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Violées… par leur fils 

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Depuis janvier 2021, la police a enregistré deux cas de mères violées par leur fils. Un des agresseurs était sous l’influence de l’alcool et l’autre avait consommé de la drogue synthétique. Dans le passé, il y a eu d’autres mères qui ont été agressées par leur fils. Certaines d’entre elles se sont même donné la mort par peur ou par honte, face au regard des autres. D’autres, plus courageuses, ont dénoncé leur propre enfant. Comment briser le silence et les aider à sortir de ce calvaire ? Le point dans ce dossier.


Elena* : « Landime, monn trouv mo garson ek mwa touni lor lili »

Dans un village de l’ouest, on rencontre Elena* (prénom fictif) qui réside dans une petite maison en tôle, sans électricité ni eau potable. Cet abri témoigne de la précarité dans laquelle cette mère de 43 ans et ses quatre enfants vivent depuis des années. Son mari et elle, tous deux alcooliques, sont pêcheurs, mais Elena prend rarement le large. Sa santé s’est détériorée depuis qu’elle a sombré dans l’alcoolisme.  Son fils de 17 ans et sa fille de 11 ans ne sont pas scolarisés. Ils trainent les rues matin et soir pour trouver à manger ici et là. Quant à sa fille de 22 ans, elle a quitté le toit familial l’an dernier juste après que sa mère a été violée par son deuxième frère. Selon la victime, ce même fils, accro à la drogue synthétique, l’aurait violé récemment. 

Pour connaitre le fin mot de l’histoire, on s’est adressé à un travailleur social qui connait la famille, car Elena est constamment dans un état de confusion. « Selon certaines rumeurs, elle a été violée à deux reprises par son fils de 19 ans.  Ce dernier aurait même abusé de sa fille ainée tout juste après. Elena  était ivre morte lorsque son fils est passé à l’acte pour la deuxième fois », relate-t-il. Dans un de ses moments rares de lucidité, la mère de famille confie : « Mo ti dan soulaison. Landime kan monn leve, monn trouv li ek mwa touni lor lili ».  À son réveil, elle a compris ce qui s’est passé la veille, mais comme la plupart du temps, elle est ivre morte, elle semble ne pas s’inquiéter de tout ce qui se passe.  D’ailleurs, elle n’a pas dénoncé son fils à la police. Quand on demande la raison au travailleur social, ce dernier explique que dans cette maison, chacun vit l’un sur l’autre. « L’environnement, le fait que le fils est accro à la drogue synthétique, ajouté à cela que la victime est alcoolique, elle subit en silence et parfois, elle n’est pas consciente de ce qui lui arrive. Si elle vient vers nous, nous pourrons l’aider du mieux possible, mais tout dépend d’elle », dit-il.

Deux faces

Au niveau de l’agresseur, selon le travailleur social, quand il travaille, il n’a pas de problèmes : « Il trouve à manger pour sa famille et s’occupe aussi de sa mère malade. C’est lui qui l’emmène pour des traitements à l’hôpital, entre autres. Mais lorsqu’il consomme de la drogue synthétique, il change du tout au tout ». La famille d’Elena s’adresse à eux souvent pour demander des vivres et « on essaye de les aider autant que possible. Pour l’accompagner et les aider à sortir de la précarité, nous lui avons donné des poules, mais elles les ont toutes mangées. Cette famille  semble ne pas vouloir s’en sortir », ajoute notre interlocuteur. Ce dernier fait remarquer qu’il y a d’autres familles comme celle d’Elena qui vivent dans des conditions similaires et qui refusent d’être aidées par des ONG. 

« Enn cercle ki diffisil pou aide sa. Pou zott pena lundi, mardi ni okenn zour. Zot nek bambam. Pas guet zafan. Pas fer nanien. Nek kan zot gagn faim zot vin guet nou. Pas souvan nu kav aid zot. Si zot ena Rs 50 zordi, zot pas pou gard Rs 10 pou demain. Zott viv au jour le jour ek sa continue kumsa mem ». De par leur manque de volonté, ces familles semblent se résigner à leur vie précaire. Le travailleur social indique avoir remarqué qu’outre l’alcoolisme et la drogue synthétique, actuellement c’est la prostitution qui touche de manière dramatique les quartiers défavorisés. Les adolescents comme les adultes sont concernés par ce phénomène.


Anita*: « Line vire moi apres line bouss mo la bouss »

Âgée de 39 ans, Anita* (prénom modifié) habite un village de l’est. Son fils de 16 ans a tenté de la violer dans la soirée du 27 juin 2020. Elle a surmonté sa peur et a porté plainte contre lui au poste de police de Flacq aux petites heures du 28 juillet dernier. Anita a expliqué aux enquêteurs qu’elle se dirigeait vers la salle de bain pour prendre sa douche lorsqu’elle a senti la présence d’un individu. Quand elle a été poussée contre le mur, elle a été horrifiée de voir qu’il s’agissait de son propre fils. 

Ce dernier, sous l’influence de la drogue synthétique, voulait l’agresser sexuellement.  « Line vire moi apres line bouss mo la bouss », confie la victime. Quand elle a crié, son mari est venu, muni d’un gourdin et a roué de coups leurs fils. Ce dernier, blessé, a été transporté à l’hôpital Bruno Cheong, à Flacq. 

Une enquête est en cours, mais ce n’est pas la première fois que le fils agresse sa mère. En effet, en août 2020, durant un dimanche soir, l’adolescent, sous l’influence de la drogue,  a projeté sa propre mère sur le lit. Il l’a ensuite violé et sodomisé, malgré la présence de son père dans la maison qui s’était endormi après une partie de beuverie. À cette époque, son époux et elle avaient décidé de ne pas porter plainte pour éviter des ennuis à leurs fils.

« …Inn trouv garson la pe fer kitsoz ek so mama » 

Le dimanche 20 juin, une femme de 89 ans a été violée par son fils de 55 ans à son domicile, à Résidence Malherbes. Une agression qui donne froid dans le dos. Ce sont les cris de détresse de la victime qui a donné l’alerte aux voisins. Ces derniers se sont précipités sur les lieux où le suspect a été surpris dans une position compromettante. Il a pris la fuite, mais peu après, il a été rattrapé par la police. Le même jour, l’octogénaire a été admise à l’hôpital Victoria. La police d’Eau-Coulée s’est saisie de l’enquête. 

La victime, qui a des problèmes de santé, vit en compagnie de son fils. « Voisin ine tend crier, kan linn rentre ine truv garçon la pe fer kitsoz ek so mama », confie une de ses proches. Selon elle, l’agresseur a pris la responsabilité de sa mère et dans le passé, il a multiplié les menaces à son égard.  « Il est alcoolique et il enferme souvent sa mère dans la maison et met des cadenas aux portes », laisse-t-on entendre. Un autre voisin relate que le fils avait une bouteille d’alcool bleu « dan so la main ek li ti pe boir ca. Kan guet li kuma dir pan ariv narien », confie-t-il. 

Cette dernière, sur son lit d’hôpital, a affirmé qu’elle ne compte plus revenir vivre dans la maison. Toute sa famille est sous le choc.


Inspecteur Siva Coothen du Police Press Office : « Appuyez sur le bouton de panique de l’application Lespwar et la police interviendra en moins de temps » 

Inspecteur Siva Coothen.
Inspecteur Siva Coothen.

En général, les cas de viol de mères par leur fils sont rares. Le plus souvent, la police reçoit des plaintes de femmes victimes de violence domestique par leurs fils. Mais, hélas, depuis le mois de janvier, elle a enregistré deux viols et les présumés coupables sont en détention policière et les enquêtes sont en cours. C’est ce qu’a indiqué l’Inspecteur Siva Coothen du Police Press Office. 

Il a expliqué que les victimes doivent informer au plus vite la police pour dénoncer leurs agresseurs. Ce n’est qu’ainsi que la prévention peut se faire à ce niveau. « En revanche, si une personne subit en silence, la situation va s’aggraver au fur et à mesure. Mais si les victimes rapportent les cas, cela permettra aux autorités de réhabiliter les coupables et éviter que ces derniers récidivent. Quand une victime informe la police, un Protection Order sera émis pour assurer sa sécurité et la police procèdera à l’arrestation du suspect qui sera par la suite traduit en cours pour les charges retenues contre lui », renchérit-il. Ce dernier explique qu’il y a une application Lespwar,  mise en place par le ministère de l’Égalité des Genres en collaboration avec la police. L’application est  dotée d’un « panic button » qui est d’une grande aide pour les femmes en détresse. « Nous encourageons les victimes de tout type de violence à l’utiliser. Les officiers de police ou les officiers de ce ministère interviendront pour toute assistance requise », ajoute l’inspecteur. 

Quel est le soutien proposé aux mères violées par leur fils ? 
Une fois la requête faite, la police procèdera à la prise en charge de la victime et à l’arrestation du suspect le plus vite possible. « Nous prenons la déposition de la victime qui sera conduite à l’hôpital pour des soins. Le suspect sera interrogé et placé en détention policière. La victime et l’agresseur seront soumis à un examen médical par le médecin de la police qui compilera un rapport qui sera ensuite soumis au magistrat en cour. Celui-ci se basera sur les évidences fournies par la poursuite et décidera de la marche à suivre par rapport à l’offense commise », indique-t-il. 

Quant à la charge retenue contre l’agresseur et dans le cas précis de viol d’une mère par son fils, il s’agira de « sexual intercourse with a specified person ». Et il rappelle que la loi interdit toute relation sexuelle même consentie entre des personnes ayant un lien de parenté et que les personnes concernées risquent la prison en cas de tel délit. En ce qu’il s’agit des facteurs engendrant les viols des mères par leurs fils, il soutient que souvent ce sont l’alcool, la drogue, les prédateurs sexuels et la consommation d’autres substances illicites qui génèrent ce genre de crimes.

Quels examens médicaux après un viol ?

« L’examen médical de la victime se fait suivant les heures du viol. Par année, nous avons un, deux et au plus aller, cinq cas de mères violées par leur fils », indique un médecin légiste. Ce dernier explique que la première étape consiste à faire un historique du type d’agression sexuelle qu’a subi la victime. Cela afin d’avoir une idée de son état d’esprit et du déroulement des faits, mais déterminer surtout les blessures physiques de la victime. « S’il y a eu de graves blessures anales ou vaginales, la victime sera référée auprès d’un gynécologue dans un des hôpitaux régionaux pour des soins, comme des points de suture ou chirurgie si nécessaire », indique-t-il. 

Cependant, si la victime n’a pas de telles blessures, son corps sera passé au crible pour déceler la présence de griffures, morsures, brulures, fractures et bleus, entre autres, qu’elle a subis lors de l’agression sexuelle. « Puis, nous prélevons des échantillons buccaux, vaginales et anales, et des fluides (spermes) sur son corps. Des cellules sous ses ongles seront aussi prélevées pour des tests ADN et le tout sera envoyé au Forensic Science Laboratory à des fins d’analyse. Si la victime a été droguée ou mise sous l’influence de l’alcool avant le viol, des tests d’urine et de sang sont conduits », dit-il. Quant à l’agresseur, le médecin légiste indique que ce n’est pas souvent que la police les attrape le même jour. « Si nous mettons la main sur eux le même jour ou dans les deux jours qui suivent, nous le soumettons à un examen médical. Son corps et ses parties intimes seront passés au peigne fin pour déceler la présence de blessures occasionnées par la résistance de la victime. Il sera aussi administré un traitement préventif pour le VIH et en cas de prise de drogue, il sera soumis à des tests urinaires et sanguins. De plus, un échantillon de ses cheveux sera pris pour des tests ADN à titre d’exemple », dit-il. Le médecin légiste affirme que toutes ces informations et évidences seront compilées dans un rapport pour faire la corrélation dans ce cas de viol qui sera soumis ensuite devant le magistrat en cour pour tirer cette affaire au clair.

Dr Anil Jhugroo.
Dr Anil Jhugroo.

Dr Anil Jhugroo, Psychiatre : « Avec le lobe frontal paralysé, l’agresseur ne peut différencier entre ce qui est bon ou mauvais »

Sous l’influence de l’alcool, de la drogue synthétique ou d’autres substances illicites, une personne n’a pas 100 % de sa capacité de raisonnement vu que son lobe frontal est paralysé. En ce sens, elle ne peut différencier entre ce qui est bien ou mauvais. De plus, dans un tel état de confusion, elle ne peut même pas identifier certaines personnes, indique l’Addiction Psychiatrist du ministère de la Santé, le Dr Anil Jhugroo. 

Quels sont  les éléments déclencheurs ?

Selon le psychiatre, sous la prise d’alcool et des substances illicites, le taux de dopamine d’un individu augmente de manière conséquente. S’ensuit alors une libido forte qui augmente le désir sexuel. « À cet instant précis, l’individu n’a pas 100 % de sa faculté de raisonnement et étant confus, il ne peut identifier sa proie. Quand l’agresseur sort de cet état second, c’est à ce moment-là qu’il reprend ses esprits et a des remords », indique-t-il.

La « Date Rape Drug », connue comme la drogue du viol, est souvent utilisée par les prédateurs sexuels pour soumettre sa victime. « Cette dernière, dans ce cas de figure, est droguée et dans un état de confusion totale », indique le docteur. Il a aussi abordé les effets de la drogue ou de l’alcool sur le cerveau qui mènent la personne dans un état de désinhibition. C’est ainsi que l’individu va agir avec moins de réserve dans son comportement. Toutefois, ce n’est pas une raison pour justifier un viol ou toute autre agression sexuelle, car la personne qui boit ou qui se drogue le fait en toute connaissance de cause. « Ainsi, le coupable doit assumer sa responsabilité devant la justice. Néanmoins, s’il souffre d’un trouble mental et que cela a été prouvé par la justice, il sera pris en charge pour des soins psychiatriques à l’hôpital Brown Sequard », conclut le psychiatre. 


Dr Abhijay Runjeet.
Dr Abhijay Runjeet.

Les préjudices des agressions sexuelles

Les conséquences qui peuvent faire suite à une agression sexuelle sont multiples et peuvent perdurer tout au cours de la vie de la victime. Parmi, on retrouve le trouble de stress post-traumatique qui a pour symptômes : le manque de sommeil, les cauchemars, la peur, l’anxiété, le manque de confiance en soi, une faible estime de soi, des tremblements, des hallucinations, des phobies et une instabilité émotionnelle, entre autres. C’est ce qu’a indiqué le psychiatre, Dr Abhijay Runjeet. Selon ce dernier, si les victimes de viol ne reçoivent pas un encadrement adéquat, elles risquent de souffrir de divers troubles mentaux qui peuvent les pousser au suicide.  Il souligne donc l’importance de faire accompagner les victimes par des professionnels de santé. « En psychiatrie et psychologie, nous avons plusieurs techniques et thérapies qui pourront aider ces personnes à surmonter ce type de traumatisme. Bien qu’il ne soit pas facile pour de nombreuses victimes de se confier, je leur conseille de venir de l’avant pour se faire aider en toute confiance et confidentialité », renchérit-il.  

Le docteur ajoute que l’agresseur nécessite aussi un accompagnement psychologique ou psychiatrique, notamment pour sa réhabilitation et empêcher toute récidive. Toutefois, comment s’assurer que le violeur ne recommence pas une fois de retour à la maison ? Selon le Dr Abhijay Runjeet, après trois ou six mois de thérapie individuelle, si la victime et l’agresseur sont obligés de cohabiter, ils doivent suivre des sessions ensemble et parler de leurs traumatismes respectifs. « Le but est de créer un environnement sain pour la victime et éviter que l’agresseur ne recommence », conclut le psychiatre.

 

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