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Zoom sur l’IPCC 

Phalraj Servansingh, membre de l’Independent Police Complaints Commission.
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L’Independent Police Complaints Commission (IPCC) fait souvent l’actualité que ce soit pour le nombre de plaintes contre des policiers ou les critiques concernant son fonctionnement. Phalraj Servansingh, membrede cette commission, revient sur le mode de fonctionnement.

Phalraj Servansingh explique que dès qu'une plainte est déposée auprès de la commission, une enquête est immédiatement lancée par ses officiers. « Une personne peut porter plainte contre un policier uniquement dans l'exercice de ses fonctions et c'est là que l'IPCC intervient. En premier lieu, nous recueillons le témoignage du plaignant, puis nous enregistrons la version du policier concerné. En parallèle, nous cherchons des témoins indépendants pour corroborer la version du plaignant, ainsi que d’autres preuves. Ce sont, notamment, des enregistrements en provenance des caméras de surveillance ou des rapports médicaux dans les cas de brutalité policière  », indique-t-il.

Il indique cependant que chaque type de plainte comporte ses spécificités et que les enquêteurs savent quels types de preuves ils doivent obtenir afin de garantir la véracité de la plainte. Par exemple, si le délit a été commis dans un poste de police, l'enquêteur va chercher à obtenir les enregistrements des caméras de surveillance du poste en question. Dans le cas d'une plainte pour brutalité policière, il s'agit d'obtenir un certificat médical. Il précise que certains cas portés devant la justice ont été référés à l'IPCC pour enquête. Notre interlocuteur précise que chaque plaignant est mis au courant des conclusions de l’enquête concernant son cas par courrier électronique. 

Phalraj Servansingh ajoute que guidée par les normes d'éthique professionnelle, l’IPCC s’engage à fournir des services de la plus haute qualité dans le but d'atteindre les objectifs fixés. De plus, tous les informations et documents personnels sont traités dans la plus stricte confidentialité. 

Les options possibles après enquête

Selon l'IPCC Act, la commission dispose de trois options. Une fois l'enquête terminée, l'enquêteur soumet son rapport à la commission. En fonction des conclusions du rapport, il est possible de référer le cas au Directeur des Poursuites Publiques (DPP) pour envisager des poursuites pénales, à la Disciplined Forces Service Commission (DFSC) pour des mesures disciplinaires à l'encontre du policier concerné ou bien d'opter pour une conciliation.

La conciliation

Certaines de ces plaintes sont traitées à travers des réunions de conciliation, au cours desquelles les parties concernées se présentent devant la commission. Lors de ces réunions, chacun a l'opportunité de s'expliquer. Phalraj Servansingh souligne qu'il y a eu des cas où des policiers ont présenté des excuses après avoir expliqué leur point de vue au plaignant. Dans d'autres situations, le policier en question peut recevoir un avertissement verbal, le prévenant qu'une action disciplinaire sera envisagée s'il persiste à agir de la sorte. Ces démarches de conciliation visent à résoudre les différends, à favoriser la compréhension mutuelle et à encourager des interactions plus respectueuses entre la force policière et le public.

À ce jour, indique-t-il, 200 cas ont été résolus par conciliation. « Toutefois, si aucune conciliation n'a pu être atteinte entre les parties concernées, nous procédons alors à une enquête plus approfondie afin de déterminer la marche à suivre. Nous cherchons à examiner toutes les preuves et les éléments pertinents pour prendre des décisions éclairées concernant chaque cas », indique notre interlocuteur.

Il tient à faire remarquer qu'il est important de favoriser de meilleures relations entre la population et la police afin de servir le public de manière objective. Dans cette optique, des causeries ont lieu fréquemment dans différents postes de police à travers l'île. Toutefois, il concède qu’il existe des brebis galeuses, mais il est d’avis que la majorité des officiers de la force policière est en train d’abattre un travail énorme.

Les membres de l’Independent Police Complaints Commission 

Présidente : Deviyanee Beesoondoyal, ancienne juge de la Cour suprême. 
Les membres : Phalraj Servansingh, ancien adjoint Lord-Maire, et Viranand Ramchurn, avocat. 
Chez l’IPCC, il existe deux catégories d’enquêteurs. On retrouve des Enquiry Officers qui sont des policiers à la retraite, puis des « Investigations Officers », détenteurs d’un LLB. Ils travaillent sous la férule de Mumtazally Chamroo, un ancien Police Prosecutor. En cas de poursuites pénales devant la Cour, ce sont les officiers de l'IPCC qui mènent les poursuites en collaboration avec les avocats du bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP). Ils travaillent conjointement pour présenter l'affaire devant la justice et veiller à ce que le processus judiciaire soit mené de manière équitable et transparente.
Selon Phalraj Servansingh, l’IPCC prévoit de recruter deux autres Enquiry Officers. D'ici cinq ans, l’objectif est de ne plus avoir besoin de faire appel à des policiers à la retraite. En comptant sur des professionnels détenant un LLB, ils pourront acquérir l'expérience nécessaire avec le temps et être parfaitement compétents pour mener les enquêtes de manière efficace et compétente.
Où se situe l’IPCC ?
Le bureau se trouve au 4e étage du bâtiment Emmanuel Anquetil, à la rue Sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR) à Port-Louis. Il est ouvert de 9 heures de 16 heures.
Numéro de téléphone : 260 0513.  
Fax : 2142 069. 
Courrier électronique : ipcc@govmu.org.

Me Ravi Rutnah : « Il faut élargir les pouvoirs de l’IPCC... »

raviLe nombre de personnes portant plainte devant l'Independent Police Complaints Commission (IPCC) est en augmentation, que ce soit pour des cas de brutalité policière, des abus, des traitements injustes ou même pour le tristement célèbre « drug planting ». Mais dans quelles circonstances une personne peut-elle faire appel à l'IPCC ? 

En quoi consiste l’Independent Police Complaints Commission (IPCC) ?
Par le pasé. les plaintes étaient sous la responsabilité du Complaints Investigation Bureau (CIB), situé dans les locaux du poste de police de Rose-Hill. Par la suite, la Police Complaints Division (PCD) a vu le jour, relevant de la National Human Rights Commission. Cependant, ces deux institutions se sont révélées inefficaces et n’ont pas fait honneur au pays. Elles n'ont pas réussi à répondre aux attentes, suscitant ainsi un tollé pour la création d'une nouvelle unité indépendante.

Je peux vous dire que j'ai personnellement consacré beaucoup d'efforts pour faire aboutir cette loi lorsque j'étais député à l'Assemblée nationale. J'ai eu plusieurs réunions avec l'ancien Attorney General, Ravi Yerrigadoo, et l'ancien Premier ministre, Sir Anerood Jugnauth, et ils ont pris des mesures en conséquence. Cependant, je crains qu'aujourd'hui, en observant le fonctionnement de l'IPCC, que ce ne soit pas l'institution dont nous rêvions au vu de son inefficacité.

Quels sont les pouvoirs de l’IPCC ?
Le pouvoir de l'IPCC est établi en vertu de l'article 5 de l'Independent Police Complaints Commission Act (IPCC Act). Conformément à cette loi, la commission a le droit de convoquer toute personne pour comparaître devant elle à la date et à l'heure spécifiées, et de lui demander de répondre à des questions ou de fournir toute information jugée nécessaire dans le cadre d'une enquête. 

En outre, l'IPCC a le pouvoir de demander à la personne concernée de fournir tous les documents qu’elle juge nécessaires : article, livre, registre, compte, rapport, données ou autre document afin de confirmer l'authenticité d'une plainte déposée devant la Commission

Ces vastes pouvoirs lui ont été conférés dans le but de garantir des enquêtes approfondies et professionnelles. Cependant, les techniques d'enquête suscitent toujours des débats et des polémiques. Malheureusement, l'IPCC n'a pas encore été en mesure de constituer des dossiers sérieux concernant les abus et les brutalités policières qui persistent dans le pays.

Une plainte devant l’IPCC peut-elle avoir un impact sur une enquête policière ?
Pas forcément, l'enquête de l'IPCC est conçue pour être indépendante.

Quid pour un procès au pénal ou civil ?
Effectivement, dans les deux situations, l'enquête menée par l'IPCC peut être utile pour le tribunal. Il est important de noter que conformément à l'article 17 de l'IPCC Act, la commission peut désigner un officier, avec le consentement du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), pour mener la poursuite en cas d'infraction commise par un policier.

Quelles sont les lacunes ?
Les personnes à la tête de ces institutions ont très peu d'expérience concernant le modus operandi des policiers impliqués dans des abus excessifs. De plus, les enquêtes menées par l'IPCC sont critiquées pour leur manque d'adéquation en raison d'une absence de connaissances appropriées. Jusqu'à présent, on constate qu'aucune poursuite significative n'a été engagée. Malgré de nombreux cas flagrants d'abus et de brutalités policières, ces affaires ont malheureusement été négligées et semblent être restées en suspens sans réelle action.

À mon avis, il est essentiel de réviser la loi en y apportant certaines modifications pour renforcer les pouvoirs de l'IPCC. De plus, il est primordial de revoir les critères de recrutement pour garantir que des professionnels qualifiés et expérimentés rejoignent ses rangs.

De 2018 à 2023 : 3 669 plaintes reçues à l’IPCC dont 962 pour brutalités policières

Depuis sa création en avril 2018 jusqu'en 2023, l'IPCC a enregistré un total de 3 669 plaintes, y compris celles provenant de Rodrigues et de la Police Complaints Division (PCD) de la National Human Rights Commission. Sur ce nombre, 962 cas concernent des allégations de brutalité policière, et parmi eux, 587 font toujours l'objet d'enquêtes en cours.

Jusqu'à présent, un total de 12 cas ont été portés devant la justice pour des poursuites pénales, et cinq cas ont été référés à la Disciplined Forces Service Commission (DFSC) pour des actions disciplinaires impliquant des policiers. Récemment, le tout premier cas a été déposé devant la justice à Rodrigues au début de juillet 2023.

Entre 2018 et 2019, les postes de police qui ont fait l'objet du plus grand nombre de plaintes auprès de l'IPCC sont ceux de Flacq et Terre-Rouge, avec 19 et 18 plaintes respectivement. Ces deux postes de police ont été étiquetés par l'IPCC comme des « zones rouges » en raison du nombre élevé de plaintes reçues.

Différents types de plaintes devant l’IPCC (excluant les 277 cas de Police Complaints Division de la National Human Rights Commission)

Catégories des plaintes  Nombre de plaintes Plaintes disposées  Plaintes  qui font toujours objet d’enquête
Torture 4 4 0
Décédé en cellule policière 4 1 3
Usage de violence (Brutalité policière) 962 375 587
Des abus verbaux 395 200 195
Autres types de plaintes  2027 984 1043
Total 3392 1564 1828

 

Statistiques de l’IPCC depuis le 9 avril 2018 à 2023

  Nombre de plaintes reçues (incluant Rodrigues) Nombre de plaintes retirées par les plaignants Nombre de plaintes abouties par des réunions de conciliation Nombre de plaintes référées à la DFSC Nombre plaintes référées au DPP Nombre de plaintes qui ont été disposées après enquête Nombre de plaintes qui font toujours objet d’enquête 
Police complaint Division 277 38 7 1 14 189 28
Des cas de 2018 456 70 15 3 8 336 24
Des cas de 2019 644 117 49 0 8 300 170
Des cas de 2020 561 68 49 1 4 181 258
Des cas de 2021  722 42 21 0 0 99 560
Des cas de 2022 690 26 35 0 5 105 519
Des cas de 2023  319 3 7 0 1 11 297
Total 3669 364 183 5 40 1221 1856

 

Conclusion des cas après enquête à l’IPCC

Année  Nombre enquêtes complétées par année  Nombre de plaintes référées à la DFSC Nombre de plaintes référées au DPP Nombre de cas où le DPP a avisé « No further action » Nombre de cas instruits en Cour  Nombre de cas où un verdict a été prononcé par la justice
2018 225 2 4      
2019 359 1 4   3  
2020 293 0 4      
2021 280 2 7   2 1
2022 471   15      
2023 185   6 1 7  
Total 1813 5 40 1 12 1

 

Ces cas qui ont suscité la polémique, mais n’ont pas été laissés sans suite

krishna
Krishna Seetul a été victime de brutalité policière en février 2020.

L'IPCC a engagé des poursuites pénales dans trois cas qui ont été soumis à enquête par la commission. Parmi ces cas, deux concernaient des allégations de brutalité policière et un concernait une accusation de non-assistance à une personne en danger. Revenons sur ces trois affaires.

Meurtre de Shabneez Mohamud en 2019

Cette affaire a suscité un énorme émoi le 10 septembre 2019 à Bel-Air-Rivière-Sèche. Un enfant âgé de 10 ans a parcouru à pied le trajet de son domicile jusqu'au poste de police de la localité, prenant environ 15 minutes, pour alerter les policiers que sa mère, Shabneez Mohamud, 33 ans, était violemment agressée par son père, Naseerudhin Mohamud, un maçon âgé de 38 ans.

Durant son trajet, l'enfant a rencontré un policier qui gérait la circulation et l'a informé de la situation. Malheureusement, le policier lui aurait conseillé de se rendre au poste de police de Bel-Air-Rivière-Sèche. Le frère aîné, âgé alors de 14 ans, a été contraint d'aller au poste pour alerter les policiers. Ces derniers lui ont demandé de patienter, mais il a fini par perdre patience et est retourné à son domicile. Malheureusement, il était trop tard. Sa mère n'a pas survécu aux violents coups infligés par son père.

Dans cette affaire, une plainte a été déposée à l'IPCC en même temps qu'une enquête menée par la Criminal Investigation Division de l'Eastern Division pour meurtre et non-assistance à personne en danger. Cinq policiers, dont un Sub Inspector, un sergent de police et trois constables, ont fait l'objet d'une enquête pour non-assistance à personne en danger.

Dans ce cas également, l'IPCC a recommandé des poursuites pénales à l'encontre des policiers impliqués. Après avoir visionné les enregistrements des caméras de surveillance du poste de police de Bel-Air, qui ont révélé le comportement des policiers lorsque l'adolescent âgé de 14 ans est venu demander de l'aide, l'IPCC a pris des mesures. Le dossier a été transmis au Directeur des Poursuites Publiques (DPP) pour prendre les décisions appropriées.

Le procès du père des enfants, Naseerudhin Mohamud, s'est déjà déroulé devant la cour d'assises sous la présidence du juge Luchmyparsad Aujayeb. Il a plaidé coupable pour meurtre et est accusé d'avoir tué son épouse, Bibi Shabneez Mohamud. L'autopsie pratiquée sur la défunte a conclu qu'elle est décédée suite à une « asphyxie par étouffement ». Naseerudhin Mohamud attend son verdict depuis le 3 octobre 2022.

L’affaire Krishna Seetul en 2020

Le cas de Krishna Seetul, un peintre de 22 ans, habitant Arsenal, avait défrayé la chronique en février 2020 après la diffusion sur les réseaux sociaux de vidéos montrant des policiers en train de torturer des « prévenus ». 

Soupçonné de vol avec violence, il avait été arrêté par les éléments de la Criminal Investigation Division (CID) en février 2020. Depuis, il a toujours soutenu qu’il avait été victime de brutalité policière. Suivant une plainte à l’IPPC, sept policiers de cette unité avaient été arrêtés, puis libérés sous caution. 

Après son enquête, l'IPCC a transmis le dossier au DPP, qui a décidé d'engager des poursuites pénales contre sept policiers. Actuellement, ces derniers font face à un procès formel devant le tribunal de Pamplemousses, en vertu de la Section 228 du Criminal Code Act couplée avec la section 86 du Criminal Code Act. Chacun d'entre eux répond à une accusation formelle d'agression avec circonstances aggravantes. Les sept policiers impliqués dans cette affaire sont l'inspecteur Derochoonee, le sergent Reedoye et les constables Purgaus, Baptiste, Begue, Shibchurn et Gokhool. Le procès sera instruit le 24 juillet prochain.

Les Samrandine

Le 24 mars 2020, alors que le pays était en plein confinement sanitaire en raison de la propagation de la Covid-19, Mark Billy Guyard et son frère Ricardo Désiré Samrandine affirment avoir été victimes de brutalité policière à leur domicile à Cité Vallijee, Port-Louis. Deux ans plus tard, le 22 mars 2022, les deux résidents de Cité Vallijee ont déposé une plainte en Cour suprême, réclamant chacun des dommages de Rs 25 millions. L'affaire suit actuellement son cours devant la Cour suprême, tandis qu'ils ont également porté plainte devant l'IPCC.

Dans leur plainte déposée devant la Cour suprême, les deux frères ont raconté leur mésaventure avec détails. Ils ont expliqué que des policiers du poste de police de Bain-des-Dames sont entrés de force dans leur domicile et les ont agressés, sans présenter de mandat. Plus tard, d'autres policiers, notamment de la Special Supporting Unit (SSU), portant des cagoules et armés de fusils, sont arrivés pour les arrêter.

D'après les frères Samrandine, les policiers ont été violents et abusifs envers toutes les personnes présentes. La scène a été capturée par plusieurs témoins montrant les frères allongés au sol, tandis que les policiers utilisaient des tasers avant de les emmener de force aux Casernes Centrales, à Port-Louis. Ils affirment également avoir été soumis à des actes de torture.

Le 25 mars 2020, les deux frères ont comparu devant le tribunal de Port-Louis, où la police s’est opposée à leur libération sous caution. Le jour suivant, ils ont été admis à l'hôpital A.G. Jeetoo à Port-Louis avec de multiples fractures. Après une semaine à l'hôpital, ils ont été ramenés au centre de détention d'Alcatraz, aux Casernes Centrales, Port-Louis. Ils soutiennent avoir été soumis à des traitements inhumains et avoir été victimes de brutalités policières. Ils estiment que leurs droits constitutionnels ont été violés, ce qui les a conduits à déposer une plainte devant la Cour suprême.
Dans cette affaire, l'IPCC a recommandé des poursuites pénales à l'encontre des policiers impliqués dans l'agression des frères Samrandine. L'affaire sera prochainement instruite devant la cour intermédiaire.

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