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Une jeunesse debout pour nos vieux

« Le Club des Cinq », composé de Vandana et Hans (assis), aux côtés de Shayn, Shanya et Abdel (debout), se mobilise d’une seule voix : que le gouvernement revoie sa copie sur la BRP.

Ils n’ont pas encore trente ans, mais se battent déjà pour ceux qui en ont le double. Une génération engagée, qui refuse de rester silencieuse face à ce qu’elle perçoit comme une injustice sociale : le relèvement de l’âge d’éligibilité à la pension universelle.

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Voilà bien longtemps que le pays n’avait pas vu ses jeunes sortir du rang. Et pourtant, voilà qu’un petit groupe se lève, déterminé, prêt à en découdre. Surnommés Le Club des Cinq – clin d’œil assumé à Enid Blyton –, Shanya, 24 ans, Abdel, 27 ans, Hans, 22 ans, Vandana,24 ans, et Shayn, 24 ans, ont choisi de se battre pour une cause qui ne les touche pas immédiatement : le droit à la retraite de leurs aînés. Alors que l’âge d’éligibilité à la Basic Retirement Pension (BRP) s’apprête à r eculer de 60 à 65 ans, ces jeunes montent au créneau.

Diplômés en sciences politiques, en droit, en anglais ou encore titulaires de baccalauréats solides, ils ne paient pas de mine au premier abord. Leur air sage ferait presque croire à des enfants de chœur échappés d’un cocon bourgeois. Mais sous cette apparence tranquille se cache une conscience politique aiguisée et un engagement farouche.

À la question de leur motivation, tous sont clairs : il s’agit de reconnaissance. « Cette génération a tout fait pour que nous ayons ce que nous avons aujourd’hui », lance Shayn, habitant de la circonscription n° 19 (Stanley/Rose-Hill). « Mes parents et mes oncles se sont battus pour l’éducation gratuite, le transport gratuit. À notre tour de faire bloc pour eux et de nous battre contre une décision irréfléchie qui touche à la dignité humaine de nos aînés. »

Ce militantisme, ils l’assument, et il fait parfois grincer des dents dans leurs propres familles. Car ces jeunes sont aussi engagés au sein de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), où ils apprennent les rouages de la mobilisation sociale. Abdel évoque un tournant générationnel : « Nos aînés ont subi la répression syndicale, mais nous, on utilise les réseaux, la technologie. On ne veut pas devenir des complices passifs. On veut réveiller cette génération de TikTokeurs qui ne se soucient pas de ce qui se passe autour d’eux, des changements qui vont les concerner directement dans quelques années. »

Côté voix féminines, Shanya et Vandana assurent pleinement leur rôle. « Les rares jeunes qui s’expriment sont souvent étouffés », regrette Vandana. « Nous, on agit. On n’est pas seulement là pour la théorie. On est sur le terrain, engagées pour les femmes, pour les travailleurs, pour ceux qu’on oublie trop souvent. » Shanya renchérit : « Nous partageons tous un idéal : celui du respect au travail, des droits inscrits dans nos lois, de la justice sociale. »

Ce samedi 21 juin, ils ont fait entendre leur voix. Une première action publique qui, espèrent-ils, en appellera d’autres. Leur ambition ? Inspirer. Semer une étincelle. Et prouver que la jeunesse n’est pas indifférente.

Portraits croisés du Club des Cinq : jeunes, diplômés, engagés

Ils n’ont pas encore franchi le cap des 30 ans, mais ont déjà une vision claire de la société qu’ils veulent construire. Cinq jeunes, cinq parcours, une même détermination : militer avec la CTSP pour des causes sociales qui les dépassent, et qui les définissent tout à la fois. Shanya, 24 ans, a grandi entre les bancs du Hindu Girls College et ceux de l’université de Maurice (UoM), où elle décroche un diplôme en sciences politiques. Sa mère, Shirley Chumroo, ex-consoeur bien connue, a marqué la MBC en tant que Project Coordinator, avant de partir trop tôt. Son père, quant à lui, était Lecturer en Field Production à l’UoM. Shanya est l’aînée d’une fratrie de quatre, avec deux petites sœurs et un petit frère. Aujourd’hui, elle œuvre comme Technical Adviser au sein de la CTSP.

Abdel, 27 ans, ancien élève du SSS Abdool Razack Mohamed, détient une maîtrise en sciences politiques. Son père travaillait au ministère du Logement, sa mère est femme au foyer. Il a grandi avec un frère et deux sœurs, et poursuit désormais son engagement social comme Assistant Technical Adviser à la CTSP.

Hans, 22 ans, lunettes vissées sur le nez et attitude posée, se distingue par son calme et sa discrétion. Il détient un diplôme en anglais et en Mauritian Laws. Son père est Managing Director dans une entreprise privée, sa mère est directrice d’une école préprimaire. Il a un frère et une sœur, et officie lui aussi comme Technical Adviser au sein de la fédération syndicale.

Vandana, 24 ans, parle un français impeccable, qu’elle ponctue volontiers d’expressions en kreol, avec une aisance naturelle. Elle est bachelière. Fille de deux fonctionnaires, elle occupe aujourd’hui le poste d’Assistant Technical Adviser à la CTSP.

Enfin, Shayn, 24 ans, formé au RCPL, puis en sciences politiques à l’UoM, est le plus réactif du groupe. Son père travaille dans un important conglomérat local, sa mère est clerc. Il a un frère et une sœur. Engagé et percutant, il est, lui aussi, Technical Adviser à la CTSP.

Cinq visages. Cinq voix. Et une même volonté de faire bouger les lignes.

CTSP : préparer la relève, coûte que coûte

Quand les partis politiques rechignent à assurer la relève, la CTSP, elle, s’organise. Depuis quelques années, son président Reeaz Chuttoo et la secrétaire générale Jane Ragoo ont amorcé un passage de flambeau inédit : celui d’un syndicalisme ancré dans la lutte sociale à une nouvelle génération, plus jeune, souvent diplômée, mais tout aussi engagée.

« À 58 ans, je suis le plus jeune syndicaliste de Maurice. C’est grave. Il faut préparer la relève, sinon le pays tombera entre les mains des possédants. Il fallait faire de la place aux jeunes », affirme sans détour Reeaz Chuttoo.

Facile d’attirer cette jeunesse dans l’arène syndicale ? Pas vraiment. Car si certains sont enthousiastes, prêts à se retrousser les manches, beaucoup se heurtent encore à une pression familiale tenace. « Les parents ont peur. Ils n’acceptent pas que leurs enfants défilent avec des banderoles, un porte-voix à la main, pour défendre les travailleurs », confie-t-il.

Pour Reeaz Chuttoo, une partie du problème vient de l’enseignement supérieur lui-même : « À l’université, on leur inculque la pensée unique. Pas d’espace pour la contradiction, pas de débats d’idées. Ils avancent en troupeau, sans repères politiques. »

Un constat d’autant plus amer que les parents de ces jeunes ont connu les grandes heures du syndicalisme, ces années de luttes intenses où le monde ouvrier pesait réellement sur les décisions du pouvoir. Que s’est-il donc passé depuis ? « À l’époque, la lutte avait un vrai sens. Aujourd’hui, on vit dans une société de consommation. Proposez-leur d’aller coller des affiches, ils répondent qu’ils peuvent le faire via les réseaux sociaux », déplore-t-il.

D’où l’initiative de la CTSP : anticiper, former, transmettre. Et miser sur des jeunes motivés, peu importe leur parcours académique. « L’essentiel, c’est de leur faire comprendre que ce qui se passe aujourd’hui aura un impact direct sur leur avenir. Se battre pour les autres, c’est aussi se battre pour soi », conclut Reeaz Chuttoo. 

  • Nou Lacaz

 

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