Le score de 60-0 de l’Alliance du Changement aux législatives de 2024 reflète la désillusion des Mauriciens envers le gouvernement sortant. Le peuple a tranché et un nouveau souffle s’installe. Dans Le Dimanche/L’Hebdo, des citoyens réagissent à la défaite de l’Alliance Lepep et expriment leurs attentes envers le nouveau gouvernement de Navin Ramgoolam.
Yousouf Hoseny, marchand : «Ce coup de pied était nécessaire»
Marchand au bazar de Quatre-Bornes depuis 40 ans, Yousouf Hoseny ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit du gouvernement sortant. Selon lui, le rejet électoral lors des législatives de 2024 était non seulement attendu, mais mérité : « Li ti bizin ale parski li ti pe fer kitsoz ki pa bizin. »
Pour Yousouf, le gouvernement sortant a failli sur des enjeux cruciaux notamment pour la jeunesse, en restant impuissant face à l’ampleur de la prolifération de la drogue.
Il fonde désormais son espoir sur le nouveau gouvernement, espérant un véritable changement de cap. « Il doit travailler pour les jeunes », affirme-t-il, ajoutant que les promesses faites par l’ancien gouvernement, parfois accompagnées de distribution d’argent, ne suffisent pas à bâtir une société stable. « On ne peut pas vivre dans une société comme ça », insiste-t-il. Ces paroles fortes traduisent le sentiment d’un homme pour qui le « coup de pied » de l’électorat était plus que nécessaire.
Govalen Curpiah, commerçant : «Croire que l’on a un électorat traditionnel acquis est une erreur»
Commerçant à Quatre-Bornes, Govalen Curpiah est un observateur averti de la politique. Il se réjouit du score de 60-0 de l’Alliance du Changement aux législatives de 2024. Avec un brin de nostalgie, il se remémore le 60-0 historique de 1995 et se dit heureux de vivre à nouveau un tel événement, cette fois avec plus de maturité.
Pour lui, ce naufrage du gouvernement sortant est une leçon claire : c’est le peuple qui détient le pouvoir souverain. Il cite l’exemple d’Alan Ganoo, ministre sortant, élu neuf fois dans la circonscription n°14 (Savanne/Rivière-Noire) et réputé pour être un « ténor », battu cette fois-ci par un novice de l’Alliance du Changement. « Bien sûr, il y a des électeurs partisans, mais c’est la majorité des indécis qui fait la différence », estime Govalen.
Selon lui, les citoyens surveillent de près les actions des gouvernements et les réseaux sociaux jouent, aujourd’hui, un rôle important pour les tenir informés de l’actualité politique. Pour lui, ce score de 60-0 de l’Alliance du Changement reflète la voix des indécis.
Que pense-t-il de la défaite du gouvernement sortant ? « Cette chute n’est pas due au hasard. Le comportement et les actions des membres du gouvernement sortant ont pesé lourd », répond-il. Govalen s’indigne aussi de la décision de l’ancien gouvernement de restreindre l’accès aux réseaux sociaux pendant la campagne électorale. « Avec autant de conseillers, comment ce choix désastreux a-t-il pu être fait par le Premier ministre sortant ? » se demande-t-il.
Les « Missie Moustass Leaks » ont également confirmé les soupçons de mauvaise gestion du pays, que l’opposition sortante dénonçait depuis ces dernières années, poursuit-il. « Les gens sont lucides. Croire que l’on a un électorat traditionnel acquis est une erreur. La vraie force se trouve parmi les indécis », maintient-il.
Pour Govalen, cette récente élection a montré qu’aucune somme d’argent ni promesse électorale ne peut détourner un peuple déterminé à envoyer un message fort. Ses attentes par rapport au nouveau gouvernement : « J’espère que les nouveaux élus, que je considère comme des figures solides, laisseront un héritage politique positif pour les générations futures. »
Assan Dev Rannoo, retraité : «Il était temps d’agir…»
La victoire écrasante de l’Alliance du Changement, avec ce score sans appel de 60-0, doit être un avertissement, déclare Assan Dev Rannoo, retraité habitant à Quatre-Bornes. Cet ancien enseignant insiste : c’est la population qui détient le pouvoir de décision et ceux qui n’ont pas su répondre à ses attentes doivent rendre des comptes.
« Nous avons souffert pendant dix ans, lors des deux mandats de l’ancien gouvernement, surtout avec la hausse du coût de la vie parmi tant d’autres choses. Il était temps d’agir et de le faire partir », ajoute-t-il.
Désormais, le nouveau gouvernement élu doit honorer son mandat et offrir de meilleures conditions de vie à la population qui lui a fait confiance. L’ancien enseignant estime important de lui accorder une chance et de lui permettre de démontrer qu’il est capable de changer les choses et de faire progresser le pays. « Les réformes doivent commencer par l’éducation et l’instauration de la méritocratie, et se poursuivre par des efforts pour redresser l’économie et lutter contre la dépréciation de la roupie. Le peuple mérite mieux », soutient-il.
Pour Assan Dev Rannoo, la création de nouveaux secteurs économiques et la réduction de l’inflation doivent être des priorités pour le nouveau gouvernement. « Le peuple mauricien aspire à un avenir meilleur, à un cadre de vie plus stable et plus équitable. »
Cependant, il ne faut pas que ce gouvernement abuse de la confiance que le peuple a placée en lui. « Si les nouveaux dirigeants ne respectent pas les attentes du peuple, ils devront en assumer les conséquences, tout comme leurs prédécesseurs. Le peuple n’hésitera pas à lui faire subir le même sort que l’ancien régime », affirme-t-il, d’une voix résolue et pleine d’espoir.
Pravina Sookun, marchande : «Il le méritait et il l’a eu»
Depuis 17 ans, Pravina Sookun travaille au marché de Quatre-Bornes. Pour elle, la victoire écrasante de 60-0 de l’Alliance du Changement aux législatives de 2024, est une véritable satisfaction. « Ce coup de pied de l’électorat au gouvernement sortant était mérité. La population a beaucoup souffert sous la pression du coût de la vie élevée et du manque de liberté d’expression », affirme-t-elle.
Selon elle, le gouvernement sortant faisait ce qu’il voulait sans respecter les lois. Pravina critique également les promesses non tenues de l’ancien gouvernement : « Ils ont promis beaucoup de choses, mais la population n’est pas dupe. Où allaient-ils trouver cet argent, sinon en le prenant de notre poche ? Nou lizie inn ouver… »
À Le Dimanche/L’Hebdo, Pravina confie que l’argent ne suffit pas pour convaincre l’électorat. « Ce que les citoyens veulent, c’est une société où il fait bon vivre et où la liberté est respectée. Nous payons pour Internet et sans raison, le gouvernement sortant a décidé de bloquer l’accès quand ça l’arrange. Ce coup de pied de l’électorat, il le méritait et il l’a eu », lance-t-elle.
Cependant, elle exprime aussi ses attentes pour le nouveau gouvernement, en espérant qu’il comprenne que le pouvoir est désormais entre les mains du peuple : « Nous avons placé notre confiance en ce nouveau gouvernement mais, maintenant, il doit savoir travailler pour le bien de la population. S’il ne retient pas cette leçon donnée au gouvernement sortant, il subira le même sort. » Pravina conclut : « Nou ti tir zot, zot inn revini. Aster, zot bizin remersie lapopilation e travay bien. »
Christian Lamto, marchand : «C’est le résultat d’un ras-le-bol envers l’ancien régime»
Christian Lamto est catégorique : le score de 60-0 lors des législatives de 2024 est avant tout une manifestation du ras-le-bol de la population face aux conditions de vie difficiles exacerbées par des politiques du gouvernement sortant. Selon ce marchand exerçant au bazar de Quatre-Bornes, la victoire sans précédent de l’Alliance du Changement reflète la frustration profonde de la population face à un gouvernement qu’elle jugeait déconnecté de ses préoccupations.
Cependant, il ne cache pas son inquiétude face à l’absence d’une opposition solide. « La population aurait dû être plus éclairée dans son choix », estime-t-il. Selon lui, le peuple aurait mieux fait de mettre en place un contrepoids démocratique plus efficace.
Toujours est-il que Christian reconnaît que le gouvernement sortant devait effectivement partir. « Le peuple a le droit de voter et de choisir son gouvernement. Mais, dans le passé, nous avons vu qu’une fois au pouvoir, le gouvernement élu par le peuple fait souvent ce qui l’arrange. »
Pour Christian, ce « coup de pied » de l’électorat au gouvernement sortant est une leçon importante à tirer. « Je fais confiance au nouveau Premier ministre qui a connu des situations similaires dans le passé. S’il a appris de ses erreurs et qu’il corrige le tir, le peuple attend certainement beaucoup mieux de lui et de son équipe », souligne le marchand.
Mais ce qu’il retient surtout des législatives, c’est l’unité nationale. « La nation mauricienne, dans son désir de changement, a montré sa volonté de voir un nouveau gouvernement, des institutions indépendantes et une gestion saine du pays. Elle s’est unie pour donner ce coup de pied au gouvernement sortant », dit-il.
Christian conclut avec un souhait : « J’espère que le nouveau gouvernement tiendra ses promesses. Beaucoup de gouvernements viennent avec de bonnes intentions, mais, en fin de compte, ils retombent dans les mêmes travers. Le peuple a voté pour le changement, mais la vraie question est de savoir si le nouveau gouvernement mettra en œuvre les réformes nécessaires. J’espère qu’il placera les besoins de la population au cœur de ses priorités. »
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