«Vimen Leaks» : l’ASP Ashik Jagai dérange autant qu’il fascine

Le chef controversé de la Special Striking Team Ashik Jagai, suscite indéniablement l’attention des trafiquants de drogue ainsi que du monde politique. Malgré les critiques, il demeure fermement soutenu par le gouvernement.

Dans le paysage complexe de l’application de la loi à Maurice, certains noms résonnent plus fort que d’autres. L’un de ces noms est celui de l’assistant surintendant de police (ASP) Ashik Jagai, le patron de la Special Striking Team (SST), un enquêteur réputé pour ses méthodes audacieuses, controversées et son influence considérable. 

Bien qu’il ne fasse pas l’unanimité dans le monde politique, et même parmi ses collègues et anciens collègues, il est indéniable que tout au long de ses 34 années de service au sein de la force policière, il a su se constituer un solide réseau d’informateurs sur le terrain. « Nimport ki plas ou met li dan Moris li pou ena enn reso renseignman for », affirme un ancien élément de l’Anti-Drug Smuggling Unit (Adsu). Ainsi, si notre source est loin d’être un adepte des méthodes d’Ashik Jagai, elle ne peut néanmoins occulter le fait qu’il aura toujours une longueur d’avance sur ses collègues ainsi que sur ceux qu’il traque. 

« Si Ashik Jagai décide de mettre la main sur un trafiquant, il y a peu de chances que ce dernier en sorte indemne. Une fois qu’un trafiquant est dans son viseur, il finit toujours par se retrouver pris dans les mailles de Jagai. Il est extrêmement compétent sur le terrain. Même lorsqu’il était à la tête de l’Adsu de Rose-Hill, il nous a menés à bien de nombreuses opérations à Roche-Bois, Baie-du-Tombeau, Grand-Gaube et Cité-Briqueterie. Lorsqu’il obtient des informations sur le trafic, il n’hésite pas à passer à l’action et à frapper fort », raconte l’un de ses anciens collègues de l’Adsu de Rose-Hill. Le domaine de prédilection d’Ashik Jagai reste les opérations d’éradication, les livraisons surveillées et les descentes dans les quartiers où le trafic de drogue est florissant.

Reste que les opérations menées par l’ASP Ashik Jagai sont loin de faire consensus. « Il dit toujours à ses subalternes qu’il faut combattre le feu par le feu, en adoptant les mêmes méthodes que ceux qu’ils combattent. Le problème est que ce type de méthode peut facilement être contesté en cour. C’est pourquoi de nombreuses opérations qu’il a dirigées sont souvent contestées en justice, et les accusations déposées sous sa supervision ont souvent tendance à être abandonnées », explique un autre collègue du patron de la SST. Pourtant, lors d’une récente interview à Top FM, l’ASP Ashik Jagai a déclaré avoir un taux de réussite élevé en termes de condamnations obtenues contre les personnes qui étaient dans son viseur.

Depuis la création de la SST en août 2022, l’ASP Ashik Jagai a régulièrement fait la une des journaux en raison de son implication directe dans des affaires de grande envergure. Cependant, le fait que certaines des personnes visées soient des opposants au gouvernement suscite de plus en plus de critiques quant à son rôle perçu comme un instrument aux mains du pouvoir en place.

Les membres du gouvernement, pour leur part, saisissent chaque occasion pour louer le travail de l’ASP Ashik Jagai. Lors d’une séance parlementaire lundi dernier, en réponse à une Private Notice Question (PNQ) portant sur un enregistrement audio révélant des liens présumés incestueux entre Ashik Jagai et des trafiquants de drogue présumés, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, n’a pas manqué de mettre en avant les accomplissements du chef de la SST. Il a déclaré : « Depuis sa création le 3 août 2022, la SST, dirigée par un assistant surintendant de police, a procédé à l’arrestation de 58 personnes dans le cadre de 81 affaires. La valeur totale des drogues saisies s’élève à environ Rs 355 millions. » Cette déclaration témoigne de la confiance accordée à Ashik Jagai au sein du gouvernement.

« Un gouvernement doit toujours pouvoir compter sur des hommes forts au sein des forces de police pour réussir là où d’autres ont échoué. Qui ne se souvient pas du soutien que le gouvernement de Navin Ramgoolam accordait à feu Prem Radhooa pour lutter contre la criminalité ? » souligne un député de la majorité gouvernementale.

Plusieurs sources au sein des Casernes centrales font également état des efforts déployés par l’ASP Ashik Jagai ces dernières années pour se faire remarquer par le gouvernement et ainsi gagner sa faveur. Le soutien dont il bénéficie de la part de personnes influentes à la tête du pays laisse penser à plusieurs de ses collègues qu’il pourrait ne pas être inquiété par les différentes enquêtes ouvertes visant à faire la lumière sur les enregistrements audio récemment diffusés dans les médias.