Interview

Vassen Kauppaymuthoo : «Berguitta n’est qu’un avant-goût»

Vassen Kauppaymuthoo

L'océanographe est alarmiste. Vassen Kauppaymuthoo préfère être direct en affirmant que la forte tempête tropicale Berguitta n'est en fait que le sommet de l'iceberg. Car le pire reste à venir, prévient-il.

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« Une consigne pour les bouteilles en plastique serait une solution pour combattre la pollution. »

Vingt ans après, un vrai et gros cyclone s'invite chez nous. Étonnant ?
Il est vrai que cela fait des lustres que le pays n'a pas connu un vrai cyclone avec des rafales dépassant 150 km/h. Je dois dire que Berguitta n'est qu'un avant-goût, « ène ti
réclame », de ce qui nous attend à l'avenir. C'était prévisible. Les jeunes ne connaissent pas ce genre d'intempéries. On a eu un cyclone avec seulement 112 km/h.  Dans notre malheur, on a eu de la chance. Mais je le répète, ce genre de catastrophe était prévisible.

Est-ce à dire que Berguitta sonne comme une 'ringing bell' ?
Je l'ai toujours dit, il faut qu'on reste vigilant, en état d'alerte permanent et ne pas baisser la garde. Car il y aura d'autres événements du genre et même pire.

Devrait-on secouer la population et les autorités ?
À Maurice, on vit dans une bulle, un déni de vérité. On a peur de dire la vérité, on cache tout sous le tapis, on a peur de faire peur. On évite de dire crûment la vérité pour ne pas effrayer les touristes, ne pas les paniquer. Or, ce type de phénomène va arriver, qu'on le veuille ou non. C'est un phénomène mondial. Il faut dire les choses comme elles sont, quitte à faire peur. Au contraire, la peur fait prendre conscience pour que nous n'ayons pas à le regretter avec des pertes humaines après.

Vous tirez la sonnette d'alarme on dirait...
Écoutez, même si cela ne plaît pas, je le répète : oui, j'ai tiré et je tire de nouveau la sonnette d'alarme. Berguitta traînait avec elle des vents de 240 km/h. Et si elle était passée sur nous, quels dégâts, quel traumatisme ! Maurice aurait été à genoux aujourd'hui, en termes économiques, humains et le reste. On peut encore avoir un autre Hollanda. Est-ce que la population pourrait revivre cet événement traumatisant ? Le pays pourrait-il remonter la pente ? Non. Alors, je dis : agissons vite. Je prends comme exemple la construction d'un centre sportif à Tamarin où nous nous trouvons. C'est dans un lit de rivière. Il est alors normal qu'en temps d'averses, cela déborde. Il en est de même pour d'autres constructions exécutées n'importe comment en ne respectant pas les normes, on bouche les drains naturels, on fait du n'importe quoi, sans planification, sans vérification si on respecte l'EIA. Un autre exemple, une ville comme Quatre-Bornes, il n'existe pratiquement pas de drains. Une région hautement urbanisée. Il y a un gros souci à se faire.

Pourrait-on avoir un Black Saturday bis ?
Il y aura d'autres Black Saturdays si on n'y prend garde. On dirait qu'on n'a pas appris la leçon. Il faut construire des drains, si possible pas couverts, car ils sont bouchés par des détritus.

Justement, les Mauriciens devraient-ils apprendre à être plus civilisés et responsables ?
La mentalité est une chose et la civilité en est une autre. Inculquer le civisme aux Mauriciens est primordial et cela va prendre du temps. Alors que l'environnement est devenu un thème principal dans le monde et en Afrique aussi, ici, il y a un je m'en-foutisme. Je nettoie chez moi et je jette chez le voisin. C'est dans la culture mauricienne, il y a un laisser-aller. Il n'y a pas de tri des déchets, ce n'est pas dans notre culture. 60 % de nos déchets sont des green wastes qui sont pourtant recyclables.

Le gouvernement a quand même fait un effort en bannissant les sacs de plastique non périssables, reconnaissez-le...
Je reconnais qu'il y a eu un excellent effort de la part du gouvernement to get rid of plastic bags. Toutefois, il y a encore un autre geste environnemental à faire.

Lequel ?
Depuis des années, pour s'acheter un litre d'une boisson gazeuse ou de bière, il faut une consigne, sinon vous devez pour la bouteille en verre. Pourquoi ne pas introduire la même formule de consigne pour les bouteilles en plastique ? Est-ce que vous voyez des bouteilles de bière ou de gazeuses traîner ? Pas une seule, car si elles sont dans la nature, elles sont vite récupérées par des gens et échangées dans les boutiques du coin contre de l'argent. Donc, une consigne pour les millions de bouteilles en plastique serait une excellente solution pour combattre la pollution. Idem pour les cannettes en tous genres. Il faut cette volonté-là.

Revenons aux construction que vous qualifiez de sauvage. Que devrait-on faire?
Je constate que les constructions se font sauvagement, n'importe comment. Les certificats sont délivrés sans qu'il n'y ait de vérification des respects des normes. Les permis de développement sont offerts sans connaître les contours des  projets. Le gouvernement gagnerait à jouer son rôle de régulateur, être le vrai chien de garde. L'absence de vérification de la Land Drainage Unit est alarmante. Cela va jouer contre notre écologie, plus tôt que tard. En Europe, les 26 lettres de l'alphabet ne suffisent plus pour nommer les ouragans. Ils sont passés à Alpha, Beta, etc, après la lettre Z.

Vivrions-nous la même chose un jour ?
Un cyclone est comme un moteur de chaleur,  un trou atmosphérique, une énergie solaire stockée dans les océans et qui est relâchée. 2017 a été une année très chaude. Donc, il faut s'attendre à vivre des phénomènes et des catastrophes naturels de grande envergure.

Cela ne devrait pas faire de trop grands dégâts avec des bâtiments et des maisons en béton...
Depuis 16 ans, Maurice n'a pas vécu un vrai cyclone. On a eu Hollanda, mais le béton n'a pas passé le test d'un vrai cyclone. La preuve, des centaines de maisons ont été inondées, nos infrastructures n'ont pas tenu le coup, Maurice n'est pas prêt à soutenir une catastrophe naturelle, même bétonné. Il ne faut pas se voiler la face et faire l'autruche. Puis, il me semble qu'on a oublié les zones rurales qui sont touchées de plain-pied en période d'averses. Le gouvernement devrait revoir ses priorités. Nos drains peuvent accueillir jusqu'à 100 millimètres de pluie par heure, faisons-les accueillir jusqu'à 175 millimètres par heure pour une évacuation plus fluide de l'eau.

 

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