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Zone franche : le drame humain des emplois en sursis

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Perdre son emploi du jour au lendemain, quand on est d'un âge plus ou moins avancé, et trouver un emploi alternatif… C’est un cauchemar qui hante perpétuellement les travailleurs, dont surtout ceux de la zone franche.

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À la fin de décembre dernier, ils ont touché leur boni de fin d'année. Ils s'apprêtaient à célébrer la nouvelle année en famille avant de reprendre en toute confiance le travail après les quelques jours de congé qui leur avaient été accordés. Ils ne se doutaient pas que Palmar Ltée, qui compte plus d'un quart de siècle d'existence, allait être placée sous administration judiciaire. Ils ne savaient pas que leur avenir sombrerait du jour au lendemain. 

Rajwantee*, bientôt ses 60 ans, compte une vingtaine d’années de service comme machiniste dans cette compagnie. Son salaire lui permettait de prendre soin de son mari malade, de suppléer aux dépenses familiales et de rembourser les dettes qu'elle a contractées auprès des magasins. Pour joindre les deux bouts, elle faisait volontiers des heures supplémentaires. « Je m'absentais rarement et avec mon boni de production et les heures supplémentaires, mon salaire tournait autour de Rs 10 000 par mois. »

La rumeur que l'usine faisait face à un manque de commandes l’inquiétait peu: « On a déjà fait face à pareille situation dans le passé. » Elle explique que, faute de commandes, les employés ont déjà été contraints au chômage technique pendant des mois mais qu'ils avaient reçu l'intégralité de leurs salaires. « Je pensais que tôt ou tard, on allait recevoir de nouvelles commandes. » Elle a eu le choc de sa vie en apprenant que Palmar Ltée a été mise sous administration judiciaires avec des dettes de Rs 600 millions, « Avec toutes mes dettes, je n'arrive pas à dormir le soir », avoue Rajwantee. Son plus grand souhait, c’est que la compagnie soit mise de nouveau sur les rails. Elle, qui rêvait de faire valoir ses droits à la retraite bientôt, a le cœur brisé. « Après avoir donné ma sueur à la compagnie, je ne risque pas seulement de perdre mon emploi, mais mon ‘severance allowance’ pour toutes ces années de service. »

Ma grande question est comment je vais rembourser mes dettes.

Comptant près d'une quinzaine d'années au sein de la compagnie, Amrita voyait sereinement l'avenir. En décembre dernier, elle a acheté à crédit un nouveau téléviseur, un nouveau set de sofa et des meubles. Elle était confiante qu'elle pouvait honorer facilement ses mensualités ainsi que le remboursement d'un emprunt qu'elle a contracté pour la construction de sa maison. Pour cela, elle avait planifié de faire des heures supplémentaires et de travailler les jours fériés. Elle confie qu'une grande partie de son salaire de Rs 9 000 va dans les dettes mais qu'elle est prête à tous les sacrifices pour assurer l'avenir de ses enfants.

La nouvelle que la compagnie est financièrement acculée la pousse dans le désarroi. « Ma grande question est comment je vais rembourser mes dettes. » Divorcée avec deux enfants à sa charge, elle ne se fiait que sur ses propres revenus. Elle ne reçoit aucune aide sociale de l'État. Outre les dépenses familiales, elle doit trouver Rs 3 500 par mois pour le loyer sans compter les dettes à rembourser auprès des magasins.

Que dire de Mala ? Elle y travaille depuis près de 25 ans. Elle travaillait sur une propriété sucrière avant de se joindre à l'usine. Elle regrette son choix. « Si j'étais restée sur la propriété, j’aurais pu bénéficier de mon VRS et d'un lopin de terre, mais on ne peut tout avoir… » Elle concède avoir pris de l'emploi à l'usine, car le travail y est moins fatiguant et qu'elle a la possibilité de faire des heures supplémentaires. Elle ne peut se fier sur son mari qui aura bientôt 60 ans et qui ne travaille pas. « À 58 ans où est-ce que j'aurais un autre emploi ? C'est mon principal souci. » Ce qui l'intrigue, c’est qu'il n'y avait pas le moindre signe que la compagnie était en difficulté financière. « La direction ne nous a rien dit à ce sujet. »

On apprend que plusieurs autres employées se trouvent dans la même situation. Comptant sur la stabilité financière de la compagnie, elles ont contracté des dettes auprès des magasins, entre autres, avec la certitude qu'elles seraient en mesure de les honorer.

Actuellement, une éventuelle fermeture de la compagnie leur pèse sur la tête comme une épée de Damoclès.

*  N.B. Les employées ont accepté de témoigner sous l'anonymat et leurs noms ont été modifiés.

Désiré Guildhary, président de la Free Democratic Unions Federation : «La situation s’est dégradée dans la zone franche»

Désiré Guildhary, président de la Free Democratic Unions Federation (FDUF), insiste sur la tenue d'une réunion tripartite (ministre du Travail, Receiver Managers et les représentants des travailleurs) pour des éclaircissements sur la situation. Il s’insurge contre le fait que le syndicat n'ait pas été consulté jusqu'ici.

Concernant la zone franche, il trouve que la situation des travailleurs dans ce secteur s'est détériorée depuis la délocalisation des compagnies vers d'autres pays. « Je condamne aussi le recrutement abusif des travailleurs étrangers sous prétexte que les Mauriciens ne veulent plus y travailler, dit-il, alors que pendant des décennies, les fils du sol ont travaillé et sont à la base du succès de la zone franche. »  Il est en faveur de la tenue d'une assises sur la zone franche mauricienne en vue d'un nouveau départ.

François de Grivel, ancien président de la MEXA : «Pour une assisses sur le textile mauricien»

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