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Violence domestique : ces hommes battus qui se taisent

Ils sont considérés comme les oubliés de la violence domestique. Car la violence faite aux  femmes est plus souvent dénoncée. Selon une récente étude parrainée par le ministère de l’Égalité des genres, 7,48 % des victimes de violence domestique sont des hommes. Pourquoi acceptent-ils de souffrir en silence ?

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Le ministère de l’Égalité des genres a mené une étude dont les conclusions ont été avalisées en mai 2016. Il en ressort que 7,48 % des victimes de violence domestique sont des hommes. Sauf que ces chiffres ne reflèteraient pas la réalité. Cette réalité, on est loin de la connaître car ces hommes on ne les entend pas. Ils sont pourtant assis à côté de nous au bureau, ils prennent le même autobus ou ils se retrouvent dans la même soirée lors d’un événement. Bref, ils sont autour de nous mais ils font le choix de se taire.

« On ne veut pas que les gens sachent », lâche  Kevin J., un informaticien de 34 ans qui exerce dans une firme privée. Il a dû, plusieurs fois, passer la nuit dans le véhicule mis à sa disposition par son employeur. Puis il a fini par se confier à une collègue : « Ti pli fasil pou rakont sa enn fam », avoue-t-il, disant qu’il craint d’être la risée de tous ses collègues.

Kevin est marié depuis cinq ans. Tout a commencé quand ses horaires de travail ont changé. Sa femme n’était pas d’accord avec ce changement. « Elle m’a dit de ne pas accepter mais je n’avais pas le choix. Elle a commencé à devenir méfiante. À chaque fois que je rentrais à la maison, elle me demandait mon téléphone portable et me mitraillait de questions. » Les cris et les disputes ont rapidement laissé place à la violence et aux agressions : « Quand je l’empêchais de prendre mon cellulaire, cela la rendait verte de colère. Elle devient incontrôlable. Elle m’arrache les vêtements. Elle se met tellement à hurler. »

« Difficile de pousser cette porte »

Kevin, qui est très bien renseigné sur les lois, est passé devant le bureau de la Family Protection Unit le plus proche de son domicile. « Mais j’ai trouvé très difficile de pousser cette porte. Je n’ai finalement jamais eu le courage de le faire. »

Pour beaucoup d’hommes battus, cette porte, ce bâtiment et ces officiers du ministère de l’Égalité des genres représentent un défi trop grand à relever. « C’est vrai. C’est pour cela qu’aujourd’hui, la hotline 139 est gratuite. N’importe qui peut nous appeler pour chercher des conseils, surtout quand il ne veut pas venir en personne. Nous faisons tout pour que les hommes ne se sentent pas exclus. Nos services leur sont aussi destinés », souligne un préposé du ministère.

Eric Paul a, lui, déjà essayé la hotline. Mais, dit-il, « sak fwa zis madam mem ki pe reponn ». Il a eu honte et a raccroché. « Ce serait bien qu’on puisse se confier à un homme. » Aujourd’hui, il ne veut plus en parler…

Me Melany Nagen, avocate  :  «Il y a la loi et l’application de la loi»

Il est clair, selon l’avocate Melany Nagen, que sur le plan légal, toute personne victime de violence domestique est bien protégée à Maurice. Les amendements apportés à la « Protection from Domestic Violence Act » protègent aussi bien les hommes que les femmes. « Les derniers amendements apportés en mai 2016 ont pour objectif de renforcer les lois et de protéger toutes les victimes de violence domestique. Les hommes sont plus souvent confrontés à la violence verbale. Mais  aujourd’hui, cela est considéré comme un délit sous cette loi. Cette loi ne protège pas uniquement les couples mariés. » Me Melany Nagen explique que la loi prévoit une amende qui ne dépasse pas la somme de Rs 50 000 lorsque l’accusé(e) est trouvé(e) coupable la première fois. Si la personne récidive, elle sera passible d’une amende ne dépassant pas Rs 100 000 et d’une peine d’emprisonnement ne dépassant pas deux ans. Pour la troisième fois, il ou elle sera condamné(e) à une peine de prison ne dépassant pas cinq ans, selon la gravité du délit. « Il y a la loi et l’application de la loi. Malheureusement, nous souffrons beaucoup du regard des autres et tant qu’il n’y aura pas un changement de mentalité, les hommes continueront à souffrir, peu importent les lois en vigueur. »

Jonathan, 36 ans : «Ma femme me fait peur»

« Elle me mord, elle me frappe et elle menace de mettre le feu à la maison. Ma femme me fait peur. » Jonathan ne baisse toutefois pas les bras. Il veut sortir de ce lieu infernal, mais il a un problème : « J’aime ma femme. » Jonathan pense qu’il arrivera à régler le problème. Pour lui, il est hors de question de faire du mal à son épouse : « Elle est capable de tout. Je ne peux rien faire contre elle. » Jonathan dit qu’il a porté plainte plusieurs fois contre elle. « Cependant, c’est moi qui ai été arrêté. Je ne comprends plus rien », confie-t-il.

Ben, 29 ans : «Elle ne cesse de me harceler»

« Jamais ma femme n’a levé la main sur moi. Mais je peux vous dire qu’elle est bien trop forte pour moi », confie Ben qui est séparé de sa compagne depuis quelques mois.  « Aujourd’hui, elle ne cesse de me harceler même si nous sommes déjà séparés. »

Sentant que son couple ne fonctionnait pas, il a décidé de mettre un terme à cette relation: «  Elle était d’une jalousie maladive. Devant mes proches ou mes collègues de travail, elle n’hésitait pas à faire un scandale et un jour je suis parti. Elle l’a très mal digéré. Elle est donc venue chez moi et a mis le feu à mes vêtements. Par la suite, elle a appelé tous mes proches pour leur dire du mal de moi. Elle se faisait toujours passer pour une victime. Le pire c’est qu’elle a aussi contacté mon employeur pour lui raconter des choses horribles. »
Ben estime qu’une femme n’a pas besoin de frapper pour faire mal : « Pendant des mois, j’avais peur de dormir. J’étais très inquiet de ce qui allait se passer le lendemain. Sur mon téléphone portable, je ne recevais que des messages de haine. » Ben a également été menacé : « J’ai dû porter plainte contre elle car dans un de ses messages elle m’accusait de violence sexuelle. Bref, j’ai vécu un calvaire et parfois je me demande si je n’aurais pas préféré recevoir des coups. »


 

Questions à …  Darmen Appadoo, président de SOS Papa : «Les femmes utilisent les enfants comme armes»

7,48 % des victimes de violence domestique sont des hommes. Que démontrent ces chiffres ?
Tout d’abord, ces chiffres prouvent qu’il existe des hommes battus. Ils démontrent aussi qu’il y a une hausse du nombre de ces victimes. Mais ce n’est pas tout. Ces hommes sont encore plus nombreux mais ne veulent pas en parler. Ce que ces chiffres ne disent pas, en revanche, c’est le nombre des autres victimes de violence domestique.

Aujourd’hui, les hommes qui sont touchés ne sont pas uniquement ceux qui subissent des coups et des agressions verbales. Il y a aussi ceux qui sont injustement accusés par leurs femmes ou ex-conjointes en signe de vengeance. Savez-vous dans combien de cas de divorce, le père est accusé par son ex-compagne d’attouchements sexuels sur l’enfant ? Cela n’est qu’une ruse pour le punir en le séparant de ses enfants. Que se passe-t-il donc quand finalement on découvre que ce n’est pas vrai. Rien ! Les femmes utilisent les enfants comme des armes. À trop vouloir protéger les femmes, les hommes sont tous devenus des criminels. C’est alarmant !

Mais les institutions protègent aussi bien les hommes que les femmes…
Le système ne prône aucune impartialité. On fait des lois pour les femmes contre les hommes, sans nous consulter. Nous n’avons pas notre mot à dire. La majorité de ces lois ont été décidées par des femmes. Alors où est l’égalité des sexes ? Personne ne mérite de subir la violence, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. Si l’État lui-même discrimine, on ne doit pas s’attendre à un respect mutuel entre les deux sexes. Quant au ministère de l’Égalité des genres, l’espace d’accueil pour les hommes y est totalement inexistant.

Quel message voulez-vous adresser aux hommes qui souffrent en silence ?
Je leur demande de ne pas rester isolés. Ils doivent se regrouper. C’est en s’épaulant qu’on pourra militer pour le respect de nos droits. Au niveau de SOS Papa, nous sommes encadrés de professionnels du domaine légal pour travailler sur des propositions.


Statistiques

Le tableau ci-dessous montre le nombre de cas de violence envers les hommes enregistrés de 1999 à 2016 au Family Support Bureau.

     Année Hommes
1999 66
2000 37
2001 41
2002 47
2003 106
2004 143
2005 54
2006 65
2007 227
2008 287
2009 325
2010 263
2011 195
2012 214
2013 176
2014 174
2015 174
2016 (Juin) 123

 

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