » affaires, comme les réclamations de moins de Rs 2 millions, les litiges entre locataires et propriétaires, entre autres.

Ces modifications changeront-elles le fait que des cas traînent devant la justice durant des années ?
Personnellement, je ne le crois pas. Le problème sera transposé de la Cour suprême vers les cours inférieures. Mais attendons voir la réunion de la MLS avec les magistrats.

Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas tenu de consultations avec les « stakeholders » avant d’apporter ces amendements ?
La MLS ne peut répondre à cette question.

Des frais de justice vont également changer. Le judiciaire sera-t-il plus accessible et rapide avec cette hausse des frais ?
Cette mesure n’est pas nouvelle. En 2015 déjà, le Rules Committee avait proposé un projet pour augmenter considérablement les frais de justice. Cette proposition a été âprement combattue par la MLS qui a commandité une étude de KPMG (aux frais de la MLS) pour voir quel serait l’impact des hausses proposées par le Rules Committee sur le public.

Le rapport de KPMG a été soumis au Rules Committee qui a présenté une autre proposition. Il y aura bien une hausse, mais elle sera moindre que celle proposée en 2015.

La dernière hausse des frais de justice a eu lieu en 2000. La MLS n’est pas opposée à un réajustement des frais, mais il ne faut pas tomber dans l’autre excès. Il est vrai que les frais de justice réclamés aux plaignants ne couvrent pas le coût réel des procès. Certains en profitent d’ailleurs pour intenter des procès à tort et à travers.

Ces procès farfelus (frivolous) encombrent le système et retardent les autres affaires plus méritantes. Mais, augmenter les frais pour empêcher les affaires «frivolous » risque de créer une autre injustice. La société sera divisée en deux.

D’un côte, ceux qui peuvent saisir la justice et, de l’autre, ceux qui, n’étant pas éligibles à l’aide de l’État pour bénéficier des services gratuits d’un avoué et d’un avocat, se verront dans l’obligation d’abandonner tout recours à la justice faute de moyens.

Tout comme le gouvernement accorde des subsides sur le riz, la farine et le gaz ménager, le gouvernement doit continuer à prendre en charge les frais réels de justice afin que les Mauriciens, de tout bord, puissent y avoir accès.

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