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World Development Report de la Banque mondiale - Immigration et émigration : le paradoxe mauricien 

Le secteur du textile à Maurice recrute de nombreux travailleurs étrangers.
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Les mouvements migratoires liés au travail sont un phénomène mondial. Maurice fait partie des quelques pays qui accueillent de plus en plus de travailleurs étrangers tout en assistant à l’exode de leurs talents. 

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Ravish Pothegadoo, fondateur de Talent on Tap.

184 millionsC’est le nombre de migrants dans le monde selon les derniers chiffres publiés par la Banque mondiale. Parmi eux, 43 % vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. David Malpass, président de la Banque mondiale, souligne dans le World Development Report que les migrations contribuent de manière substantielle au développement économique et à la réduction de la pauvreté. « Les migrants apportent souvent des compétences, du dynamisme et des ressources qui renforcent les économies des pays de destination. Dans de nombreux cas, ils renforcent également le pays d’origine, fournissant un mécanisme de soutien vital pour les communautés en envoyant des fonds à leurs familles, en particulier en période de troubles », fait-il ressortir. 

Maurice ne déroge pas à la règle et a vu, selon Ravish Pothegadoo, fondateur de Talent on Tap, une augmentation du nombre d’immigrants au cours des dernières années. « Il y a effectivement une hausse du nombre de travailleurs étrangers à Maurice, dont le salaire oscille entre Rs 15 000 et Rs 20 000. Ils opèrent dans le textile, le commerce ou encore les boulangeries », indique-t-il.

La Banque mondiale révèle que l’immigration entraîne d’importantes augmentations de salaire pour la plupart des personnes dont les compétences correspondent aux besoins de la société d’accueil. Ces gains dépassent généralement ce qui pourrait être obtenu dans le pays d’origine, même en cas de migration interne vers des lieux relativement plus aisés. « Les gains sont si importants qu’aux taux de croissance économique actuels, il faudrait des décennies pour qu’une personne peu qualifiée travaillant dans certains pays d’origine gagne le revenu qu’elle obtient en émigrant vers un pays à revenu élevé », mentionne le World Development Report. 

Cependant, le coût de la vie à Maurice influe sur le pouvoir d’achat des travailleurs étrangers, et donc sur leur capacité d’épargne. Selon les chiffres de la Banque de Maurice, le montant envoyé par les travailleurs expatriés pour les neuf premiers mois de 2022 est de Rs 6,47 milliards. Or, un travailleur indien qui vit à Maurice depuis 10 ans nous confie qu’il devient de plus en plus difficile de mettre de l’argent de côté pour l’envoyer à sa famille en Inde. 

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David Malpass, président de la Banque mondiale. 

« Le véritable problème est que beaucoup de travailleurs étrangers se laissent berner par les agents recruteurs qui nous vendent du rêve. Le salaire au Moyen-Orient est beaucoup plus attractif. Un infirmier indien touche en moyenne Rs 30 000 à Maurice, soit le même salaire qu’en Inde. Il peut grimper jusqu’à Rs 40 000 avec les heures supplémentaires. En revanche, il toucherait Rs 100 000 au Moyen-Orient. D’ailleurs, je connais plusieurs infirmiers indiens qui, à partir de Maurice, préfèrent mettre le cap sur le Royaume-Uni ou le Canada pour exercer », explique-t-il.   

Meilleure qualité de vie

Parallèlement, l’émigration d’une partie de la population active pose problème à Maurice. Que ce soit dans l’offshore ou dans l’hôtellerie, Ravish Pothegadoo souligne que le savoir-faire mauricien est très apprécié à l’étranger. Les écarts de salaires entre les pays de destination et d’origine sont, selon la Banque mondiale, un facteur clé de la migration économique. Les gains potentiels sont les plus élevés pour les personnes qui passent d’un pays à faible revenu à un pays à revenu élevé. 

Yashley Latchman, comptable dans une firme privée au Royaume-Uni, affirme que le salaire est définitivement meilleur. « À Maurice, il faudrait occuper un poste hiérarchiquement important pour vivre aisément alors qu’il suffit simplement d’un travail stable à l’étranger pour le faire. Certes, j’ai connu une descente en grade par rapport à Maurice, mais la rémunération est considérable, c’est-à-dire 3,5 fois supérieure quand elle est convertie en roupie », avance-t-il. Le salaire perçu à l’étranger permet également d’épargner. D’ailleurs, selon les chiffres de la Banque de Maurice, Rs 2,09 milliards ont été envoyées à Maurice par la diaspora durant les trois premiers trimestres de 2022. 

Par ailleurs, Ravish Pothegadoo explique que plusieurs Mauriciens modestes ont également pris la décision de s’expatrier afin d’offrir un meilleur avenir à leurs enfants. L’éducation et le rapport qualité-prix seraient les principales raisons. Au Royaume-Uni, par exemple, souligne Yashley Latchman, un couple qui touche le salaire minimum peut - contrairement à Maurice -, joindre les deux bouts.

En chiffre

Les données de la Banque mondiale

  • Environ 40 % des 184 millions de migrants à travers le monde vivent dans des pays à revenu élevé membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
  • 11 millions de citoyens de l’Union européenne (UE) vivent dans d’autres pays de l’UE et bénéficient de droits de résidence étendus.
  • 31 millions de migrants vivent dans les pays du Conseil de coopération du Golfe.
  • Environ 52 millions de migrants et 27 millions de réfugiés se sont installés dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. 

Quelques points du World Development Report

  • Les pays d’origine peuvent maximiser l’impact de l’émigration de la main-d’œuvre sur le développement de leur propre société en facilitant les envois de fonds, par exemple en réduisant les coûts d’envoi et de réception des transferts. 
  • Les pays de destination peuvent exploiter le potentiel de l’immigration pour répondre aux besoins à long terme de leur marché du travail, en particulier pour combler les pénuries de main-d’œuvre provoquées par le vieillissement ou le manque de compétences particulières. 
  • Nécessité pour les pays de destination d’améliorer les efforts pour traiter les migrants avec humanité et s’attaquer aux impacts sociaux et économiques sur leurs propres citoyens. Les pays de transit doivent se coordonner avec les pays de destination pour faire face aux migrations en détresse. 

Envoi de fonds de travailleurs étrangers

Pays 2019 2020 2021 2022 (9 mois)
Bangladesh Rs 2,62 milliards Rs 2,61 milliards Rs 3,47 milliards Rs 2,69 milliards
Inde Rs 2,68 milliards Rs 2,78 milliards Rs 2,79 milliards Rs 2,62 milliards
Madagascar Rs 278 millions Rs 271 millions Rs 244 millions Rs 265 millions
France Rs 302 millions Rs 353 millions Rs 319 millions Rs 140 millions
Chine Rs 144 millions Rs 187 millions Rs 178 millions Rs 77 millions
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