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William Newton et John Pope Hennessy, précurseurs de la démocratie mauricienne

John Pope Hennessy et William Newton John Pope Hennessy et William Newton

Le plus populaire des gouverneurs britanniques de Maurice et le plus brillant avocat du barreau mauricien entreprirent d’instaurer la première démocratie à Maurice. Leurs idées et leurs actions permirent l’ouverture du système électoral non plus aux seuls officiers anglais, mais aussi aux colons et aux autres possédants, dont des Indo-mauriciens.

C’est, en effet, sous l’administration du gouverneur sir John Pope Hennessy (1883-1886 et 1888-1889), que les premiers frémissements démocratiques de Maurice vont se faire sentir, sous l’impulsion du mouvement réformiste créé en 1882 et dirigé par sir William Newton. Ce mouvement réclamait l’introduction d’un élément électif au Conseil législatif, une participation plus directe des colons à l’administration de leurs affaires.

John Pope Hennessy, né à Cork (Irlande) en 1834, était avocat et député. Il intégra le Colonial Office, fut gouverneur de Labuan, du Sierra Leone, puis des Barbades de 1873 à 1877, avant d’être nommé gouverneur de Hong Kong, où il resta jusqu’en 1882.

Pendant son mandat à Hong Kong, il se rendit compte que les Chinois, qui étaient traités comme des citoyens de seconde classe, avaient considérablement contribué au développement économique de la colonie. Il entreprit ainsi de leur ouvrir l’accès à un certain nombre de droits, leur permit d’acheter des terres, de construire, d’acquérir la nationalité britannique et d’opérer dans le Central District, ce qui provoqua un boom dans la colonie.

Partout où il servit dans l’Empire britannique, son éducation catholique mettait John Pope Hennessy en porte à faux avec l’administration coloniale à majorité protestante. Irlandais d’origine, il voulait que son propre pays soit libéré de la domination britannique. En décembre 1882, il est nommé gouverneur de Maurice et arrive le 1er juin 1883 sur l’île. Fort de son expérience déterminante à Hong Kong, il entreprend de mauricianiser l’administration locale en réduisant les pouvoirs des officiels anglais, nommant des Mauriciens à des positions de responsabilité et proposant une nouvelle Constitution basée sur le principe Maurice pour les Mauriciens. C’est donc tout naturellement qu’il se rapprochera du groupe réformiste mené par William Newton.
Remous dans la colonie

Né à Port Louis le 14 mars 1842, William Newton avait fait ses études secondaires au collège Royal, puis des études d’avocat en Angleterre. En 1882, il devint le conseiller légal de la Chambre d’agriculture. Chef du mouvement réformiste, il réclamait une participation plus directe des colons à l’administration de leurs affaires.

Le projet de nouvelle Constitution de John Pope Hennessy plut donc forcément à William Newton, mais créa pas mal de remous dans la colonie, mettant en opposition ceux qui étaient en faveur de la réforme, dirigés par William Newton lui-même et Virgile Naz, et les anti-réformistes, sous la férule de sir Célicourt Antelme.

En introduisant un droit de vote basé sur des franchises et qualifications moins élevées, Pope Hennessy voulait aussi donner le droit de vote aux notables indo-mauriciens. Le gouverneur s’attira les foudres de ses adversaires dans la colonie, qui lui reprochèrent de desservir les intérêts de l’Angleterre. Mais le Colonial Office était favorable à son projet.

Le 20 octobre 1885, une nouvelle Constitution voit le jour, qui donne la possibilité aux électeurs de faire le choix des députés qui vont siéger au Conseil législatif. En 1885, grâce à ce nouveau système, William Newton entre ainsi dans le Conseil du gouvernement, en compagnie d’autres compatriotes.

Cependant, le sens électoral de cette Constitution est restreint. Il n’octroie pas à toute la population adulte le droit de vote. Seuls les propriétaires d’un immeuble valant Rs 3 000 ou ceux recevant un salaire mensuel de Rs 50 sont considérés comme électeurs. Sur une population de 360 000 habitants, seulement 4 000, tous des hommes, ont le droit de vote.

La Constitution de 1885 voit également la création de multiples alliances et groupements politiques, entraînant dans leur sillage des tensions et des rivalités qui mettent en péril les relations sociales et provoquent des confrontations entre les différents groupes ethniques : Blancs, gens de couleur, descendants d’esclave, asiatiques (hindous, musulmans et chinois).

Commission d’enquête

En 1886, Clifford Lloyd, leader des officiers anglais de la colonie, s’oppose aux règles dictées par Pope Hennessy. Il envoie des pétitions en avril 1886 à Londres, demandant une enquête sur l’administration du gouverneur. Le 3 novembre 1886, une commission d’enquête arrive à Maurice et suspend Pope Hennessy de ses fonctions le 14 décembre 1886. Les réformistes s’opposent à cette action dans une lettre signée par 6 800 personnes. William Newton est choisi par la population pour défendre Pope Hennessy à la Cour de Londres.

Le 12 mars 1887, Pope Hennessy et sa femme quittent Maurice pour l’Angleterre et Newton les accompagne. Devant la cour, c’est William Newton qui plaide la cause de Pope Hennessy et il gagne le procès. Le 12 juillet, Pope Hennessy est réintégré dans ses fonctions et revient à Maurice le 22 décembre 1888. Il va administrer l’île jusqu’au 11 décembre 1889.

Durant les dernières années de son administration, John Pope Hennessy fit essentiellement des réformes dans les secteurs agricoles et industriels. Auparavant, il avait introduit les services téléphoniques à Port-Louis (1883) et encouragé la reforestation des hauts plateaux avec des pins de Hong Kong. Il développa l’industrie du tabac et les plantations de thé de Ceylan à Réduit. Il fit la promotion de la diffusion des méthodes d’extraction du sucre de la canne. Maurice fut sa dernière affectation.

De son côté, William Newton fut élu membre du Conseil de Port-Louis en 1889. En plusieurs occasions, il fut président de la Société royale des Arts et des Sciences. Il fut aussi un grand défenseur de l’industrie sucrière. C’est lui qui, lors d’un voyage en Angleterre en 1887, persuada le Secrétaire d’état d’établir une station agronomique à Maurice. Il défendit les intérêts de la communauté agricole devant les commissaires royaux en 1909 et se déclara en faveur de l’établissement d’une banque agricole prêtant de l’argent aux planteurs à faible taux d’intérêt.

Aujourd’hui, les deux hommes sont réunis pour la postérité. En effet, à la Place d’Armes, à l’entrée de Port-Louis, les statues de sir John Pope Hennessy et de sir William Newton font face à l’Hôtel du Gouverment. En souvenir des services rendus à la démocratie et aux droits fondamentaux des Mauriciens à l’auto-détermination…

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