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Vente de poulet frais : les petits commerçants souffrent

Les ventes de Noorani Sobratty ont baissé de 75 %. Les ventes de Noorani Sobratty ont baissé de 75 %.

Cela fait deux semaines que la salmonelle affectant le poulet sévit dans le pays. Cette contamination est lourde de conséquences pour de nombreux éleveurs et autres acteurs du secteur, dont les petits commerçants qui vivent de la vente de produits frais.

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Les revendeurs de poulet sont unanimes à dire que la vente de poulet frais a connu une baisse considérable depuis l’apparition de l’épizootie de la salmonellose. Certains affichent une chute de 50 % de leurs ventes, alors que d’autres annoncent même 90 %. « Le couperet est tombé dès le premier week-end suivant l’annonce de l’apparition de la salmonellose, avec une baisse de 50% dans les ventes. La situation a empiré avec une baisse de 75 % le deuxième week-end », indique Siddick Toorabally, gérant d’un Cold Storage à Plaine-Verte.

Idem pour Sameem Ozeer, marchand de poulet à la foire de Cité Martial, que nous avons rencontré jeudi. « Ma recette d’aujourd’hui est de Rs 100 seulement, si l’on exclut les commandes habituelles. En temps normal les jours de foire, je commande entre 60 et 70 poulets entiers pour les revendre. Désormais, je n’en prends qu’une vingtaine. Et là aussi, 10 kilos sont restés invendus aujourd’hui. Et mardi, il me restait encore 18 kilos à la fin de la journée », déplore notre interlocuteur. Il soutient n’être pas le seul à en pâtir ; 13 autres marchands de la « Poulty Section » de la foire de Cité Martial connaissent actuellement le même sort.

Campagne d’explications

Qu’est-ce ce qui explique cette baisse dans les ventes ? À cette question, Aicha Rose de RNF Poultry à Ward 4 répond que la nouvelle de l’apparition de la salmonellose dans la presse a eu « l’effet d’une bombe ». « Il y a eu une psychose parmi la population qui a décidé d’éviter la consommation du poulet alors que, juste avant, il y a eu l’épizootie de la fièvre aphteuse qui a affecté le cheptel bovin et caprin local », explique-t-elle. Siddick Toorabally abonde dans le même sens, indiquant qu’il a été contraint de se lancer dans une campagne d’explications auprès de ses clients.

« Je leur communique la provenance de mes poulets car mon Cold Storage n’est pas franchisé. Je leur montre également les certificats des distributeurs. Si certains acceptent finalement d’en acheter, d’autres restent malgré tout réticents », dit-il. Nombreux sont, alors, ceux qui comptent sur les « commandes » pour pouvoir garder la tête hors de l’eau, à l’instar de Noorani et Salim Sobratty, gérants d’un Cold Storage à Vallée-Pitot. « Il s’agit essentiellement des restaurateurs et autres gérants de snacks qui doivent s’approvisionner régulièrement en poulet. Sauf que les commandes représentent le quart de nos ventes quotidiennes. Même au niveau des commandes, il y a une baisse car les consommateurs se font rares », soutient Noorani Sobratty.

Qui dit baisse des ventes, dit également baisse des revenus. À cet effet, toutes les personnes interrogées concèdent qu’elles passent par une situation financière difficile. Nizam Sookharry, de Sookharry Bros, indique qu’il doit puiser dans son capital pour pouvoir continuer à opérer. « Étant aussi propriétaire d’une ferme, je compte environ une cinquantaine d’employés. La situation est difficile, certes, mais dois-je les mettre à la porte ? Je ne peux pas. Ils sont, eux aussi, des pères de famille qui ont des bouches à nourrir », dit-il.

Siddick Toorabally compte, lui aussi, un employé qui travaille les week-ends uniquement. « Je suis en train de réfléchir si je vais devoir, malgré moi, me passer de ses services », avoue-t-il. Pour les frères Sobratty, qui doivent s’acquitter d’un loyer, la situation est encore plus délicate. « Nous ne pouvons risquer de perdre cet emplacement qui est stratégiquement situé ou encore d’être déconnectés du réseau électrique. Nous puisons alors de notre poche, en espérant que la situation retournera vite à la normale. Au cas contraire, nous serons contraints de fermer boutique. »

Nizam Sookharry: «Que les autorités assument leurs responsabilités»

Nizam Sookharry déplore la mauvaise communication des  autorités.

Nizam Sookharry, de Sookharry Bros, ne mâche pas ses mots pour déplorer la manière dont cette épizootie a été gérée par les autorités. « Le problème, à la base, provient des services du ministère. Or, l’annonce a été faite de manière à ce que les consommateurs ont cru que c’était un problème généralisé. 65 000 poul finn infekte ek zot finn mett dout lor 4 milyon poul ki ena dans pei. Samem pli gran erer zot finn fer ek gouvernman bizin pran so responsabilite ! » lance-t-il.

Il n’épargne pas non plus des petits revendeurs qu’il considère comme des « braconniers » et qui procèdent à l’abattage illégal des poulets, mettant à risque la sécurité alimentaire du pays. « Ces derniers abattent les poulets dans des conditions non seulement déplorables, où il y a un manque d’hygiène accru, mais aussi de manière illégale car ils n’ont pas les autorisations nécessaires pour le faire. Forcément, le risque de contamination est plus élevé chez ces « braconniers ». Leur prix est moins élevé et du coup certains consommateurs se tournent de facto vers eux pour s’approvisionner en poulet », ajoute le directeur de Sookharry Bros.

Pillay Chedumbarum, gérant d’un point de vente: «Un regain de confiance parmi les clients»

Ce revendeur a placardé une affichette pour rassurer sa clientèle.

Les points de vente des grands distributeurs de poulet frais n’ont pas été épargnés également. Pillay Chedumbarum, gérant d’un point de vente de Chantefrais à Vallée-des-Prêtres, indique une baisse de 70 % dans ses ventes au cours des deux dernières semaines. Toutefois, précise-t-il, les clients ont recommencé à affluer depuis quelques jours. « Au début, les clients ne voulaient rien entendre, même si je leur disais que les poulets Chantefrais ne sont nullement concernés par l’épizootie de salmonellose. Mais depuis que j’ai placardé un avis aux consommateurs, il y a un regain de confiance parmi les clients qui reviennent petit à petit », déclare Pillay Chedumbarum. Toutefois, notre interlocuteur dit ne pas avoir trop souffert de cette épidémie étant donné qu’il est « propriétaire de l’emplacement ; ce qui fait que je n’ai pas de loyer à payer et je n’ai pas de salarié non plus. »

Changement dans les habitudes alimentaires

Cette baisse dans la consommation du poulet a une incidence directe sur les restaurateurs et autres marchands de nourriture, comme c’est le cas pour Nuruddin Nuzroo, qui tient un snack dans la capitale. « Normalement, il y a un flux de clients à la fin du mois. Or, ils se font rares actuellement. J’ai beau essayer de leur expliquer que je m’approvisionne auprès d’un grand distributeur, avec certificat à l’appui, mais certains disent qu’ils ne veulent prendre aucun risque », déplore-t-il.

Il estime avoir perdu presque la moitié de sa clientèle avec les épizooties de fièvre aphteuse et de la salmonelle. De plus, notre interlocuteur s’est retrouvé contraint de revoir son menu. « D’habitude, je propose une variété de curry allant du poulet à la viande de bœuf en passant par le poisson. Mais en ce moment, je propose davantage de fruits de mer. Même pour le briyani, je privilégie actuellement le poisson. Quant au kebab, cela fait presque deux semaines que je n’en vends plus », dit-il.

Paras Samynaden, directeur de la chaîne « Roti Aka », se dit lui aussi affecté par l’apparition de la salmonellose. « Les gens ont peur de consommer le poulet qui est d’ailleurs l’une des viandes les plus demandées comme accompagnement dans nos ‘rotis’. Cela, malgré la présence de certificats stipulant que nous nous approvisionnons auprès des distributeurs qui ne sont pas concernés par la salmonelle. Bann la pa le tann nanien ! » lance-t-il, ajoutant que les clients se rabattent alors sur le poisson, le saumon, la chevrette ou encore les légumes.

Interdiction d’élever des poussins pendant trois mois

Les petites fermes ne pourront élever des poussins au cours des trois prochains mois. C’est ce qui ressort d’un communiqué émis par le ministère de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire. Toutes les petites fermes affectées par la salmonelle sont soumises à un vide sanitaire et ne seront pas autorisées à reprendre leurs activités avant un délai d’au moins trois mois. Celles-ci ont d’ailleurs été mises sous une surveillance sanitaire très stricte.

Le ministère soutient que toutes les mesures nécessaires ont été prises pour que les poussins infectés par la salmonelle soient détruits de même que les déchets (litières et fumiers) provenant des fermes infectées. « Au cours de ces dernières semaines, le ministère de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire a retiré tous les poussins infectés de ces petites fermes et les a tous détruits », précise-t-on dans le communiqué. Le ministère indique également que l’approvisionnement local en œuf et viande de poulet (fraiche ou surgelée) provient principalement des grandes fermes de production qui ont mis en place une surveillance sanitaire très stricte pour prévenir à tout problème lié à la salmonelle.

Ignace Lam, directeur d’Intermart: «Une baisse de 5 %»

Les grandes surfaces ne rencontrent pas de soucis majeurs à écouler leurs produits frais, surtout le poulet, malgré la salmonellose, indique pour sa part Ignace Lam, directeur de la chaîne de supermarchés Intermart. Il concède toutefois avoir noté une « légère baisse » dans la vente de ce produit qu’il estime à 5 % seulement. « Les grandes surfaces travaillent, pour la plupart, avec les gros ‘labels’ et non avec les petits distributeurs. Ce qui rassure les clients. C’est plutôt au niveau de certains ‘heavy discounter’, qui ne s’approvisionnent pas tous auprès des gros distributeurs, qui sont affectés par cette épizootie », dit-il.

 

 

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