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Violence domestique : l’efficacité du Protection Order décortiquée

De gauche à droite - Me Reena Ramdin et Me Lovena Sowkhee De gauche à droite - Me Reena Ramdin et Me Lovena Sowkhee

Énième cas de violence domestique. Swapna Ibrahim Dawood, 32 ans, a été tuée par son époux Burkatally, 37 ans. Pourtant, elle avait obtenu un « Protection Order » contre lui. Mes Reena Ramdin et Lovena Sowkhee expliquent les limites de cette ordonnance.  

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Elle s’appelait Swapna Ibrahim Dawood et était mère de trois enfants. Son corps a été retrouvé sur un terrain en friche à Grand-Baie. Il s’avère, selon ses proches, qu’elle avait déjà obtenu un Protection Order contre son époux violent, Burkatally Ibrahim Dawood. Le 5 octobre 2023, il a été arrêté et a avoué avoir tué la victime par jalousie. Au bout de 15 ans de vie commune marquée par la violence, la victime voulait refaire sa vie.

Il ressort que près de 3 000 cas de violence domestique sont enregistrés chaque année. Et la grande majorité des victimes détient un Protection Order.

Protection pénale

Me Reena Ramdin explique que la protection pénale est la première protection que la loi offre à toute victime de violence domestique. Il est nécessaire que toute victime fasse une plainte formelle à cet effet à la police, et non une « precautionary measure », précise-t-elle.

Les policiers seront ainsi tenus de contacter l’auteur présumé de violence domestique et devront enclencher les mesures légales nécessaires à cet effet. « Une déposition peut avoir un effet dissuasif et agir comme un frein aux futures violences domestiques, mais pas dans tous les cas. D’où la nécessité pour la victime de demander un Protection Order, qui est une autre protection qu’offre la loi aux victimes de violence domestique », souligne Me Reena Ramdin.

Pour Me Lovena Sowkhee, le recours à l’ordonnance de protection fonctionne. Toutefois, concède-t-elle, le système a ses limites. « Ce qui se passe, c’est qu’une fois une plainte déposée à la police par une victime, l’agresseur est arrêté et par la suite relâché sous caution. Et il revient vivre sous le même toit que la victime. Par peur de représailles, celle-ci va quitter le foyer conjugal pour aller vivre ailleurs, soit chez ses parents », explique-t-elle.

Ce que propose le ministère, c’est d’aller vivre dans un refuge (« shelter »), poursuit Me Lovena Sowkhee. « Mais pourquoi est-ce aux victimes de quitter la maison pour aller vivre dans un refuge ? Quand on connaît les conditions de vie dans un refuge, ce n’est pas une situation facile, surtout si l’épouse doit emmener avec elle ses enfants. »

Arsenal juridique

En ce qui concerne l’arsenal juridique contre la violence domestique, Me Reena Ramdin explique que la loi de 1997 relative à la protection contre la violence domestique prévoit non seulement une ordonnance de protection, mais aussi une ordonnance d’occupation (Occupation Order) ou une ordonnance de location (Tenancy Order).

Le problème, selon Me Lovena Sowkhee, est que ceux qui ne respectent pas une ordonnance de protection s’en tirent souvent avec une simple amende. « La victime peut alors demander l’assistance de la police. Mais quel type d’assistance la police peut-elle offrir dans ce cas-là ? J’ai eu un cas où un policier m’a répondu qu’il n’avait pas assez de personnel pour assurer une surveillance constante. Il pouvait uniquement proposer de patrouiller de temps en temps la résidence de celle-ci », déclare Me Lovena Sowkhee.

Occupation Order / Tenancy Order

L’ordonnance d’occupation est une demande pour l’usage exclusif du logement si ce bien appartient à la victime ou au défendeur. Si le logement est un bien loué, la victime peut faire une demande pour une ordonnance de location, c’est-à-dire pour avoir le droit exclusif d’occuper cette maison louée.

Cependant, selon Me Lovena Sowkhee, « c’est très difficile d’obtenir une ordonnance d’occupation devant un tribunal de district. De plus, il n’y a pas assez de demandes en ce sens ».

Le bracelet électronique

Me Reena Ramdin observe que l’imposition de bracelets électroniques aux auteurs de violence conjugale fait débat ces dernières années sur le plan international. Certains pays l’ont déjà adopté et auraient constaté une chute de cas de violence domestique.

Il s’agirait d’un bracelet antirapprochement muni d’un système de géolocalisation qui signalerait à la victime et aux autorités le rapprochement physique de l’accusé envers la victime. Ce système serait cependant limité à une certaine période ordonnée par la Cour. La récidive reste donc possible lors de l’expiration du terme d’imposition de ce bracelet. Ne faudrait-il donc pas, en parallèle, adresser le problème en amont, s’interroge l’avocate.

Pour éviter la récidive, il serait, à son avis, nécessaire que la loi prévoie l’imposition par la Cour de sessions de counseling d’au moins six mois pour tout auteur de violence domestique, menées par le ministère concerné et délivrées en collégialité par des policiers, des psychologues et des représentants dudit ministère.

Quant à Me Lovena Sowkhee, elle estime que l’usage du bracelet électronique est la clef. « C’est triste de relancer le débat sur le bracelet électronique après la mort d’une femme, qui avait pourtant obtenu un Protection order. Combien de vies auraient pu être sauvées. Il est temps de mettre à contribution la technologie pour protéger les victimes de violence conjugale », martèle l’avocate.

Il faut aussi sensibiliser contre la violence domestique à travers des campagnes, notamment dans les écoles et collèges. « Il faut apprendre aux jeunes garçons et filles le respect et aussi les conséquences du non-respect des lois. »

Me Lovena Sowkhee préconise également que les officiers du ministère soient encouragés à recourir à l’Occupation Order. Les tribunaux doivent aussi également être plus enclins à accorder ce genre d’ordonnance car seul un ordre de la Cour obligera l’agresseur à quitter la demeure, insiste-t-elle. « La loi en elle-même a fait ses preuves. Le problème réside dans l’application de la loi. »


Les étapes pour une demande de Protection Order

Selon la loi, toute personne victime de violence domestique et qui estime qu’il y a un risque sérieux de récidive, est habilitée à saisir la cour de district pour demander une ordonnance de protection. La violence domestique peut être sous la forme de violences physiques, psychologiques et émotionnelles. Cela peut comprendre une atteinte aux biens de la victime.

Une demande de Protection Order est une mesure urgente et ex-parte (en l’absence de l’agresseur présumé), explique Me Reena Ramdin. Ladite demande est présentée par la victime, qui doit jurer un affidavit où elle relatera les faits constituant les violences domestiques tels qu’ils se sont déroulés. Cette demande devra être déposée auprès de la cour de district où habite l’auteur présumé des violences, c’est-à-dire, le défendeur, ou de la cour de district du lieu où se trouve la victime.

Le magistrat émettra dans un premier temps un Interim Protection Order, qui visera de manière temporaire à protéger la victime présumée. Cela, en attendant que les documents relatifs à la demande soient servis par l’huissier sur le défendeur. Celui-ci devra alors se présenter pour donner sa version des faits devant la Cour à une date fixée pour l’audience.

À l’issue de l’audience, le magistrat, après avoir écouté la version des deux parties, pourra prononcer un Permanent Protection Order, s’il estime que la victime est crédible et qu’il y a eu des actes de violence réels à son encontre et qu’il y a un risque réel que ces actes se reproduisent.

Cet ordre peut être d’une durée de deux ans et vise à restreindre la liberté du défendeur de se rapprocher physiquement et psychologiquement de la victime et/ou de ses biens. Par exemple, l’obligation pour le défendeur de se tenir à une distance de 10 mètres de la victime, l’interdiction au défendeur de contacter la victime, entre autres.

Les sanctions

  • Toute personne qui omet volontairement de se conformer à un Protection Order commet un délit.
  • Lors d’une première condamnation, elle risque une amende n’excédant pas Rs 50 000 et une peine d’emprisonnement ne dépassant pas un an.
  • Lors d’une deuxième condamnation, elle encourt une amende n’excédant pas Rs 100 000 et une peine d’emprisonnement ne dépassant pas deux ans.
  • Lors d’une troisième condamnation ou d’une condamnation ultérieure, une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans.

Vers quelle autorité doit se tourner une victime ?

La Family Welfare and Protection Unit (FWPU) a été créée en juillet 2003 afin de mettre en œuvre des programmes et des mesures pour gérer les problèmes liés à la violence domestique basée sur le genre. La FWPU est placée sous l’égide du ministère de l’Égalité des genres, du développement de l’enfant et du bien-être familial.

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