Yogida Sawmynaden : la chute de l’homme

De jeune militant à colistier du PM, tout réussissait à Yogida Sawmynaden. Sauf qu’une fois franchi le seuil du Parlement, les casseroles se sont succédées. Jusqu’à la démission pour cause de procès. 

En 2000 lorsque le Mouvement socialiste militant (MSM), en alliance avec le Mouvement militant mauricien (MMM), revient au pouvoir, Yogida Sawmynaden est un jeune activiste. Il siège au conseil municipal de Beau-Bassin/Rose-Hill en 2001, avant de gravir les échelons en 2003 pour être l’adjoint au maire de Quatre-Bornes.  

En 2012, il se fait remarquer lorsqu’il photographie Nandanee Soornack à Vacoas, lors des élections municipales. Il sera arrêté pour cela et prendra le rôle du bouc émissaire dans cette affaire hautement médiatisée. Néanmoins, il gagne du galon et devient le colistier de Pravind Jugnauth, au n° 8 (Quartier-Militaire/ Moka), lors des législatives de 2014. 

Député pour la première fois en 2014, Yogida Sawmynaden n’en aura pas moins défrayé la chronique à plusieurs reprises. Celui qui est nommé ministre (Jeunesse et sports, du 15 décembre 2014 au 23 janvier 2017, Technologie, communication et innovation, du 24 janvier 2017 à novembre 2019, Commerce, du 12 novembre 2019 au 10 février 2021) dès sa première investiture le restera jusqu’à sa démission contrainte mercredi après-midi. Son endurance, il la réserve pour le moment aux cours de justice.

La première polémique 

La première fois que le nom du colistier du Premier ministre, atterrit dans les colonnes des journaux date du début de 2016. Un agent du MSM au n°8, Nawshad Khudurun, remporte l’appel d’offres pour réaliser un clip pour la National Sports Awards Night, organise par le Mauritius Sports Council (MSC). La soirée aura lieu le 30 janvier 2016. Pourtant, l’agent n’était pas le soumissionnaire le moins cher.

Par la suite, il allèguera qu’un cadre du MSC lui aura réclamé Rs 15 000 pour qu'il touche les Rs 176 000 du contrat. De cet argent, il affirmera avoir reçu une tranche de Rs 100 000, une autre de Rs 18 000 de la part d’un proche du ministre et encore Rs 18 000 en liquide du ministre. Mais Nawshad Khudurun porte l’affaire à l’Independent Commission against Corruption. Sans suite, jusqu’ici. Et les allégations ne resteront que des allégations.

Il a défrayé la chronique à plusieurs reprises"

Le beau-frère bien placé 

Fraîchement nommé au ministère de la Technologie, de la communication et de l’innovation, Yogida Sawmynaden nomme Harrykrishna Vydelingum au conseil d’administration de la Mauritius Post Ltd en mai 2017. L’ennui, c’est qu’il s’agit de son beau-frère, donc le frère de son épouse  Wenda. Cette nomination fait scandale, d’autant plus que la Mauritius Post Ltd tombe directement sous la tutelle du ministère de Yogida Sawmynaden.

Interrogé sur cette nomination par Radio Plus, le mercredi 24 mai, ce dernier répond ceci : « Mo pa pou reponn parski radio ena zis pou fer polemik. Par contre, vous n’avez pas parlé des compagnies qui sont venues investir à Maurice et qui ont créé des emplois. Al chek ou linformasion avan. »

Devant ladite polémique, le beau-frère quittera pourtant ce poste. Mais sera nommé président de la Mauritius Institute of Training and Development, le 2 mars 2018. Cet organisme est sous la responsabilité du ministère de l’Éducation, dont la ministre est Leela Devi Dookun-Luchoomun, colistière de Yogida Sawmynaden au n° 8. À partir de juin 2016, il sera sur le Board du Mauritius Tamil Cultural Centre Trust.
Yogida Sawmynaden hérite aussi du School Net II Project. À l’issue de l’appel d’offres, lancé le 22 juillet 2014, c’est Data Communication Ltd (DCL) qui rafle le contrat pour Rs 122 457 992. Le 24 décembre 2015, le contrat est donc signé, mais le projet n’est pas complété par DCL. Pourtant, l’entreprise a perçu Rs 81 783 169,70, incluant des « variation costs » de Rs 2 146 863,70 à cause de certains ajustements dans des écoles secondaires spécifiques qui ont eu besoin de davantage de câblages, prises etc. En sus de cette somme de Rs 81,2 millions, un montant supplémentaire de Rs 1 880 480 a été déboursé pour la « location de lignes ». Au total, DCL a donc perçu Rs 83 663 649,70.

Toutefois, le 18 mars 2019, DCL entre sous administration judiciaire sans terminer le projet et le gouvernement lui réclame des dédommagements de Rs 12 245 799,20. Ce montant n’a pas encore été réglé.

L’épouse du ministre et ses contrats 

On ne peut parler de Yogida Sawmynaden sans parler de son épouse. Notaire de son état, elle aura décroché une multitude de contrats auprès de divers corps parapublics et compagnies d’État depuis les élections de décembre 2014. Celui qui a eu le plus d’échos est celui de la vente de l’ex-hôpital Apollo Bramwell par l’État au groupe CIEL, pour lequel la notaire a touché Rs 7 millions. Une transaction  comme un autre. À une nuance près : c’est l’acheteur, c’est-à-dire CIEL, qui a retenu ses services. 

Enter Simla Kistnen 

Cette fois-ci, ce sont les dossiers Constituency Clerk et celui des achats de matériel médical pendant le confinement qui jettent leur ombre sur Yogida Sawmynaden. Mais aussi l’affaire de la mort de Soopramanien Kistnen, dans lesquels les Avengers tentent de le mêler. D’ailleurs, depuis le 7 janvier, Yogida Sawmynaden fait le va-et-vient en cour.  Car il fait l’objet d’une Private prosecution intentée par la veuve de Soopramanien Kistnen, Shakuntala (Simla) Kistnen. 

L’enquête judiciaire 

Viennent ensuite les témoignages dans le cadre de l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen. Celle-ci a démarré le 4 décembre 2020. Des documents avec des dépenses alléguées encourues lors des élections de 2019 ont fuité dans le public. Ces documents montrent des chiffres s’élevant à plusieurs millions de roupies. Plusieurs témoins, dont l’activiste Bruneau Laurette,  ont été  entendus au sujet de ces documents. 

De plus, en voulant s’intéresser aux contrats octroyés par la State Trading Corporation, lors du confinement, une proche de l’ancien ministre et bénéficiaire de contrat, Neeta Nuckchedd, a été appelée, son audition est toujours en cours.