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Verdict de la Cour suprême dans l’affaire STC-Betamax : «Un contrat illégal qui ébranle la structure financière publique»

Les conseils légaux de la STC, Mes Ravind Chetty (Senior Counsel) et André Robert (Senior Attorney).

Au terme d’un jugement de 42 pages, la Cour suprême a annulé, le vendredi 31 mai 2019, la sentence arbitrale obtenue par la société Betamax de Veekram Bhunjun contre la State Trading Corporation. Celle-ci n’aura pas à payer la somme avoisinant Rs 4,7 milliards. 

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La Cour suprême de Maurice a annulé la sentence du centre d’arbitrage de Singapour condamnant la State Trading Corporation (STC) à verser Rs 4,7 milliards à la société Betamax. Dans leur jugement, le Senior Puisne Judge (SPJ) Asraf Caunhye ainsi que les juges Nirmala Devat et David Chan Kan Cheong, ont statué : « Nous n’avons absolument aucune difficulté à dire que la politique publique de Maurice interdit de reconnaître ou encore d’exécuter une sentence arbitrale donnant effet à un tel contrat illégal qui ébranle les fondements mêmes de la structure financière publique et de l’administration mauricienne d’une manière qui viole incontestablement l’ordre juridique fondamental de Maurice (…). Nous estimons que la sentence arbitrale est contraire à la politique publique de Maurice. »

Contrat majeur 

La Cour suprême a statué que le contrat d’affrètement conclu le 27 novembre 2009 entre la STC et Betamax était un contrat majeur tombant sous la Public Procurement Act puisque la valeur du contrat était au-dessus de Rs 100 millions. « Le contrat concerne le transport de produits pétroliers, une marchandise vitale pour Maurice, qui doit s’approvisionner à l’étranger. Le contrat implique l’obligation de verser une somme énorme, émanant des fonds publics avec un engagement vis-à-vis de l’ensemble du fret, couvrant une période de 15 ans », souligne le verdict. 

La Cour suprême note que Betamax devait acquérir le navire Red Eagle et le mettre à la disposition de la STC pour le transport des produits pétroliers de Mangalore, en Inde, jusqu’au port de débarquement à Port-Louis. À la suite de ce contrat, Betamax devait recevoir 17,6 millions de dollars américains pour la première année. 

La STC pas exemptée 

Dans un passage, le panel de juges de la Cour suprême s’attèle à déterminer si la STC était exemptée des procédures d’appel d’offres sous la Public Procurement Act, comme le prétend Betamax. Mention est faite des amendements apportés en 2009 aux Public Procurement Regulations 2008, à travers les PP Regulations 2009. La Cour suprême évoque que le contrat en question ne pouvait pas être exempté des procédures d’appel d’offres. Le fait est que les amendements contiennent une disposition claire. Celle-ci dit que « rien dans ces amendements ne doit être interprété comme excluant les dispositions de la Public Procurement Act ». 

Les critiques contre l’arbitrage 

Dans un autre passage du jugement, le panel a examiné la décision de l’arbitre Michael Pryles du centre d’arbitrage de Singapour. Celui-ci avait ordonné à la STC de verser à Betamax des dommages-intérêts d’un montant de 115 267 199 de dollars américains. Il avait aussi enjoint la STC de prendre en charge les frais de Betamax d’un montant de 2 823 547,20 de dollars américains, de 39 466 dollars singapouriens et de 880 296 livres sterling. La STC avait aussi été sommée par l’arbitre d’encourir les frais de l’arbitrage fixés à 465 223,58 dollars singapouriens. 

Le SPJ Asraf Caunhye ainsi que les juges Nirmala Devat et David Chan Kan Cheong ont notamment soutenu « que l’arbitre a commis une erreur (…) en examinant uniquement si le contrat était un contrat pour autres services ou non. La conclusion de l’arbitre est erronée (…) il n’a pas tenu compte de la définition de ‘marchandises’ qui, par extension, inclut les services autres tels que le fret ». 

Maurice peut rejeter une sentence arbitrale

La Cour suprême s’est aussi penchée sur sa capacité à rejeter une sentence arbitrale. « Pour un État comme Maurice, la sentence arbitrale peut être annulée si la juridiction nationale estime que la sentence est en conflit avec la politique de cet État », a précisé le panel de juges. Ils ont cité l’article 39 (2) (b) (ii) de l’International Arbitration Act. Ils ont analysé les dispositions légales similaires dans d’autres pays tels que la France, le Canada, la Suisse, l’Allemagne et l’Inde.

Le chef juge Eddy Balancy à l’audience

La lecture du jugement a nécessité une heure et demie au numéro deux de la Cour suprême, le SPJ Asraf Caunhye. Jugement que celui-ci a lu avec, en face, le chef juge Eddy Balancy assis sur le banc des avocats des parties concernées. Me Ravind Chetty, Senior Counsel, était présent pour la STC tandis que Me Rishi Pursem, Senior Counsel, était présent pour Betamax.


Me Rishi Pursem : «Les juges ont fait une analyse assez complexe du jugement»

Me Rishi Pursem (Senior Counsel), avocat de Betamax, a déclaré ceci : « On devra étudier le jugement et décider de la marche à suivre. » Il s’agit de la première réaction du représentant légal de la société Betamax suivant le verdict de la Cour suprême rendu en faveur de la STC. « Les juges ont fait une analyse assez complexe du jugement », a affirmé l’avocat de Betamax. Me Ravind Chetty (Senior Counsel), avocat de la STC, n’a, quant à lui, pas voulu faire de déclaration. Veekram Bhunjun, directeur de Betamax, était absent à l’énoncé du jugement.

 

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