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Wesley Sarah : «Le cannabis est une alternative sûre pour les jeunes»

Faut-il légaliser le cannabis à Maurice ? Face à la montée des drogues synthétiques et aux limites de la répression, le Kolektif 420 plaide pour une alternative régulée. Entre enjeux de santé, d’économie et de société, Wesley Sarah fait le point.

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Quels sont les principaux objectifs du Kolektif 420 dont vous êtes le responsable ?
Le Kolektif 420 milite pour la légalisation du cannabis, en particulier du cannabis thérapeutique. Le mouvement a été lancé par Jameel Peerally. 
Comme il n’y avait aucune action à ce niveau et que l’avenir des jeunes semble compromis en raison du fléau de la drogue, l’idée est de sensibiliser davantage la population quant à la situation actuelle de notre société, notamment face aux problèmes liés à l’alcool, aux drogues dures et aux drogues de synthèse. 

Nous constatons que nos jeunes sont à la dérive. À travers nos actions, nous comptons non seulement sensibiliser la population, mais aussi interpeller le gouvernement et provoquer une prise de conscience.

Vous luttez contre la drogue synthétique, mais vous prônez la dépénalisation et la légalisation du cannabis. Certains y voient une contradiction. En quoi cela pourrait-il être une solution plutôt qu’un problème supplémentaire ?
Nous prônons avant tout la légalisation du cannabis, qui est une plante naturelle, alors que les drogues synthétiques sont des produits douteux, pouvant provenir de quincailleries et être mélangés à diverses substances toxiques. À travers notre combat, nous défendons le retour à la nature.
Sur le plan médical, nous constatons que dans certains pays ayant dépénalisé et légalisé le cannabis, des patients souffrant de divers problèmes de santé ont accès au cannabis thérapeutique. Selon les recherches, ce dernier apporte un soulagement significatif aux patients atteints de cancer, par exemple, ou souffrant de stress chronique, qui peut engendrer d’autres pathologies.

Le cannabis thérapeutique représente un atout tant sur le plan médical qu’économique. De nombreux pays ont pu dynamiser leur économie grâce aux produits dérivés du cannabis, tandis que les drogues synthétiques, disponibles à chaque coin de rue, ne font que détruire les consommateurs.

Le cannabis, qu’il soit utilisé à des fins médicales ou récréatives, pourrait faire baisser la consommation d’alcool et réduire la dépendance aux médicaments pharmaceutiques»

Pourquoi la dépénalisation du cannabis est-elle un sujet aussi tabou à Maurice, alors que plusieurs pays ont déjà franchi le pas avec des résultats positifs ?
Le cannabis, qu’il soit utilisé à des fins médicales ou récréatives, pourrait faire baisser la consommation d’alcool et réduire la dépendance aux médicaments pharmaceutiques. Cela entraînerait un bouleversement dans ces secteurs et, d’ici cinq ans, les produits dérivés comme les tisanes ou les huiles pourraient se substituer à certains médicaments courants, tels que le paracétamol. Si les gens consommaient du cannabis comme ils boivent du « ayapana » ou d’autres tisanes médicinales, cela pourrait soulager certains maux et, potentiellement, guérir certaines affections. Cela aurait un impact sur l’industrie pharmaceutique, ainsi que sur les marchés de l’alcool et des drogues dures.

L’idée est que, si nous voulons changer les choses pour les jeunes, qui sont aujourd’hui de grands consommateurs de drogues synthétiques, nous devons leur proposer une alternative plus sûre. Le cannabis pourrait être cette alternative, en les aidant à modifier leur état d’esprit. Il y a un travail considérable à faire dans ce domaine, et le collectif veut non seulement libérer les jeunes des drogues synthétiques, mais aussi leur offrir un suivi psychologique adapté.

Ne craignez-vous pas que la dépénalisation, voire la légalisation du cannabis, mène à une augmentation de la consommation chez les jeunes ?
Les boissons alcoolisées sont légales et n’importe qui peut en acheter librement. Si un jeune veut consommer de l’alcool chez lui, il peut le faire sans difficulté. Il en serait de même pour le cannabis, avec la mise en place d’un système de contrôle. Une consommation excessive de boissons alcoolisées peut mener à l’alcoolisme. Pour le cannabis, s’il est consommé de manière encadrée, ses effets peuvent être maîtrisés. 

En appliquant les mêmes critères de vente que pour l’alcool, comme l’obligation de présenter une pièce d’identité, et en mettant en place des restrictions claires, les jeunes ne pourraient pas y avoir accès aussi facilement. Dans plusieurs pays, les lois ont été adaptées pour éviter toute ambiguïté sur l’âge légal de consommation.

C’est pourquoi le gouvernement et les associations qui militent en faveur de la légalisation du cannabis doivent trouver un consensus pour établir une loi équilibrée, qui apporterait une régulation efficace.

Certains pays ont opté pour la décriminalisation et la régulation du cannabis tout en intensifiant la lutte contre les drogues dures. Maurice devrait-il explorer cette voie ?
Si le gouvernement prend l’initiative de légaliser le cannabis, permettant à chacun de cultiver quelques plants chez lui, cela pourrait couper court au trafic et au marché noir. Actuellement, un gramme de cannabis coûte environ Rs 3 000 sur le marché noir.

Avec une campagne de sensibilisation et d’éducation bien menée, les consommateurs pourraient apprendre à utiliser le cannabis de manière responsable. En vendant le cannabis dans des commerces dédiés, le gouvernement pourrait également percevoir des taxes sur ces produits. Des pays comme les Pays-Bas et le Canada ont légalisé le cannabis et ne rencontrent pas de problèmes sociaux majeurs liés à cette consommation.

L’absence d’études sur la consommation de drogues à Maurice empêche une prise de décision éclairée»

À chaque saisie de drogue, on parle de « gros coup de filet », mais les réseaux de distribution restent intacts. La répression a-t-elle vraiment fait reculer la drogue à Maurice ou a-t-elle simplement déplacé le problème, rendant les substances plus dangereuses et les consommateurs plus vulnérables ?
Nous avons l’impression qu’il y a certes des saisies, mais que ces produits reviennent toujours sur le marché. Nous avons vu des cas où des policiers eux-mêmes étaient impliqués dans le trafic de drogue. Malgré les nombreuses saisies et la répression, la drogue reste accessible.
Il est essentiel d’adopter une approche plus rationnelle et de prendre en considération le fait que certains produits seront toujours consommés. Il serait plus judicieux de contrôler cette consommation plutôt que de mener une guerre inefficace contre elle. L’absence d’études sur la consommation de drogues à Maurice empêche une prise de décision éclairée.

Les politiques assistent aux marches, dénoncent la drogue en public, mais les trafics prospèrent. Pensez-vous qu’il y ait un manque de courage politique ?
Nous allons bientôt le savoir. Il semblerait que des négociations se déroulent actuellement au sujet de la dépénalisation. Cette année pourrait être le bon moment pour agir, compte tenu de la situation préoccupante dans laquelle nous nous trouvons. L’alternative viable reste le cannabis, qui pourrait contribuer à améliorer la situation.

J’ai parlé à des bénéficiaires du traitement à la méthadone. Hélas, il n’y a pas de réel suivi de leur situation. Nous leur avons posé la question : si le cannabis était légalisé et qu’on leur donnait 2 grammes au lieu de la méthadone, seraient-ils d’accord ? Nous leur avons aussi demandé s’ils accepteraient un emploi d’environ quatre heures par jour comme thérapie, peu importe le métier, dans leur domaine de compétence, rémunéré, leur permettant de passer l’autre moitié de la journée avec leur famille. Ils nous ont répondu qu’ils seraient d’accord.

La méthadone semble les mener à nouveau vers l’addiction. Ils reçoivent leur dose une fois par jour, mais ont tendance à rechuter en l’absence d’un réel encadrement et d’un suivi pour équilibrer leur état d’esprit. Ces bénéficiaires ont besoin d’écoute et d’un encadrement psychosocial.

Étant pour la plupart d’anciens détenus ne disposant pas d’un certificat de moralité vierge, ils ont du mal à trouver du travail. Il y a de nombreux facteurs que la société devrait revoir pour entreprendre un véritable changement.

Si demain le cannabis est légalisé, comment éviter que ce marché ne tombe sous le contrôle des mêmes réseaux mafieux qui exploitent aujourd’hui la drogue synthétique ?
Si le cannabis était légalisé, cela signifierait qu’une personne pourrait cultiver deux plantes pour sa consommation personnelle. Ceux qui souhaiteraient en cultiver davantage devraient obtenir un permis des autorités compétentes.

Si des « coffee shops » dûment enregistrés veulent vendre du cannabis, ils pourraient le proposer sous différentes formes, y compris dans des produits alimentaires, par exemple. Cela contribuerait à développer l’économie et à éliminer le marché noir. 

Avec la mise en place d’un marché réglementé, les prix chuteront automatiquement. Les consommateurs avisés feront facilement le choix entre les drogues dures, qui se vendent plus cher, et le cannabis, plus accessible.

Quelle forme de régulation proposez-vous pour éviter que la dépénalisation du cannabis ne devienne une porte d’entrée vers d’autres substances plus dures, notamment chez les jeunes ?
Tout le monde le sait : c’est souvent par la cigarette que certains jeunes se tournent vers d’autres substances. Mais que ce soit l’alcool ou la cigarette, bien que légaux, leur consommation peut être nocive selon la quantité ingérée. Les effets négatifs du cannabis sont minimes en comparaison. Il n’y a pas d’overdose de cannabis, par exemple. En cas de surconsommation, le consommateur va simplement dormir. 

En termes de régulation, la culture du cannabis devrait être réservée à l’usage personnel en cas de légalisation. Il faudrait aussi établir des réglementations, comme pour l’alcool et la cigarette, afin d’interdire la vente aux mineurs et de limiter l’accès aux « coffee shops ».

Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes Mauriciens qui se sentent pris au piège de la drogue synthétique et à leurs familles ?
Les jeunes doivent pouvoir exprimer leurs frustrations et leurs difficultés. Il est essentiel de traiter les problèmes psychologiques sous-jacents de ceux qui sont confrontés à ces difficultés. 

Les jeunes sont souvent sur les réseaux sociaux, un fléau de notre société qui a entraîné une perte de communication interpersonnelle. Il est important qu’ils prennent le temps de dialoguer avec leurs parents ou qu’ils se tournent vers des ONG et des services d’écoute pour obtenir de l’aide.

Le Kolektif 420 est là pour les aider à sortir de ces produits nocifs qui détruisent leur cerveau et leur système immunitaire, les rendant vulnérables à de nombreuses maladies et compromettant leur avenir. Ils doivent rester positifs.

Ces pays qui ont franchi le pas de la légalisation

  • Le Canada

Le Canada a légalisé l’usage récréatif du cannabis en octobre 2018, devenant le deuxième pays au monde à le faire après l’Uruguay. L’objectif principal était de réduire le trafic illégal et de mieux encadrer la consommation. Le gouvernement fédéral réglemente la production tandis que les provinces gèrent la distribution et la vente, avec des modèles variant d’une région à l’autre.

L’impact économique a été significatif : en 2022, l’industrie légale du cannabis représentait plusieurs milliards de dollars de revenus, avec des taxes substantiellement reversées aux gouvernements provinciaux et fédéraux. 

Cependant, malgré la légalisation, le marché noir continue d’exister, notamment en raison des prix élevés du cannabis légal et des restrictions sur la publicité et la distribution. De plus, les autorités ont dû renforcer la sensibilisation aux risques de la consommation, notamment chez les jeunes adultes.

  • Les États-Unis 

Aux États-Unis, si le cannabis reste interdit au niveau fédéral, plusieurs États ont choisi de le légaliser pour un usage médical et/ou récréatif. Le Colorado et Washington ont été les premiers à autoriser la vente de cannabis à des fins récréatives en 2012. Depuis, d’autres États comme la Californie, l’Oregon et New York ont suivi.

L’un des principaux bénéfices observés est l’augmentation des recettes fiscales. Par exemple, l’État de Californie a collecté plus d’un milliard de dollars de taxes liées au cannabis en 2021. La valeur de l’industrie du cannabis aux États-Unis est estimée à près de 30 milliards de dollars
Cependant, des préoccupations subsistent quant à la consommation chez les mineurs, l’augmentation des cas d’intoxication et la gestion des conducteurs sous influence. 

  • L’Uruguay 

L’Uruguay a été le premier pays au monde à légaliser complètement le cannabis en 2013. L’État exerce un contrôle étroit, supervisant la production et la distribution. Les citoyens peuvent acheter une quantité limitée de cannabis en pharmacie, cultiver chez eux ou faire partie de clubs de culture.

L’objectif principal ? Réduire le pouvoir des narcotrafiquants et offrir aux consommateurs un accès sûr et encadré au cannabis. Bien que le marché noir ait été affaibli, il n’a pas complètement disparu.

  • L’Allemagne

L’Allemagne a légalisé le cannabis médical en 2017, permettant aux patients souffrant de douleurs chroniques ou de certaines maladies graves d’y avoir accès sur prescription médicale. En 2014, ce pays a légalisé le cannabis récréatif, mais sous conditions.
L’objectif de cette réforme est d’encadrer le marché, de réduire le trafic illégal et de générer des revenus fiscaux supplémentaires. 

  • Le cas du Portugal

Le Portugal n’a pas légalisé le cannabis, choisissant plutôt de décriminaliser toutes les drogues en 2001. Cela signifie que la possession de petites quantités pour usage personnel n’entraîne plus de poursuites pénales, mais est traitée comme une infraction administrative.

Cette approche a permis de réduire la stigmatisation des consommateurs et d’orienter les efforts vers la prévention et les soins plutôt que la répression. Le pays a ainsi observé une diminution des overdoses, une baisse des infections au VIH liées à l’usage de drogues injectables et une stabilisation du nombre de consommateurs. 

Toutefois, puisque le cannabis n’est pas légalement disponible à l’achat, le marché noir demeure une source d’approvisionnement.

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