Marie Jenny Telcide, 34 ans, est accusée d’avoir mortellement poignardé son époux Kurt Telcide l’année dernière. Aujourd’hui, elle revient sur ce jour fatidique et raconte comment sa vie a basculé. Entre détention et séparation, elle veut se battre pour obtenir justice.
C’est un fait divers qui a fait couler beaucoup d’encre. « Une femme poignarde son époux et il rend l’âme », rapportent les médias en août de l’année dernière. Elle plaide la légitime défense, certains estiment qu’elle est monstrueuse, d’autres pensent qu’elle est une femme-martyr. Aujourd’hui, après quelques mois en détention, Marie Jenny Telcide, 34 ans, est en liberté conditionnelle et se bat pour obtenir la garde de ses enfants.
Le drame s’est produit le 10 août 2017. Ce jour-là, lors d’une énième bagarre conjugale, Jenny et son mari en arrivent aux mains. « Il a plusieurs fois menacé de me tuer et, ce jour-là, alors qu’on était séparés, il est entré dans la cuisine, a renversé le riz, a pris une casserole d’eau chaude pour la renverser sur moi et a pris un gros couteau en menaçant de me tuer. Je découpais du poulet et j’avais aussi un couteau à la main et, alors qu’il m’a traînée dehors et me frappais, j’essayais de l’en empêcher, quand nous sommes tous les deux tombés. Je l’ai entendu crier. J’étais sur lui et j’avais la main en sang. C’était un accident », raconte-t-elle. « Il s’est par la suite relevé et est reparti en voiture pendant que je me cachais ». L'homme est mort dix jours plus tard.
Selon la jeune femme, aucun voisin n’a osé venir voir ce qui se passait, car ce n’était pas la première fois qu’elle était battue par son mari. « Quand nous nous sommes rencontrés, il y a 11 ans, il avait 17 ans et moi 22 ans, je suis allée habiter avec lui chez sa mère à la demande de cette dernière, le jour où il a menacé de se suicider devant chez nous si je le quittais ». Toujours selon la jeune femme, les problèmes ont alors surgi : « Ma belle-mère ne supportait pas cette relation, souvent elle nous chassait de chez elle. » Le couple décide alors d’aller vivre à Rodrigues. Ils y vivaient bien jusqu’au jour où elle est devenue femme battue.
Jenny travaillait alors dans un centre d’appels et, un 31 janvier, jour de l’anniversaire de son mari, ce dernier voulait à tout prix qu’elle rentre plus tôt à la maison. « Je ne pouvais pas. Il est alors venu me chercher au travail et m’a giflée. Par la suite, il a quitté la maison pour aller vivre chez une amie de sa mère. Quelque temps plus tard, il est retourné à Maurice avec notre enfant. J’ai alors appris qu’il travaillait comme ‘bouncer’. J’étais enceinte et j’ai pensé à ma famille ». Cependant, son mari ne revient pas à de meilleurs sentiments.
« J’étais une servante »
Elle revient habiter chez sa belle-maman : « Il était violent. Il me battait devant la famille et personne n’osait intervenir. Je faisais tout : le ménage, le lit, je lavais le linge de toute la famille. Mon mari aimait que je lui serve à manger à table, que je lui donne une autre cuillère s’il n’aimait pas celle que je lui avais remise. J’étais une servante mais je voulais plaire à ma belle-mère ».
Puis, un jour, son mari la bat à nouveau parce qu’elle ne l’a pas servi à manger. « Mo pann donn li manze dan so lame. Linn bien bat mwa. Monn sove, monn al casiet derryerr enn loto kase. Linn resi trouv mwa. Linn obliz mwa rant dan loto pou retourn lakaz. Devan laport linn kriye mo boperr. Zot inn trap mo de lipie ek mo de lame zot inn met mwa andan par fors. Mo boperr ousi perr so garson. » Elle raconte que ce sont les voisins qui ont appelé la police. Elle a alors été placée avec ses enfants à SOS Femmes.
« Il menaçait de se suicider »
Deux semaines plus tard, le mari y démarque avec son beau-père et la supplie de rentrer. Il avait un couteau avec lui et menaçait de se tuer. « Il était en larmes. Je l’ai cru. Malheureusement, il a recommencé. J’ai fait plusieurs dépositions à la police, demandé des Protection Orders, mais il recommençait. Il emmenait des femmes à la maison et me battait devant elles. Il m’humiliait. Si le repas n’était pas à son goût, il me frappait. Si je m’asseyais sur le fauteuil qu’il avait acheté, il me frappait. Pourtant, je ne pouvais me résoudre à le quitter. Je l’aimais. Je priais et espérais qu’il allait changer ».
Malheureusement, Kurt est décédé et aujourd’hui, toute sa vie a basculé. « C’est dur d’entendre dire que vous êtes responsable de la mort de la personne que vous aimez. Ce n’est pas une douleur au quotidien. Non c’est un poids qui vous pèse chaque heure, chaque minute. De plus, mes enfants m’ont été arrachés. Alors que j’avais donné mon accord pour que ces derniers restent chez la grand-mère paternelle, car elle avait affirmé qu’elle prendrait soin d’eux jusqu’à mon retour.» Selon Jenny, « la belle-mère a utilisé les enfants contre moi et elle m’empêche de les voir, affirmant qu’ils sont des témoins de ce qui s’est passé ce jour-là. Depuis, c’est une vraie bataille juridique que je mène. Je ne vois plus mes enfants, sauf le bébé que je peux voir tous les vendredis au bureau de la Child Development Unit. Je sais que ma belle-mère les manipule contre moi, mais je ne lui en veux pas »
Elle souhaite s’entendre avec sa belle-mère : « Mon beau-père me soutient, car il sait à quel point j’ai souffert. Quant à ma belle-mère, je souhaite lui demander pardon. Je sais qu’elle souffre ».
Jenny espère surtout de tout cœur être à nouveau avec ses enfants. C’est maintenant à la cour d’en décider. Quant à l’accusation retenue contre elle, elle désespère de pouvoir trouver des hommes de loi pour lui venir en aide.
Mme Telcide, sa belle-mère : «Je n’ai aucune objection, c’est à la justice de trancher»
Sollicitée pour une réaction, la belle-mère de Jenny avance qu’elle n’a jamais objecté à ce que les enfants soient avec leur mère. Cependant, elle explique que ce sont ces derniers qui refusent de la voir : « Mo less la cour deside. Me ban zanfan la per. Zot ti la kan sa inn arive. Zot per li ». Elle explique ne plus vouloir voir Jenny : « Je souffre toujours. C’est moi qui ai perdu mon fils. Certes, je sais qu’elle était une femme battue, mon fils n’était pas un saint, mais elle ne cessait de le provoquer. Enn fam kone kan so mari bwar li bizin pa provok li. Mo garson ti get li bien, li ti kouma enn la prinses ek li ti siplye retourn ek li. Me ban Protection Orders la sa li ti pe demann sa zis pou mo garson pa kit li ». Elle avoue également ne pas avoir approuvé cette relation depuis le début : « Mo zanfan ti ena 17 ans kan linn kokin li linn ale, si mo ti pli prezan dan zot menaz, kitfwa zordi li pa ti pou resi pran mo garson net ».
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