Interview

Vishal Ragoobur, économiste : «La croissance à 4 % donnera confiance à tous les acteurs économiques»

Vishal Ragoobur

C’est avec une note positive que l’économiste Vishal Ragoobur dépeint la santé économique de Maurice en cette fin d’année 2018, mais il n’exclut pas la nécessité de prolonger la vie active au vu du taux de vieillissement de la population et de son impact sur le coût de la pension universelle.

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Quelle analyse faites-vous de l’état de l’économie mauricienne à décembre 2018 ? Avons-nous été résilients face aux défis dans les secteurs du textile et du sucre, entre autres ?
L’économie mauricienne est globalement assez résiliente. Les indicateurs macroéconomiques sont solides. La croissance est en hausse et se rapproche des 4 %, le taux d'inflation demeure faible et le chômage est en déclin constant. La performance de plusieurs secteurs de l’économie sont satisfaisantes, même si le textile et le sucre font face à de grands défis du marché international et demandent une attention particulière.

Le gouvernement vient d’annoncer le quantum de la compensation salariale pour 2019. Est-ce que la somme de Rs 400 vous paraît raisonnable ? L’organisation qui regroupe les PME, ainsi que celle des petits commerces, font ressortir qu’elles ne pourront pas payer cette somme additionnelle, car ni l’une ni l’autre ne sont très profitables…
Cela dépend dans quelle ligne nous nous situons. Les différents partenaires sociaux auront chacun leur propre lecture de la situation. Avec un taux d’inflation faible à 3,3 % et surtout inferieur à l’année précédente (3,7 % pour une compensation salariale de Rs 360 accordée en 2018), Rs 400 devraient être plus que raisonnables du point de vue des syndicats et salariés, d’autant que la compensation se traduit en une hausse effective de 4,4 % du salaire minimum. Pour des entreprises en difficulté financière, surtout des PME, ce sera peut-être une pilule dure à avaler. Compte tenu du coût total de la compensation pour l’économie, des gains en productivité seraient nécessaires pour permettre de maintenir notre compétitivité.

Pour des entreprises en difficulté financière, surtout des PME, la compensation salariale sera peut-être une pilule dure à avaler.»

MCB Focus fait porter à 4 % la croissance en 2019. Est-ce que ce chiffre est suffisant pour booster les affaires, relancer la consommation et redonner la confiance aux ménages ?
4 % me semblent être une barre psychologique qu’on devrait atteindre tôt ou tard. Mais la hausse de la croissance ne sera que marginale. On ne devrait pas s’attendre à un «miracle économique». Cela dit, dans un contexte international demeurant fragile, pouvoir porter la croissance à 4 % donnera certainement confiance à tous les acteurs économiques.

Un certain nombre d’hommes d’affaires mauriciens font ressortir que l’économie de Maurice reste encore trop concentrée entre les mains de quelques familles historiques. Est-ce vraiment le cas ?
Oui, c’est le cas mais il faut se rappeler que 1 % des personnes les plus riches de la planète détiennent la moitié de la richesse mondiale. L’inégalité grandissante est un phénomène global et les risques de débalancements sociaux sont réels. C’est pourquoi il est essentiel de promouvoir la justice sociale et l’égalité des chances et de redoubler d’effort afin d’œuvrer pour une société plus équitable et inclusive. Et là, les entreprises, surtout les multinationales et grands groupes, peuvent apporter des changements positifs en adoptant de véritables modèles d’entreprises durables intégrant dans leurs chaînes de valeurs et leurs pratiques des politiques et valeurs de la responsabilité sociale et environnementale.

L’alliance MSM/ML, à travers certains de ses dirigeants, a promis une augmentation de la pension de retraite. Sommes-nous entrés dans une ère de la surenchère à une année de l’échéance des législatives? Est-ce-que le gouvernement a les moyens de payer, compte tenu du taux de vieillissement de la population de Maurice ?
Le régime universel de la pension de retraite offre une protection sociale inestimable aux personnes âgées à Maurice. Il n’est pas étonnant que l’augmentation de la pension de retraite fasse l’objet de promesse électorale. Mais face au défi du vieillissement de la population, un gouvernement responsable devra aussi énoncer une stratégie claire et crédible pour assurer la viabilité à long terme de notre système de pension et des finances publiques. De plus, il sera nécessaire qu'un nombre plus élevé de personnes travaillent et prolongent leur vie active.

Il n’est pas étonnant que l’augmentation de la pension de retraite fasse l’objet de promesse électorale.»

Est-ce que l’Economic Development Board (EDB) a donné de bons signaux de relance de notre économie depuis sa création ?
L’EDB est une jeune institution. L’équipe de direction de l’organisme se met en place. Il faut lui donner le temps pour faire ses preuves. La fusion de plusieurs institutions apportera certainement beaucoup plus de cohérence et d’efficacité en matière de stratégie de promotion de l’investissement, de l’exportation et des services financiers. À la fin, tout reposera sur la qualité de son effectif et de sa gestion. 

Est-ce que la recherche des marchés extérieurs, en Afrique notamment, donne-t-elle des résultats ? Est-ce que nos investisseurs connaissent-ils les réalités africaines dans ses spécificités ?
Les résultats des efforts de diversification de marché demeurent, à ce stade, relativement timides.  Je dirais que notre dépendance sur les marchés traditionnels perdure. L’Afrique représente un potentiel certain mais l’accès à ce marché est difficile. Des problèmes de connectivité, de logistique, d’instabilité et d’insécurité, en particulier dans certains pays, le manque d’intelligence de marché et la forte concurrence des présences sud-africaines et chinoises sont autant de facteurs parmi d’autres qui freinent la percée de nos entreprises en Afrique. 

Quels sont les défis auxquels est confronté le gouvernement mauricien?
Étant un petit état insulaire en voie de développement, nous sommes entièrement dépendants de la situation économique mondiale. Le défi majeur à relever est certainement celle de la compétitivité. Cela nécessite, entre autres, des réformes des systèmes institutionnels, pour apporter plus d’efficacité, de coordination et de cohérence dans la mise en œuvre des stratégies et actions gouvernementales.   

 

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