Interview

Vinod Appadoo, commissaire des prisons: «Je serai sans pitié envers les brebis galeuses»

Fraîchement nommé commissaire des prisons, Vinod Appadoo ne passe pas par quatre chemins pour expliquer en quoi consiste sa mission. Il soutient que son cheval de bataille est la discipline.

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De la force régulière à la tête des services pénitentiaires…

Une suite logique de votre engagement dans le maintien de l’ordre public ?

J’ai quitté la force policière où j’ai passé 42 ans de ma vie avec un gros pincement au cœur . J’y ai eu une riche carrière. En tant que policier, je me suis engagé dans le maintien de l’ordre public et j’ai un sentiment du devoir accompli. En tant que commissaire des prisons, je continuerai à faire respecter la loi et à assurer la continuité des activités du centre de détention, tout en maintenant la sécurité publique. J’ai évolué dans pratiquement tous les départements de la police et j’ai même une bonne connaissance du système judiciaire. Je prends mes nouvelles responsabilités avec un avantage certain.

Quel regard aviez-vous de l’univers carcéral avant votre nomination ? Je connais cet univers pour y avoir fait des interventions quand j’étais posté à la Special Mobile Force et plus tard dans la force régulière. J’ai aussi participé à l’intervention policière pour mater la mutinerie à la prison. En tant qu’ancien responsable du Groupe d’intervention de la police mauricienne, je suis à la base de la création du Prison Security Service. Aujourd’hui, je ne me sens nullement dépaysé. J’ai changé de service, mais mon devoir est resté le même. En tant que commissaire des prisons, je n’ai pas les mêmes pouvoirs qu’un Deputy Commissioner of Police. Mais ici, je prends toute la mesure de la dimension humaine. D’un côté, il y a les membres du personnel et de l’autre, les détenus. La clé d’une prison bien gérée est la nature des relations entre ces deux groupes. Une de mes priorités sera le respect des procédures, la discipline et de l’efficacité opérationnelle.
« À ceux qui auraient quelque chose à se reprocher, je leur dis ceci : ma porte est ouverte ; venez vous confesser. »

 

 

Même si votre devoir reste le même, il convient de dire que la nature du travail a changé… Il y a une distinction entre la police et la prison. La mission statement est différente. L’emprisonnement fait partie du processus de justice criminelle. Alors que la mission du policier est de protéger la population, de veiller à la détection et à la prévention du crime et au maintien de l’ordre public, celle du commissaire des prisons est de mettre en œuvre la politique définie par la prise en charge des personnes faisant l’objet d’une mesure privative de liberté. Ma tâche est doublement importante, car je dois m’occuper des détenus et maintenir l’ordre public, tout en m’assurant de leur réhabilitation dans la société après leur libération.

 

Quel sera votre style de gestion ?

Je suis un homme de terrain. Quand j’étais dans la police, j’étais très impliqué aux côtés de mes hommes dans les opérations que je menais. Rien ne changera dans mon style de travail. Dans la police, je me souciais uniquement de mes hommes, alors qu’ici je dois aussi tenir compte du bien-être des prisonniers. Deux semaines après ma prise de fonctions, j’ai donné le ton. I will not depart from my character and I have already tuned myself for this challenge. J’ai rencontré une bonne partie du personnel et des détenus. Je me sens accepté. Je poursuivrai aussi la réforme enclenchée par mon prédécesseur Jean Bruneau, un ancien collègue que je salue pour le travail qu’il a accompli à la prison.

Quels sont les défis qui vous attendent ?

Il n’est pas facile de travailler dans une prison. Je suis d’abord, un être humain. Un des défis majeurs est de rendre aux détenus leur estime de soi. Beaucoup arrivent ici découragés. Il est de notre devoir de les aider à se reconstruire. Nous devons avoir de la compassion pour eux et comprendre leurs actes. On ne peut juger une personne qui a déjà été jugée par la justice. Ici, on a affaire à des hommes et à des femmes privés de liberté. Le vrai défi est de pouvoir gagner leur confiance et leur redonner l’espoir d’un lendemain meilleur.

Quelle est votre lecture de la situation au niveau des prisons ?

Chaque prison a ses spécificités, que ce soit dans la région où elle se situe ou dans la nature des délits commis par les détenus qu’elle accueille. Comme le citoyen lambda, j’ai moi aussi entendu parler de ce qui se passe dans certaines prisons. Je ne suis là que depuis deux semaines, mais j’ai déjà enclenché des mesures préventives avec mes adjoints et proches collaborateurs.

Quid des trafics allégués de drogue à l’intérieur des prisons, de la circulation libre de cellulaires, de paris illégaux…

Vous serez étonné des méthodes utilisées. Les prisonniers rivalisent d’astuces pour faire passer en douce ce qu’ils veulent. On se demande même où ils vont chercher ces idées. La semaine dernière, on a saisi six cellulaires deux jours de suite. Mon passage à l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu) et ma connaissance du terrain seront mes atouts pour s’attaquer à ce problème.

Que font vos officiers ?

Les détenus sont tout le temps en avance sur nous. Nous devons trouver des moyens pour les prendre au dépourvu et les battre à leur propre jeu.

Vous admettrez qu’il y a une complicité interne ?

C’est possible, car malgré des fouilles à tous les niveaux, les détenus arrivent à se procurer des choses interdites. J’ai bien fait comprendre qu’avec moi, il n’y aura pas de demi-mesure dans le respect des procédures. Pour cela, je bénéficie du soutien de la police, mais je préfère que chacun assume ses responsabilités et ne soit pas tenté de transgresser la loi.

Y a-t-il des brebis galeuses parmi vos hommes ?

Franchement, je n’aime pas trop ce terme, car c’est coller une étiquette à quelqu’un. Mais s’il y en a, je suis convaincu que c’est une infime minorité.

Mais y en a-t-il ?

Oui, il y en a. Moi, Vinod Appadoo, je  serai sans pitié envers les brebis galeuses. Avec moi, cela ne passera pas. Pas de seconde chance. Je préfère lancer cette mise en garde pour que personne ne cède à la tentation. À ceux qui auraient peut-être quelque chose à se reprocher, je leur dis ceci : ma porte est ouverte, venez vous confesser. Ensemble, nous trouverons une solution.

Que comptez-vous faire pour assurer davantage de sécurité ?

Outre les fouilles régulières, on investira davantage dans les dispositifs de surveillance, tels que les caméras et les équipements de détection pour repérer la drogue et les téléphones portables. On travaille avec la police qui nous aide à réparer nos caméras en panne et à former nos officiers à l’entretien et à la maintenance. Les services de renseignements seront aussi mis à contribution. Les officiers bénéficieront de cours approfondis dans le domaine. De plus, je compte user de mes bonnes relations avec mes collègues à la National State Security et à l’Adsu pour une aide supplémentaire. Je suis aussi pour une bonne relation avec les médias. Raison pour laquelle j’envisage de mettre en place une cellule de communication.  


 

42 ans de carrière dans la force policière

Âgé de 62 ans, Vinod Appadoo a passé plus de 42 ans dans la force policière. Il a débuté sa carrière comme constable à la Special Mobile Force. Il a aussi été responsable du Groupe d’intervention de la police mauricienne et inspecteur pendant 14 ans. Il a également travaillé à l’Anti-Drug ans Smuggling Unit, puis à la Special Supporting Unit, à la Central Division en tant que Divisional Commander. Responsable de Port-Louis (Nord),  il a effectué un passage à Port-Louis (Sud). Il a aussi été Chief of Police de Rodrigues.

 

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