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Yew Hin Jean : «Les valeurs humaines font de moi un homme heureux»

Yew Hin Jean

Issu d’une famille modeste, c’est à force de persévérance et de travail acharné qu’il est arrivé là où il se trouve aujourd’hui. C’est par le plus grand des hasards que nous avons croisé le chemin de Jean Yew Hin, âgé de 77 ans. Ce personnage hors du commun nous a invités à découvrir ses préparatifs pour la nouvelle année chinoise.

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Jean habite la rue Bancilhon, à toucher de la rue Labourdonnais, dans cette ville de Port-Louis qui l’a vu naître en 1942.

« Le quartier était merveilleux autrefois, planté de nombreux arbres eucalyptus. Mes parents tenaient alors une boutique, aujourd’hui connue sous le nom de ‘la boutique Antoine’ », se remémore-t-il.

« En ce temps-là, j’avais trois amis qui vivaient au pied de la montagne. Je leur apportais du pain le matin. Le temps a passé, puis mon père a vendu sa boutique à un certain Antoine pour acheter un magasin de grossiste. Quant à moi, j’ai fréquenté l’école jusqu’au Standard V seulement car j’ai dû abandonner mes études pour travailler d’arrache-pied dans le magasin, afin de subvenir aux besoins de la famille».

Une vie de camion

À force de dur labeur et d’économie, c’est en 1973, soit à l’âge de 31 ans, que Jean a pu s’acheter un camion. À l’époque, il était parmi les premiers à disposer d’un camion muni d’une grue, nous raconte-t-il fièrement.

Malgré son niveau d’éducation élémentaire, il était très habile. « Je savais comment soulever et installer des choses très lourdes et difficiles à manier sur un camion. Après quelques travaux entrepris pour de grosses boîtes, j’ai peu à peu obtenu leur confiance. C’est ainsi que tout le monde sollicitait mes services en raison de la fiabilité et l’assurance que je leur fournissais ».

‘Manzeur ferail’.

Au fur et à mesure que Jean nous faisait part de ses lointains souvenirs, un sourire se dessine sur son visage.

« Je me souviens qu’une fois, j’avais transporté une machine (comprenant des éléments ‘radioactifs) pour le compte du Mauritius Sugarcane Industry Research Institute (MSIRI). Les consignes étaient très strictes : pas d’accident ni manœuvre brusque. Une fois, j’ai même reçu un appel me demandant d’aller récupérer un hélicoptère qui s’était écrasé. Ma réputation était établie, je me faisais alors appeler ‘manzeur ferail’. »

Sur une photo que Jean a sortie de son placard, on peut voir une pièce destinée à une sucrerie en Afrique du Sud et qui a été fabriquée à Maurice par la compagnie Forges Tardieu. « Cette pièce était si grosse qu’on a dû la souder sur mon camion pour ensuite la dessouder une fois qu’on était arrivé au port. »

« J’ai accompli ce travail pendant de nombreuses années, jusqu’en 2002. J’avais alors trois camions que j’ai vendus par la suite, avant de prendre ma retraite. Grâce à cela, j’ai pu m’assurer une vie confortable et envoyer mes enfants faire des études supérieures à l’étranger. »

Retraite et bricolage

Aujourd’hui, à 77 ans, Jean Yew Hin passe son temps à rencontrer du monde, et parfois il bricole : « Voyez donc mon poste de travail », dit-il en nous montrant sa petite lampe qu’il avait ramassée, il y a plusieurs années de cela et son ventilateur récupéré d’un four à micro-ondes.

Et d’ajouter: « J’ai tellement d’histoires à vous raconter, que le journal tout entier n’y suffirait pas… », dit-il en riant. « Laissez-moi plutôt vous raconter comment on prépare le Nouvel An chinois. C’est à cette tâche que s’investit la famille en ce moment. »

Prières et partage

Avant tout, il faut préparer les gâteaux traditionnels : les fameux ‘Gato la sir’, ‘gato cravat’ et ‘gato zinzli’. « Je prépare tout moi-même à la maison. La plupart des gâteaux, je les partage avec mes voisins et mes proches. » Ceux-là, dit-il en désignant les ‘gâteaux la cire’, prennent beaucoup de temps à préparer. « Les miens, je les cuisine pendant six heures, afin qu’ils soient cuits à point, jusqu’au cœur même du gâteau. Si le gâteau est bien cuit, vous pouvez l’oublier sur la table pendant des semaines et ce dernier ne moisira pas… »

« Le matin de ce grand jour, comme à l’accoutumée, nous partirons le matin prier à l’église, ensuite nous irons fêter entre amis et nos proches autour d’un repas copieux. D’une pierre deux coups, je fêterais mon anniversaire le 9 février, et nous allons donc prolonger les festivités jusqu’en fin de semaine. Vous savez le secret d’une vie heureuse, c’est de vivre convenablement avec tout le monde, sinon la vie n’a aucun sens. »

C’est le cœur gros et des histoires pleines la tête que nous avons quitté Jean, un bon vivant que l’on croise très rarement de nos jours.

 

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