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Vidéo virale d’une fête familiale : entachera-t-elle l’image du ministre Jagutpal ?

Cette semaine a été marquée par la circulation d’une vidéo sur les réseaux sociaux montrant le ministre de la Santé, le Dr Kailesh Jagutpal, chanter et danser dans une fête de fin d’année. Est-ce que cela entache son image ? Nous avons posé la question à des professionnels des médias et de la communication. 

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Jean-Luc Mootoosamy : « Une séquence mal venue »

Le journaliste et directeur du cabinet suisse Media Expertise, Jean-Luc Mootoosamy, affirme que cette vidéo est sortie alors que le pays fait face à d’énormes défis. Elle n’aurait, en temps « normal », aucun intérêt public puisque chaque citoyen – membres du gouvernement compris – a droit à une vie privée protégée. Selon lui, en temps « normal », « sa diffusion serait déplorée. Mais, il faut ici considérer le contexte, celui d’une urgence sanitaire ». 

Covid-19

« Dans ce groupe compact se trouve le ministre de la Santé, membre du gouvernement qui annonce régulièrement la situation locale concernant la Covid-19. Il rappelle, à chaque intervention, les gestes de prévention, notamment le port du masque et la distanciation sociale. « Cette » séquence est mal venue, alors que la collaboration de tous est réclamée. Faire état de l’existence de cette vidéo est d’intérêt public, car des amendes sont administrées avec la plus grande sévérité dans le pays pour non-port de masque. Tant qu’il ne sera pas démontré que tous les individus présents vivent effectivement sous le même toit, des regrets seront attendus du ministre », estime Jean-Luc Mootoosamy, qui ajoute que « ce serait une démonstration de son sens des responsabilités ».

Exemple 

Il poursuit que ce qui est considéré ici – c’est aussi d’intérêt public – c’est la capacité d’un ministre de la Santé à conserver sa crédibilité à travers ses actes, à être perçu comme exemple spécialement dans cette période compliquée. « L’exemplarité est une exigence parfois vécue comme une contrainte. Elle vient avec la mission, le titre et les fonctions de ministre. L’ignorer, en pleine pandémie, c’est comme faire acte de démission », lance Jean-Luc Mootoosamy. 


Javed Bolah : « La responsabilité d’être le prédicateur officiel du pays »

Journaliste politique de formation, Javed Bolah est également un stratège en communication, maintes fois primé au niveau Afrique (Communication Professional of the Year) et à l’international (PR Professional of the Year). Pour lui, dans le monde des affaires, l’image de marque – le branding – affecte la façon dont les consommateurs évaluent les produits et services. Javed Bolah, qui à travers Cerebro, son agence conseil en revitalisation d’image de marque, guide des entreprises et des gouvernements sur plusieurs territoires, pense que ce principe s’applique également à la politique. 

Prédicateur 

Javed Bolah met aussi l’accent sur la cohérence entre le discours et les actions qui est cruciale dans la façon dont la personnalité d’un parti (ou d’un politicien) est perçue. « En tant que ministre de la Santé, il a la responsabilité d’être le prédicateur officiel du pays en faveur de l’adoption d’une série de mesures afin de contenir la propagation du coronavirus », estime-t-il. 

Naïf 

L’intervenant poursuit que le ministre a, semble-t-il, « baissé sa garde » et a été « naïf » de croire que ceux qui le filmaient allaient garder secrètes leurs vidéos. « L’affaire ayant pris une tournure légale, c’est désormais à une cour de justice de décider si le ministre a enfreint les lois en vigueur. Toutefois, cette histoire est un avertissement à tous les politiciens que la gestion de cette image de marque requiert une discipline/rigueur ininterrompue », conclut Javed Bolah. L'activiste Bruneau Laurette a porté plainte contre lui à la police.

 


Jean-Marie Richard : « Le virus du voyeurisme… »

Pour le fondateur d’Imagine Communication, Jean-Marie Richard, la circulation virale de cette vidéo appelle un constat quant à la propension au voyeurisme de l'entourage des personnalités politiques. « Nous avions déjà eu droit à la session de djembé de Navin Ramgoolam. Ce sont des pulsions malsaines, illustrant l'amoralité qui semble affecter certains des cercles proches de nos politiques par rapport au respect de la vie privée et du droit à l'image. Celle de Monsieur Jagutpal a fait office de ‘punching ball’ destinée à exorciser les phobies individuelle et collective. S'il était demeuré cloîtré en silence en cellule dans un ashram ce soir-là, personne n'aurait trouvé à redire sans doute », avance Jean-Marie Richard. 

Frontière 

Pour lui, nous devons demeurer sérieux. Il affirme que « nous avons tous le droit fondamental de lâcher prise en famille », le contraire serait « suspect ». « Monsieur Jagutpal a intérêt à filtrer et isoler les téléphones portables dans son entourage, car certains n'ont aucun scrupule à faire feu de tout bois. Mais ce n'est pas une vie, bien que cette vidéo relance le questionnement sur la frontière fine entre la vie privée et publique du personnel politique », soutient l’intervenant. 

Jean-Marie Richard pense, toutefois, qu’il est certain qu'en cette période de pandémie, il vaut mieux prêcher par l'exemple, même dans des situations familiales, par définition privées. « Le virus du voyeurisme ne connaît ni de vaccin ni de booster dose sensés le prévenir, donc il vaut mieux se fier aux gestes barrières applicables aux smart phones », ironise-t-il. 


Le ministre face aux questions de la presse

Dans une vidéo devenue virale, on vous (le Dr Kailesh Jagutpal ; NdlR) voit vous amuser dans une fête sans porter de masque ni respecter la distanciation sociale. Votre réaction ? 
C’est très mal élevé d’entrer dans ma vie familiale pour en faire une affaire publique. J’ai appris que certaines personnes ont pris des dispositions légales en faisant des plaintes. Laissons les institutions mener leur enquête. J’irai de l’avant quand il le faudra. 

Votre ministère demande à la population de respecter les mesures sanitaires, mais vous ne le faites pas vous-même… 
Je le redis. C’est dans la presse que j’ai appris qu’il y a eu des plaintes. Il faut respecter les institutions légales. Nous verrons après. En tant que journaliste, vous savez que quand il y a des choses devant des institutions, il faut les respecter. Laissons les institutions légales « take over ». On ne commencera pas à faire des commentaires et tirer des conclusions. Je n’en dirai pas plus là-dessus. 

N’est-ce pas une faute de votre part ?
Si faute il y a, c’est aux institutions d’en juger. Ne soyez pas pressé. 

Concernant la vidéo virale, aucune sanction n’a été prise contre vous. Est-ce à dire qu’il y a des lois spéciales pour les ministres et les députés ? 
C’est votre commentaire. Je ne comprends rien à cela. Je constate qu’il y a quelqu’un qui me critique, alors que lui-même était sans masque en tenant un point de presse en dehors de la cour.


Vers une private prosecution 

La diffusion de cette vidéo montrant le ministre de la Santé danser et chanter à une fête privée sans masque fait polémique au début de cette année. La distanciation sociale n’avait pas été observée non plus à cette fête. 

Les protestations n’ont pas tardé à affluer suite à la diffusion de cette vidéo. L’homme de loi. Me Sanjeev Teeluckdharry, a déclaré, le 5 janvier 2022, qu’il déposera, le 11 janvier 2022, une ‘private prosecution’ contre le ministre de la Santé devant une cour de justice. Une conférence de presse est également prévue ce jour-là, selon l’avocat. Il a soutenu que la ‘private prosecution’ est en préparation et n’a pas souhaité fournir plus de détails. 

D’autre part, l’activiste Bruneau Laurette a porté plainte contre le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, au Central Criminal Investigation Department (CCID). Il reproche au ministre d’avoir violé la Quarantine Act suite à la diffusion de cette vidéo. L’activiste a réclamé une enquête policière sur le ministre. Cela après la diffusion de cette vidéo et a demandé à ce que le  ministre démissionne de son poste. 

 

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