Le chancelier autrichien Karl Nehammer devient lundi le premier dirigeant européen à se rendre à Moscou depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, une "mission à risque" alors que Kiev se prépare à une offensive russe massive dans l'est.
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Après avoir revu ses plans à la baisse et retiré ses troupes de la région de Kiev et du nord de l'Ukraine, la Russie a fait sa priorité de la conquête totale du Donbass, dans l'est, dont une partie est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses.
"La semaine prochaine ne sera pas moins importante que celle-ci ni que les précédentes. Les troupes russes passeront à des opérations encore plus importantes dans l'est de notre Etat", a averti le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans un communiqué dimanche soir.
"La bataille pour le Donbass durera plusieurs jours, et pendant ces jours nos villes pourraient être complètement détruites", a prédit pour sa part sur Facebook Serguiï Gaïdaï, le gouverneur de la région de Lougansk, dans le Donbass.
"Le scénario de Marioupol peut se répéter dans la région de Lougansk", a-t-il dit, en se référant au grand port du sud-est de l'Ukraine dévasté et assiégé depuis fin février par les forces russes.
De son côté, le ministère de la Défense russe a accusé dimanche les Ukrainiens et les Occidentaux de provocations "monstrueuses et sans pitié" et de meurtres de civils à Lougansk.
Des analystes estiment que Vladimir Poutine, dont la décision d'envahir l'Ukraine s'est heurtée à la résistance acharnée des Ukrainiens, veut obtenir une victoire dans le Donbass avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis.
Mines et obstacles antichar
Dans l'attente de l'offensive russe, soldats ukrainiens et membres de la Défense territoriale étaient occupés dimanche à fortifier leurs positions et à creuser de nouvelles tranchées, dans la zone rurale de Barvinkove, dans l'est du pays. Les bords de routes ont été minés et des obstacles antichars installés à tous les carrefours.
Alors que la population tente de fuir les régions orientales de l'Ukraine pour échapper à la bataille qui s'y annonce, les frappes aériennes et les bombardements continuent: dimanche, ils ont fait au moins deux morts à Kharkiv (est), la deuxième ville du pays, et dans sa banlieue, selon le gouverneur régional Oleg Sinegoubov.
"L'armée russe continue de faire la guerre aux civils, faute de victoires sur le front", a accusé M. Sinegoubov.
Dans les environs de Kiev, occupés plusieurs semaines durant par l'armée russe, la recherche des corps se poursuit.
"A ce jour, nous avons 1.222 personnes tuées, pour la seule région de Kiev", a déclaré la procureure générale Iryna Venediktova à la chaîne britannique Sky News.
Elle n'a pas précisé si les corps découverts étaient exclusivement ceux de civils, mais elle a également fait état de 5.600 enquêtes ouvertes pour crimes de guerre présumés depuis le début de l'invasion russe le 24 février.
Dans la seule ville de Boutcha, au nord-ouest de Kiev, devenue un symbole des atrocités de la guerre en Ukraine, près de 300 personnes ont été enterrées dans des fosses communes, selon un bilan annoncé par les autorités ukrainiennes le 2 avril.
A Bouzova, également près de Kiev, deux corps habillés en civil ont été découverts dans une bouche d'égout, ont constaté des journalistes de l'AFP. Une femme a regardé à l'intérieur avant de s'effondrer, ayant reconnu le corps aux chaussures: "Mon fils, mon fils", a-t-elle crié.
C'est dans ce contexte que le chancelier autrichien, après s'être rendu en Ukraine samedi, est attendu lundi à Moscou où il rencontrera le président russe Vladimir Poutine.
Karl Nehammer a déclaré avoir "l'intention de tout faire pour que des mesures soient prises en faveur de la paix", tout en reconnaissant que les chances d'y parvenir sont minces.
"Mission à risque"
Ce voyage à Moscou est "une mission à risque" mais aussi une "fenêtre de dialogue", a-t-il expliqué, estimant que "la diplomatie personnelle" est de mise.
Il compte évoquer au Kremlin les "crimes de guerre" à Boutcha, où il s'est rendu samedi.
"Boutcha ne s'est pas fait en un jour. Pendant de nombreuses années, les élites politiques et la propagande russes ont incité à la haine, déshumanisé les Ukrainiens, nourri la supériorité russe et préparé le terrain pour ces atrocités", a écrit dimanche le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kouleba sur Twitter.
Mais dans un entretien avec la chaîne américaine NBC dimanche soir, M. Kouleba s'est néanmoins déclaré ouvert à la négociation avec Moscou.
"Si m'asseoir avec les Russes peut m'aider à empêcher au moins un massacre comme à Boutcha, ou au moins une autre attaque comme à Kramatorsk, je dois saisir cette opportunité", a-t-il dit.
Une frappe de missile devant la gare de Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine, a fait 57 morts dont au moins 5 enfants vendredi.
Le président Zelensky a appelé les Occidentaux à "suivre l'exemple du Royaume-Uni" - dont le Premier ministre Boris Johnson a effectué une visite surprise en Ukraine samedi - en imposant "un embargo total sur les hydrocarbures russes".
Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne, qui se réunissent lundi à Luxembourg, doivent étudier un sixième paquet de sanctions contre Moscou, qui ne touchera toutefois pas les achats de pétrole et de gaz.
Le chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell a annoncé son intention de lancer lundi la discussion sur un embargo pétrolier, "mais une proposition formelle n'est pas sur la table", a reconnu vendredi un haut fonctionnaire européen.
Ces discussions interviennent au moment où la Banque mondiale publie ses dernières prévisions, catastrophiques, pour l'Ukraine: l'économie de ce pays en guerre va se contracter de 45,1% cette année en raison du conflit.
De son côté, le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a dit que l'Alliance préparait des plans pour une force militaire permanente à ses frontières pour prévenir toute nouvelle agression de la Russie.
Cette nouvelle force sera, a-t-il ajouté, une "conséquence à long terme" de l'invasion de l'Ukraine.
Dimanche, le pape François a appelé depuis la place Saint-Pierre à une "trêve de Pâques" pour "arriver à la paix" en Ukraine et mettre fin à "une guerre qui chaque jour met devant nos yeux d'odieux massacres et des cruautés atroces commis contre des civils sans défense".
Comme en réponse, le patriarche de l'Eglise orthodoxe russe Kirill, un des piliers du régime de Vladimir Poutine, a appelé à "faire corps" autour du Kremlin pour combattre les "ennemis extérieurs et intérieurs" de la Russie.
AFP
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