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Une grosse patate chaude

Avec l’affaire Bramer Bank/BAI, le gouvernement se retrouve avec une grosse patate chaude sur les bras, qu’il convient de gérer avec précaution au risque de se brûler. Déjà, les procès d’intention fusent de toutes parts malgré les premières explications officielles.

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Si l’on se fie au communiqué de la Banque de Maurice (BoM), daté du 2 avril et justifiant la fermeture de la Bramer Bank, il est question de manque de liquidités ainsi que de pratiques bancaires contraires aux règlements de la BoM. Certaines de ces pratiques, non divulguées à ce stade, remonteraient à 2012, selon le communiqué. D’après l’express samedi, le grand patron de la BAI, Dawood Rawat, qui se trouve à l’étranger, a tenté d’injecter Rs 1,4 milliard dans la Bramer Bank à partir du pôle affaires de la BAI au Kenya. Mais la BoM (qui a démenti cette information dans un communiqué émis samedi) a malgré tout appliqué le couperet. Pourquoi ? La BoM qui, d’après ses propres dires, a relevé des entorses à ses règlements depuis 2012 est-elle en présence d’éléments si graves qu’ils nécessitent une mise à mort ? Quels sont-ils ? Le public est en droit de savoir. Surtout que la Financial Services Commission (FSC) s’est, pour sa part, appuyée sur le communiqué de la BoM pour, à son tour, mettre le pôle assurance, véritable cœur du groupe BAI, sous saisie conservatoire. Même s’il ne s’agit pas d’une expropriation, les autorités régulatrices, à travers la nomination de deux administrateurs juridiques (André Bonieux et Mushtaq Oosman), prennent le contrôle de la première compagnie d’assurance-vie (plus de 50 % du marché), que Dawood Rawat a mis plus de trois décennies à développer en une multinationale, présente dans au moins six pays. La BAI, elle-même, compte 45 ans d’existence. Ici encore, les autorités ont intérêt à justifier leur décision. On a vu, ces dernières années, de grandes banques interna-tionales, telles la HSBC et la Barclays, commettre des fraudes graves dans leur objectif de se faire de l’argent à tout prix. Elles ont été sanctionnées par de lourdes amendes, mais n’ont pas été mises à mort en raison justement des « risques systémiques » et de l’impact économique et social. Il est tentant également pour ceux opérant dans le secteur des assurances de réinvestir l’argent des assurés dans des business très rémunérateurs, mais qui pourraient aussi s’avérer spéculatifs et dangereux à terme pour l’assuré. D’où le contrôle que les autorités régulatrices sont censées exercer à chaque bilan annuel des compagnies d’assurances. La FSC a-t-elle fait son travail ? Pourquoi pas de lourdes amendes dissuasives s’il y a eu entorses au lieu de la sanction suprême qui cause émoi et incertitude parmi des milliers d’assurés et d’employés ? Personne ne peut croire que SAJ et Lutchmeenaraidoo n’ont pas à cœur l’intérêt public. S’il y a deux personnes au sein de ce gouvernement qui pensent à l’intérêt du pays avant tout, ce sont eux ! S’ils se sont associés aux informations de leur junior et nouveau ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance, c’est qu’ils ont dû être informés de choses considérées comme extrêmement graves. Mais l’on ne peut s’empêcher de tiquer lorsqu’un taux d’intérêt ou rendement annuel de 7 ou 9 % dans des institutions supervisées par la BoM ou la FSC, ou les deux à la fois, sont associés à un ponzi scheme de coin de rue. Ou encore lorsque des fonds d’investis-sement opérant dans un cadre légal (il y en a au moins une vingtaine à Maurice parmi les plus connus, gérés par des filiales des compagnies du secteur privé les plus endettées du pays) sont associés à des fonds de détour-nement. À moins que là aussi, les autorités soient en présence (ou à la recherche) d’informations accablantes. Ce qui expliquerait alors les mesures extrêmes prises par les autorités, couplées heureusement par la garantie de continuité d’emploi du personnel du groupe et de pouvoir effectuer des retraits. SAJ a cependant raison d’affirmer que ceux qui prennent des risques avec leur argent (sans lire les fine print des prospectus d’investissement) sont eux-mêmes à blâmer en cas de pertes. Reste qu’au vu de certaines pratiques non sanctionnées jusqu’ici dans d’autres institutions finan-cières, l’on se pose des questions dans certains milieux sur ce qui est qualifié de « ciblage » de la BAI. En tout cas, après le dernier budget Lutchmeenaraidoo, qui a donné espoir au pays, il faut espérer qu’une certaine sérénité revienne bien vite dans les milieux des affaires, afin que les investisseurs n’aient pas l’impression qu’ils courent le risque d’être mis hors jeu au moindre faux pas… sur fond de règlements de comptes ou de l’appétit des nouveaux prédateurs politico-économiques.

 

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