Dans son premier entretien en tant que leader de l’opposition, l’ex-n° 2 du gouvernement revient sur les deux années passées au sein de l’Alliance Lepep. Il parle de ses ambitions politiques et de l’éventualité que six membres de la majorité quittent, eux aussi, le navire.
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Deux ans après les élections, le PMSD quitte le gouvernement. N’avez-vous pas trop tardé ?
Il n’est jamais trop tard ou trop tôt pour prendre une bonne décision. Il y a des paramètres à prendre en considération. Si c’est trop tôt, on peut vous accuser de ne pas être fiable. Ou que vous êtes du genre à chercher la bagarre. Il faut trouver le juste milieu.
Une alliance politique peut être assimilée à une vie de couple. Quand l’un des conjoints fait une erreur, l’autre ne lui en tient pas rigueur. Quand les manquements se répètent, il y a de quoi s’inquiéter. Ces erreurs deviennent des habitudes avec lesquelles on ne peut composer.
Au sein d’une alliance, lorsqu’elle dispose d’une majorité des trois-quarts, ces erreurs peuvent porter atteinte aux libertés fondamentales. Un gouvernement trop puissant est néfaste pour la démocratie.
Quand avez-vous décidé qu’il fallait couper les amarres ?
La décision finale a été prise avec tous les députés du PMSD à 11 heures lundi. Personellement, j’y avais songé à l’issue de la réunion du Conseil des ministres en fin de semaine dernière où le projet d’amendement constitutionnel pour créer une Prosecution Commission a été présenté. J’ai été choqué par le projet de loi et l’empressement de le faire voter. Les atteintes à la liberté devenaient inacceptables.
Le Premier ministre a fait état de « la différence de culture » qui existe entre le PMSD et le MSM. Quels ont été les différends que vous avez dû gérer ?
Je ne vais pas entrer dans les détails aujourd’hui. Mais je retiens cet aveu de taille de sir Anerood Jugnauth. Il a admis qu’il n’a jamais été intéressé à travailler avec nous. C’est clair qu’il n’avait aucun respect pour nous, alors que nous avons trimé au prix d’énormes sacrifices pour la victoire de l’Alliance Lepep. Personnellement, j’ai senti que le PMSD était de trop dès le lendemain du scrutin. J’avais partagé ce sentiment avec mes camarades du parti.
Le PMSD, avec ses 11 élus, était-il content d’avoir obtenu quatre maroquins ministériels ?
Chacun peut avoir son opinion, mais le nombre de maroquins ministériels qui nous ont été attribués ne peut constituer une raison pour quitter une alliance. C’est vrai qu’on aurait pu ne pas être satisfaits. Il y a des failles dans notre Constitution qui permettent au Premier ministre de tout décider. Il peut se comporter comme s’il a été le seul à avoir remporté les élections, voire son parti. La prochaine fois, si le PMSD contracte une alliance, son partenaire devra le traiter en égal.
Un deal à 50-50 ? Si le PMSD affronte seul les élections, peut-on avoir un Xavier-Luc Duval candidat au poste de Premier ministre ?
Pourquoi pas...
Vous voyez-vous candidat au poste suprême ?
Être Premier ministre ne dépend pas de moi.
Vous êtes quand même la personnalité politique la plus populaire auprès des Mauriciens…
C’est vous qui le dites…
“Un gouvernement trop puissant est néfaste pour la démocratie”
Ce sont les sondages indépendants qui le disent…
(rires) C’est clair que le PMSD veut être présent dans toutes les circonscriptions et qu’il ne veut plus être utilisé comme un marche-pied par d’autres afin d’accéder au pouvoir.
Dans une lutte à trois, pourra-t-on vous voir comme candidat au poste de Premier ministre ?
Tout le monde a des ambitions… Si j’en vois la possibilité demain, pourquoi pas ? Si ena posibilite, sa mem mo pou fer. Si pena posibilite, mo pa pu fer li.
Au vu des propos de sir Anerood Jugnauth, étiez-vous le véritable n°2 du gouvernement ou un vase à fleurs ?
Voyez le nombre de comités que j’ai présidés…
Et des décisions prises à votre insu ?
Vous devez poser la question à ce groupe de personnes qui représente un gouvernement au sein du gouvernement.
Comment avez-vous vécu le fait qu’on vous ait enlevé le dossier d’Air Mauritius, alors que vous étiez titulaire du portefeuille des Communications extérieures ?
Je n’ai pas été particulièrement satisfait. Cela ne m’a également pas fait plaisir quand on m’a enlevé le dossier touchant à l’accès aérien. Le pire, c’est qu’ils n’ont pas fait mieux. Le contraire est vrai.
Nombre de décisions ont été prises dans votre dos…
Enormément…
Comme la nomination de Prakash Maunthrooa au conseil d’administration d’Air Mauritius ? Et la mise à pied de Megh Pillay ?
J’ai été bien choqué par la mise à pied de Megh Pillay. J’ai appris la nouvelle dans la presse.
Quelles sont les autres décisions qui vous ont attristé ?
Certaines décisions ont été prises en toute confidentialité. Ce n’est pas parce que j’ai démissionné du gouvernement que je vais tout déballer en vrac. Ce ne serait pas correct. Ce n’est pas mon style. Je préfère parler des généralités.
Aviez-vous été mis au courant de la chute du groupe de Dawood Rawat ? Ou de la résiliation du contrat de Betamax ?
Non. J’ai simplement été averti par téléphone de la fermeture de la Bramer Bank. L’affaire Betamax est en arbitrage, je ne vais pas commenter dessus.
Quels sont les projets que vous regrettez de n’avoir pu réaliser ?
J’aurai voulu voir la loi sur le financement des partis politiques. Le projet dort au State Law Office depuis plus d’un an. (Il soupire)
Qu’en est-il du mandat consécutif du Premier ministre ?
Nous sommes en faveur qu’un Premier ministre puisse être élu pour deux mandats consécutifs uniquement. Il pourrait se représenter après un break.
À la Poutine ?
À la Poutine... Ainsi le Premier ministre aura intérêt à bien faire pour se représenter à l’avenir.
Marie Claire Monty est en mode réflexion quant à son avenir politique. A-t-elle été élue sur la liste du MSM ?
Madame Monty a été candidate du PMSD dans la circonscription n° 4, car le MSM ne disposait pas de candidate ayant son profil. Des places ont été libérées avec le départ de ses camarades ministres et PPS. Elle veut clairement en profiter.
Quels sont les autres maillons faibles dans votre basse-cour ?
J’ai entendu dire que Ramalingum Maistry a démissionné du PMSD. Il avait un des meilleurs jobs au sein du gouvernement : président du conseil d’administration de la Mauritius Ports Authority. D’ailleurs, c’est le gouvernement qui va perdre des plumes avec la démission du PMSD. Il est prisonnier de l’ensemble de ses députés.
Qui aura le courage de claquer la porte ?
Un maximum de trois ministres et trois députés du MSM et du ML. Tout dépend ce qui leur sera offert pour qu’ils reviennent sur leur décision.
Qui sont les membres de l’opposition qui vont « fill in the blank » sur les bancs de la majorité ?
Je prie que personne ne franchisse le pas. L’opposition a un devoir envers le pays. Elle doit prendre l’exemple du PMSD qui a agi dans l’intérêt supérieur de la nation.
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