Les mannequins filiformes au teint parfait ne sont plus d'actualité. À l'étranger, de nombreuses marques mettent en avant la singularité des mannequins, notamment celle de Winnie Harlow, atteinte de vitiligo, une dépigmentation de la peau. À Maurice, Namrata Ramkorun, Damien Laventure, Elodie Totah ou encore Yashmini Hazareesingh figurent parmi ceux qui ne craignent plus les préjugés. Ils s'ouvrent au monde, s'assument, brisent les stéréotypes et souhaitent devenir ambassadeurs de cette maladie.
Namrata Ramkorun : « Je voulais vaincre ma timidité et montrer que je suis bien dans ma peau »
Namrata Ramkorun est enseignante en cycle secondaire et mannequin à temps partiel. Elle avait neuf ans quand la première tache blanche est apparue sur son visage. « J'ai eu droit à des remarques blessantes. De plus, des inconnus me dévisageaient dans la rue ou dans le bus », raconte-t-elle. Toutefois dans sa vie personnelle et professionnelle, Namrata a toujours bénéficié du soutien de ses proches, amis et collègues. « On ne m'a pas jugé à cause de ma peau, mais on m'a vu pour ce que je suis ». C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle a choisi de faire du mannequinat. « Je voulais vaincre ma timidité et montrer que je suis bien dans ma peau. Je suis en paix avec moi-même et suffisamment forte pour faire face à la caméra. Au début, comme c'était nouveau, je me demandais si j'étais faite pour ça ». Puis, malgré ses appréhensions, elle s'est lancée.
Les retombées ont été positives et les encouragements l'ont conforté dans son choix. « J'étais une source d'inspiration pour les autres. Le vitiligo n'est pas une fatalité. La couleur de notre peau ne nous définit pas. Libérez-vous et exploitez votre potentiel », lance-t-elle aux jeunes qui hésitent à s'afficher.
Elodie Totah : « Je souhaite lancer une agence de mannequinat vitiligo à Maurice »
Elodie Totah se sent bien dans sa peau malgré sa maladie. Cette femme entrepreneure et chef de cuisine de 26 ans s'est construite au fil des années et a fait du vitiligo sa singularité. Elle a découvert sa maladie à l'âge de 15 ans lorsqu’une première tâche a apparu autour de son œil.
Touchée par les moqueries, elle se faisait traiter de dalmatienne et de vache. « On me demandait même si de l'eau de Javel m'était tombée dessus », relate-t-elle. Soutenue par son entourage dans les moments les plus difficiles, elle décide d'arrêter le traitement à l'âge de 23 ans et devient végétalienne. « J'ai toujours été inspirée par le mannequin Winnie Harlow, d'où ma vision et mon souhait de lancer une agence avec des top-models atteints de vitiligo. Mon but est d'inspirer et aider ceux qui souffrent du regard des autres à avoir confiance en eux et de ne pas être jugé parce qu'ils sont différents ».
Elodie s'est beaucoup cachée derrière ses vêtements et avec un maquillage excessif. Mais aujourd'hui elle a changé : « Le vitiligo m'a donné une force de caractère, une tolérance à la différence, m’a aidé à avoir confiance en moi et a fait de moi une femme authentique. Quand je me suis affichée sur les réseaux sociaux, j'ai constaté que beaucoup de personnes ont trouvé que j’étais jolie. Psychologiquement, ce n'est pas facile de réussir à franchir le cap, mais ce n'est pas impossible », indique la jeune femme, pour qui la vie ne s'arrête pas à la maladie.
Yashmini Hazareesingh : « On peut faire du mannequinat tout en étant différente et belle »
Elle a fait du mannequinat pendant dix ans. Yashmini Hazareesingh a tout arrêté parce que son travail dans l'hôtellerie prenait trop de son temps. Il y a deux ans elle est diagnostiquée de vitiligo. « La première impression est toujours la bonne dans le domaine de l'hôtellerie et la confiance en soi prend un coup lorsqu'on voit son corps changer », confie Yashmini, 30 ans. D'ailleurs, le fait d'avoir détecté sa maladie à un âge plus mûr a facilité la phase d'acceptation de soi. « Si j'avais le vitiligo quand j'étais mannequin, je ne pense pas que j'aurais osé m'afficher, mais aujourd'hui je me sens plus forte. » Psychologie, hypnotherapeuthie, « energy healing », régime et suivi dans une clinique lui permettent maintenant de mieux s'accepter.
« La conscientisation est aussi importante. On peut faire du mannequinat tout en étant différente et belle. Nous sommes tous beaux à notre façon », confie Yashmini qui a été approchée récemment par une agence de mannequinat. « Pour s'afficher, il faut être prêt, car le revers de la médaille peut aussi toucher psychologiquement », explique Yashmini qui confie que le vitiligo a été une bénédiction pour elle.
Damien Laventure : « Il y a des manquements à Maurice pour que cette maladie soit enfin acceptée dans le monde du mannequinat »
« Si Winnie Harlow l’a fait pourquoi pas moi ? », s’est dit Damien Laventure. Ce dernier âgé de 27 ans a développé le vitiligo quand il avait 8 ans. Tant de fois jugé pour sa maladie, la vie était devenue un véritable enfer pour Damien, principalement en secondaire où les autres élèves l’ont affublé de divers noms. Si, à la base le mannequinat ne l’intéressait pas, car il faisait du sport, c'est en tombant sur la compétition Gold Face 2018 qu'il a voulu tenter l’aventure. « À cette époque déjà je m'acceptais et le regard des gens ne me faisait plus mal », relate-t-il. Nommé Gold Face 2018, il commence alors à sensibiliser et à aider les autres s'affichant comme « vitiligo model » et s'identifiant avec le hashtag #vitiligoguy. Aujourd’hui encore, Damien reçoit des messages de personnes atteintes de la maladie. Il les aide de son mieux et leur prodigue aussi des conseils. « Je n’ai pas eu les ressources nécessaires ni l’accompagnement dont j’avais besoin pour avoir plus d'impact.
Je sens qu’il y a des manquements à Maurice pour que cette maladie soit enfin acceptée dans le monde du mannequinat », indique Damien qui conseille de ne pas se laisser abattre par le regard des autres. « Ne cherchez pas à avoir la compassion des autres, car elle engendra de la négativité ou du dégoût. C’est votre vie, à vous de choisir : votre chemin, la perception des autres et si vous voulez être respecté », conclut-il.
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