Société

Un autre regard sur la cécité

La santé des yeux, comme toute partie du corps, n’a pas de prix. À l’occasion de la Journée mondiale de la canne blanche, portons un regard sur ce qui est fait et sera fait pour les mal-voyants et non-voyants…
Après la Journée mondiale de la vue, le 8 octobre dernier, nous célébrons ce jeudi 15, celle de la canne blanche. Symbole de la cécité, cet objet permet aux personnes aveugles et malvoyantes de se déplacer dans la rue, prévenant ainsi automobilistes et piétons de leur handicap. Ce qui leur permet également d’acquérir une certaine indépendance, notamment dans leurs mouvements. Toutefois, seul cet objet ne peut améliorer la vie des mal et non-voyants. Qu’est-il fait en ce sens à Maurice ? Lizie dan la main compte plusieurs projets. Son directeur, Reynolds Permal, souligne que c’est la seule organisation qui œuvre pour les handicapés visuels. Parmi les projets phare que l’Ong compte mettre en place avec la collaboration du ministère de la Sécurité, il y a les visites à des personnes non-voyantes dans différents endroits, vu que beaucoup ne peuvent se déplacer. « Que ce soit dans les écoles, sur leur lieu de travail, dans une maison de retraite, nous sommes là pour aider ces personnes dans leurs démarches en vue d’obtenir une pension de l’État si elles y sont éligibles. Même les personnes âgées, nous ne les abandonnons pas, nous sommes là pour leur faciliter la vie », fait ressortir Reynolds Permal. Lizie dan la main, dit-il, suit le patient pas par pas. « Si un examen médical établit qu’une personne risque de devenir aveugle, nous la prenons en charge et sommes là pour la conseiller », explique-t-il.
[panel contents="Symbole de la cécité et de la malvoyance, la canne blanche permet aux personnes aveugles et malvoyantes de se déplacer dans la rue, prévenant ainsi automobilistes et piétons de leur handicap. Il s’agit d’une invention récente : c’est en 1930 qu’une jeune Parisienne, Guilly d’Herbemont, en a eu l’idée. Cela, en constatant que le public en général ne faisait pas attention aux aveugles. S’inspirant du bâton blanc des agents de police, elle est parvenue à convaincre la Préfecture de police de Paris d’autoriser l’usage de la canne blanche pour les aveugles et les malvoyants. Cette initiative audacieuse et novatrice a été bientôt connue et suivie, tant en France que dans le monde entier. Notons qu’il existe différentes sortes de cannes blanches ainsi que des cannes jaunes. Leurs critères d’attribution sont extrêmement stricts." label="Le saviez-vous… La canne blanche n’a que 85 ans !" style="info" custom_class=""]
La cécité n’est pas une fatalité, indique le fils de Reynolds Permal. « Lizie dan la main veut donner une deuxième chance aux enfants et aux adultes qui ont un handicap visuel, mais qui se terrent chez eux. Nous voulons leur dire que malgré leur handicap, ils ont la possibilité de réussir leur vie, en suivant une formation par exemple », lance Reynolds Permal Jr, qui était au four et au moulin lors de la Journée mondiale de la vue, pour organiser un rassemblement sur l’esplanade de la municipalité de Port-Louis. Pour ce faire, le centre offre plusieurs services, dont le « Vision Tester », disponible uniquement auprès l’Ong qui en possède trois. « Il permet de détecter un défaut visuel chez l’enfant en bas âge. Notre consultant décidera alors si la personne a urgemment besoin de verres. Il déterminera le degré de vision de la personne et nous soumettra un rapport. Nous nous baserons sur celui-ci pour déterminer le système d’éducation à offrir, soit de « large print », ou braille », soutient Reynolds Permal Jr. Ces tests sont conduits gratuitement dans les écoles défavorisées ou les firmes qui en font la demande.

Tests gratuits

Concernant la canne blanche, Reynolds Permal avance que cet objet n’est pas à mettre entre les mains de quelqu’un qui ne sait pas l’utiliser. « Si nous avons détecté un problème chez quelqu’un et qu’il a besoin d’une canne blanche, nous sommes là pour l’aider. Cette canne est faite pour être utilisée à l’extérieur seulement. À Maurice, il y a une seule organisation qualifiée pour expliquer son utilisation. C’est pourquoi tout le monde vient vers nous pour que nous les guidions », dit-il.

Participation de la population

Pour le directeur de Lizie dan la main, il est aussi important que les automobilistes et autres membres du public fassent preuve de tolérance envers celui qui tient une canne blanche. « Celui qui marche avec peut avoir un problème visuel de degrés divers. Il peut être complètement aveugle ou malvoyant. Les gens devraient faire plus attention à ces personnes dans la rue. Il faut donner une chance à la cécité », martèle Reynolds Permal. Qu’en est-il de la canne sensorielle récemment proposée par un homme d’affaires ? « Elle n’est pas adaptée à Maurice. Tout comme nous ne pouvons pas être accompagnés par un chien guide, vu qu’il y a trop de chiens errants, nous ne pouvons utiliser la canne sensorielle vu que les trottoirs n’ont pas une surface égale. De plus, elle ne peut être utilisée sous la pluie », explique Reynolds Permal. Du côté de l’État, Swaminathan Ragen, secrétaire permanent à la Sécurité sociale, argue que les gens souffrant d’un handicap visuel font partie intégrante de la société et doivent jouir des mêmes droits que les autres citoyens. Il rappelle que Maurice est signataire d’une convention des Nations unies sur les droits d’une personne handicapée. « En ligne avec cette convention et surtout, avec la vision du nouveau gouvernement, le ministère viendra avec un Disability Bill qui vise à revoir toutes les structures de service et mettre en place un nouveau mécanisme où les personnes en situation d’handicap seront encadrées, protégées et valorisées en tant que citoyens de la République », avance-t-il.

Un Disability Bill bientôt en place

Le secrétaire permanent annonce aussi la prochaine parution d’un Strategy Paper. « On a déjà tenu des ateliers de travail à ce sujet et le Paper sera présenté dans les semaines à venir », indique-t-il. Il avance aussi que la Constitution sera amendée pour que soit proscrite une fois pour toutes la discrimination contre les personnes en situation de handicap. Swaminathan Ragen révèle que le nombre de mal-voyants et de non-voyants à Maurice est de 9 024. Il rappelle que l’une des causes de la cécité est le diabète, maladie qui peut être combattue par la prévention (repas équilibré et exercices).
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Lions Club de Port-Louis: Rs 62,5 millions pour un peu de lumière

Depuis 1988, année où a été instituée la Journée mondiale de la vue, le Lions Club sensibilise le public sur l’importance des soins ophtalmologiques et sur la nécessité d’un service de qualité pour tous. Pour marquer cette journée, les Lions Clubs du monde entier mettent sur pied des projets liés à la vue : dépistage de troubles visuels, dons de verres, opération de chirurgie réparatrice, programmes de sensibilisation aux maladies oculaires et dons d’appareils d’assistance fonctionnelle pour les malvoyants. Pour lutter contre la cécité à l’échelle mondiale et aider des personnes à recouvrer la vue, Lions Club a lancé en 1990 le programme «Sight First «. Il lutte contre les principales causes de cécité : cataracte, trachome, onchocercose, cécité chez l’enfant, rétinopathie diabétique et glaucome. « À Maurice, l’un des principaux projets réalisés par le Lions Club de Port-Louis (premier Lions Club du pays) est la greffe de cornée », rappelle son représentant, Rai Basgeet. Dans les années 70, poursuit-il, « le club apportait des cornées de la Banque des yeux d’Afrique du Sud. Cela jusqu’aux années 90, lorsque le gouvernement de ce pays a décidé d’arrêter l’exportation des tissus humains. Depuis, le Lions Club importe sur une base régulière de cornées du Sri Lanka ». Une fois les cornées arrivées, elles sont immédiatement transférées à l’hôpital de Moka pour être greffées sur des patients déjà prêts à les recevoir.  Ces personnes n’ont souvent pas les moyens d’effectuer la greffe à l’étranger. « Une greffe dans une clinique privée locale peut coûter environ  Rs 100 000. À l’étranger, cela coûte dans les Rs 150 000, sans compter le billet d’avion et l’hébergement, entre autres. Le Lions Club de Port-Louis a contribué environ Rs 62,5 millions pour rendre la vue aux personnes aveugles », fait ressortir Rai Basgeet. Il ajoute que depuis que le Club a lancé le projet, il a importé plus de 500 cornées pour en faire don à l’hôpital de Moka.
 

Gaëtan Li Wan Cheun, optométriste: « Nous devons élargir nos horizons »

La Journée internationale de la vue est l’occasion pour les professionnels des soins de la vue du monde entier, de sensibiliser le public sur les problèmes y relatifs, principalement la vue basse. L’optométriste Gaëtan Li Wan Cheun en a profité pour parler de « Vision 20/20 », un programme adopté par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Global Action Plan (GAP). « Le but est d’éradiquer complètement, d’ici 2020, les trois principales causes de cécité dans le monde. Le GAP, adopté par tous les pays membres de l’OMS, figure parmi les plans les plus importants touchant les malvoyants et les non-voyants. Il consolide la «Vision 20/20» et est beaucoup plus réaliste. La démarche est de réduire toute forme de cécité qui peut être préventive », déclare-t-il. À travers des plans de santé nationale et internationale, ajoute notre interlocuteur, nous assurerons l’accès aux soins à ceux qui sont touchés par un handicap visuel. « Nous tous professionnels de la santé visuelle, nous avons pour objectif de réduire la cécité par 25 %, d’ici 2019. Nous réussirons grâce à un programme bien établi », souligne-t-il. Gaëtan Li Wan Cheun est d’avis que le ministère de la Santé doit former plus d’ophtalmologues, d’optométristes et de nurses. Il estime également qu’il faut mettre en œuvre des programmes de détection importants. « À Maurice, nous avons déjà des programmes de détection dans les écoles, à travers Lizie dan la main, mais nous devons élargir nos horizons, nous devons aller dans des homes et des hospice accueillant les personnes âgées. Il peut y avoir 75 personnes âgées dans un hospice, mais personne ne prend la peine de vérifier si elles ont la cataracte ou ont un problème avec leurs verres qui s’abîment », fait-il remarquer. L’optométriste soutient qu’il faut aller visiter les personnes qui ne peuvent pas se déplacer. « Maurice ressemble de plus en plus à l’Europe. Les enfants émigrent et leurs parents se retrouvent seuls dans une maison. Quand l’un des conjoints meurt, l’autre est livré à lui-même », déplore notre interlocuteur. Pour lui, il est donc temps d’implanter un programme de Health Care Provider, avec des professionnels allant rendre visite à nos aînés laissés à eux-mêmes. « C’est à travers la mise en place de tels programmes que nous pourrons combattre la cécité », insiste-t-il.
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