Travailleurs étrangers : loin de leur famille, mais de cœur avec elle

Travailleurs étrangers Ils sont nombreux à avoir quitté femmes et enfants pour trouver du travail à Maurice.

Les travailleurs étrangers qui aident à faire marcher l’économie de Maurice ont passé les fêtes sans leur famille. Certains ont organisé une soirée entre collègues et d’autres ont passé le réveillon seuls. Pour ceux de Texto Ltd, sans le sou et sans travail, la nouvelle année s’annonce mal. Reportage.

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Depuis deux ans, Idriss est loin de sa patrie, le Bangladesh. Cet homme de 39 ans est cuisinier et il a passé la Saint-Sylvestre avec ses collègues. Il est resté un bon moment au téléphone pour parler à son épouse.

« Ma priorité pour cette nouvelle année a été de parler à ma femme. Ma fille est déjà mariée et ma femme est en quelque sorte seule. J’aime mon travail à Maurice. Cela me permet de faire vivre ma famille et de payer mes dettes, mais ma femme me manque ».

Son collègue aussi a démarré la nouvelle année au téléphone. Ce nouveau marié a laissé son épouse au Bangladesh pour se faire un peu d’argent, qui représente bien plus que ce qu’il aurait touché dans son pays.

« Je me suis marié l’année dernière et c’était mon projet de venir ici pour travailler. Mon épouse me manque, mais je fais cela pour nous. Je veux nous offrir une belle vie ».

La plupart de ces travailleurs bangladais ont dû s’endetter pour venir à Maurice, mais le salaire qu’ils touchent les motive à braver les obstacles. On leur présente Maurice comme le pays rêvé pour se faire de l’argent. Or, c’est la désillusion pour beaucoup quand ils arrivent au pays, compte tenu des conditions dans lesquelles ils vivent.

« On touche plus qu’au Bangladesh, mais le coût de la vie est plus cher. L’allocation pour la nourriture est insuffisante et je dois puiser dans mon salaire pour manger. Je n’arrive plus à gérer mon budget tellement mon salaire est maigre. Je dois rembourser le prêt de Rs 200 000 pour payer l’agent recruteur au Bangladesh. De plus, je dois envoyer de l’argent à ma famille. Je m’en sors difficilement », explique-t-il.

Une autre réalité

Quelques rues plus loin se trouve le dortoir des ex-employés de l’usine Texto Ltd. Ils sont livrés à eux-mêmes depuis la fermeture de l’entreprise, sans femme de ménage et le dortoir ressemble à un dépotoir. Des vêtements sales traînent, des ordures jonchent le sol et une odeur nauséabonde dégage des couloirs. 

Hormis ces conditions de vie déplorables, l’angoisse peut se lire sur le visage des 150 employés qui y vivent. À leur arrivée, leur ambition était d’offrir de jours meilleurs à leur famille. Avec la fermeture de l’usine, ils ne savent pas ce que l’avenir leur réserve.

Le début d’année s’annonce sombre dit Harry Donah, venu de l’Inde… « Nous ne savons pas ce que nous allons faire à la rentrée. Nous ne savons même pas si une autre usine va nous employer. Nous n’avons pas de nouvelles. Cela fait des semaines que nous vivons dans l’angoisse. Il n’y a pas cuisinier, pas de gaz, pas de femme de ménage. Nous ne mangeons pas à notre faim. Certains jours, nous ne prenons qu’un seul repas et d’autres nous ne mangeons rien », raconte-t-il.

Malgré le paiement du bonus et du salaire de novembre et de décembre, les finances ne sont pas au beau fixe pour ces étrangers. « Il y a des allocations que nous n’avons pas reçues comme l’allocation pour la nourriture et cela nous accable financièrement. Nous avons payé nos dettes et nous n’avons plus rien », explique Harry.

Dans une des chambres, Bashir est assis sur son lit, la photo de sa femme et de son fils dans les mains. Il a une pensée spéciale pour eux, en ce début d’année. Cela fait trois mois qu’il n’a pu leur envoyer de l’argent…
« Cela fait des mois que je n’ai pas envoyé de l’argent à ma femme. C’est une situation qui me bouleverse. Je suis venu ici pour aider ma famille, mais rien ne va plus. J’ai un fils de 10 ans. Déjà que je suis loin de lui, maintenant, je n’arrive plus à subvenir à ses besoins. Je suis stressé », dit-il.

Le stress a aussi gagné son ami de chambre qui a ses parents à sa charge. Il est inquiet, depuis qu’il ne travaille plus et craint d’être déporté vers le Bangladesh. « Je me suis endetté pour venir travailler ici. Mon contrat n’est pas encore arrivé à terme. Avec cette situation, j’ai bien peur qu’on me renvoie au Bangladesh. Mes parents comptent sur moi. Cela fait des mois que je ne leur ai pas envoyé de l’argent. J’ai préféré payer mes dettes en premier et ce sont mes parents qui payent le prix fort ».

Le regard des autres

Maurice compte aussi des Malgaches comme travailleurs étrangers… Samine, dont les trois enfants sont dans la Grande Île, a passé seule chez elle le réveillon. Cela fait sept ans qu’elle habite à Beau-Bassin. « Ma camarade de chambre est allée voir son époux à Curepipe. Moi je suis restée seule à regarder la télévision. J’ai appelé mes enfants qui ont 10, 17 et 19 ans. Ils vont bien et me manquent. C’est pour eux que je fais ce sacrifice », explique-t-elle.

Comme d’autres Malgaches, c’est pour assurer l’avenir de sa famille que Damien est à Maurice. Pour lui, le regard des Mauriciens est parfois haineux et blessant. « Je suis marié et j’ai deux enfants. Ce travail m’a permis de construire ma maison à Madagascar. Je n’ai pas envie de repartir. Ici je gagne bien ma vie, mais le problème reste le regard des Mauriciens. Ils nous regardent de haut », relate-t-il.

Son salaire de base de Rs 5 000 qui aurait fait tiquer de nombreux Mauriciens lui convient largement. « Mon salaire est de Rs 5 000. Quand je fais des heures supplémentaires, je peux toucher jusqu’à Rs 11 000 », indique-t-il.

Pour rencontrer ce jeune homme, nous nous sommes rendus dans l’est du pays. C’est dans un petit coin perdu que se trouvent les dortoirs de ces étrangers : des maisonnettes. Ils travaillent tous pour une usine textile.

Nous rencontrons un deuxième Malgache qui soutient lui aussi que grâce à ce travail, il a pu construire sa maison à Madagascar.

Dans une des maisonnettes, ils vivent à quatre. Pas de réfrigérateur, pas de meubles, même le strict minimum ne leur a pas été fourni. L’insalubrité dans laquelle ils vivent ne leur fait pas regretter. Ils sont ici pour gagner de l’argent et sortir leurs proches de la misère.

Fêter l’arrivée de la nouvelle année loin des siens n’est pas toujours chose facile… Surtout quand on ne sait pas ce que réserve l’avenir. Quoi qu’il en soit, ces travailleurs ont réveillonné entre eux, en espérant des lendemains meilleurs.   

En chiffres

Selon les derniers chiffres du ministère du Travail, 38 462 travailleurs étrangers vivent à Maurice. Ils travaillent dans différents secteurs, principalement dans le secteur manufacturier, mais on les retrouve aussi dans le secteur de la construction.

Ils sont généralement employés dans le secteur manufacturier, parce que ce secteur représente 14,2 % du produit intérieur brut, et qu’il faut le protéger. Et depuis quelques années, les Mauriciens ont signifié un manque d’intérêt pour cette filière. Il a donc fallu recruter de la main-d’œuvre étrangère.

Les travailleurs étrangers viennent de quatre pays principalement. Le plus grand nombre : 21 640 du Bangladesh. Environ 8 000 de l’Inde, 4 000 sont Malgaches et 2 500 viennent de Chine. Il y a aussi quelques travailleurs étrangers du Sri Lanka, du Népal et de pays africains.

 

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