
Alors que l’Afrique débat de ses stratégies de financement à Marrakech, le cas de Maurice illustre les tensions croissantes entre besoins de développement, dépendance à l’endettement extérieur et ambitions continentales.
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Le Week-end Ibrahim de la gouvernance (IGW), organisé par la Fondation Mo Ibrahim, se tient actuellement à Marrakech, jusqu’à ce mardi 3 juin. Le thème : « Financer l’Afrique que nous voulons ». Dans le cadre de cet événement, un rapport préparatoire pose les bases de discussions cruciales pour le continent. Maurice, petite économie insulaire de l’océan Indien, se retrouve au cœur d’enjeux plus larges, reflétant les dynamiques financières africaines actuelles.
Dans un contexte marqué par la baisse de l’aide publique au développement et un accès restreint au financement climatique, l’Afrique doit repenser son modèle. Le rapport 2025, qui s’appuie sur les constats du Forum Ibrahim 2024, invite à une rupture : cesser de dépendre des financements extérieurs et miser sur la mobilisation des ressources internes, l’investissement privé et l’optimisation des capacités fiscales nationales.
Entre 2014 et 2023, la dette publique extérieure de l’Afrique a presque doublé, passant de 349,4 à 690 milliards de dollars. Pour Maurice, le service de la dette extérieure atteint un niveau record, ce qui place le pays parmi ceux où l’effort budgétaire consacré au remboursement de la dette est le plus élevé du continent.
Un continent en croissance, mais sous tension
La croissance projetée du Produit intérieur brut (PIB) réel africain, oscillant entre 3,9 % et 4,5 % par an sur les cinq prochaines années, devrait dépasser celle de toutes les autres régions du monde. Treize des 20 économies les plus dynamiques en 2025 sont africaines, dont la Libye, le Sénégal ou encore le Rwanda. Mais cette croissance masque des disparités et des vulnérabilités structurelles. Maurice, malgré un secteur financier relativement solide, n’échappe pas à la logique du surendettement.
« Le système financier mondial ne répond pas aux besoins de financement à long terme de l’Afrique », avertit le rapport. Cette conclusion renforce l’idée d’une réforme en profondeur du modèle de financement africain, aujourd’hui dépendant de l’aide extérieure et des exportations de matières premières.
Financement climatique : l’Afrique marginalisée
- Besoins estimés : 1,6 à 1,9 billion de dollars
- Part mondiale reçue : moins de 3 %
- Financement dédié à l’adaptation : 36 %
Malgré sa faible responsabilité dans le réchauffement climatique, l’Afrique reçoit une part infime du financement climatique mondial. Maurice, comme d’autres pays insulaires, se trouve en première ligne des impacts climatiques, sans pour autant accéder à des ressources suffisantes pour s’adapter.
Mobiliser les ressources nationales, une piste inévitable
L’Agenda 2063 de l’Union africaine – intitulé « L’Afrique que nous voulons » – prévoit de mobiliser jusqu’à 90 % des fonds nécessaires au niveau national. Cela implique un renforcement de la fiscalité, la lutte contre les flux financiers illicites, une meilleure gestion des ressources naturelles, et l’élargissement de l’épargne institutionnelle.
Pour Maurice, cette approche suppose aussi une remise en question du modèle économique basé sur les services offshore, régulièrement critiqué pour ses limites en matière de transparence fiscale.
Besoins futurs en financement
- Besoin additionnel annuel (Agenda 2063) : 330 milliards de dollars
- Objectifs de développement durable (ODD) : seuls 6 % sont en bonne voie
- Population projetée en 2100 : 3,8 milliards de personnes
- Emplois à créer par an : 20 millions
Ports, commerce et AfCFTA : la mer comme moteur d’intégration
Maurice pourrait également tirer parti des transformations à venir dans le commerce intra-africain. L’AfCFTA (Zone de libre-échange continentale africaine) prévoit une augmentation de 33 % des échanges intra-africains, avec un rôle central pour le transport maritime. Le trafic vers les ports africains devrait bondir d’ici 2030, et plusieurs pays, dont Maurice, figurent parmi ceux où la croissance du fret est attendue.
Ports africains : un potentiel logistique à exploiter
- Augmentation des escales de porte-conteneurs (2018–2023) : +20 %
- Trafic portuaire (2011–2021) : de 24,5 à 35,8 millions de conteneurs
- Prévision 2030 (navires) : de 58 à 132 millions de tonnes de marchandises
- Maurice : pays cible pour le développement portuaire lié à l’AfCFTA
Attirer l’investissement privé, un défi persistant
L’un des points clés du rapport concerne la nécessité d’attirer davantage d’investissements privés pour compenser le recul de l’aide internationale. L’Afrique n’attire actuellement que 4 % des investissements directs étrangers mondiaux. Maurice est l’un des deux pays africains, avec le Botswana, à bénéficier d’une notation souveraine de qualité, ce qui peut favoriser l’attraction des capitaux.

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