Nous commémorons, ce jeudi 2 novembre, le 183e anniversaire de l’arrivée des premiers travailleurs engagés à Maurice. Deux siècles après, le pays doit toujours compter sur les travailleurs étrangers pour sa réussite économique. Les travailleurs étrangers sont-ils vraiment indispensables ?
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Comme chaque année, la journée du 2 novembre est l’occasion pour revivre l’arrivée des travailleurs engagés, principalement de l’Inde. C’est à cette date que le premier contingent des travailleurs en provenance de l’Inde a foulé le sol mauricien, en tant que travailleurs engagés. Avec l’abolition de l’esclavage, le pays avait urgemment besoin de main-d’œuvre, car l’industrie sucrière, le seul secteur à cette époque, roulait à plein régime.
Avec l'abolition de l'esclavage, Maurice avait urgemment besoin de main-d'oeuvre.
Près de 500,000 travailleurs engagés sont arrivés à Maurice entre 1834 et 1920. Ils sont venus de l’Inde, de la Chine, mais aussi des îles de la région. Les travailleurs étaient recrutés sous un contrat de 5 ans, mais la grande majorité des immigrants a choisi de s’installer à Maurice. Aujourd’hui, nous accueillons dans notre pays des milliers de travailleurs indiens, chinois, bangladais ou sri lankais qui font tourner nos entreprises.
Les transferts d’argent
Selon la Banque de Maurice, pendant le premier trimestre de cette année, un montant total de Rs 1,2 milliard a été transféré à l’étranger par les travailleurs étrangers. C’est le Bangladesh qui arrive en tête de liste avec Rs 503 millions, suivi de l’Inde avec Rs 348 millions, la France - Rs 71 millions, l’Afrique du Sud - Rs 49 millions et Madagascar - Rs 29 millions.
Les mythes
On dit que les travailleurs étrangers travaillent plus que les Mauriciens. En réalité, tous les travailleurs, qu’ils soient mauriciens ou étrangers, sont régis par les mêmes lois et les mêmes droits. Mais, il arrive que les travailleurs n’ayant pas de familles à Maurice préfèrent travailler plus, soit en overtime ou en ayant recours à d’autres boulots à temps partiel, afin d’augmenter leurs revenus.
À noter que beaucoup de travailleurs étrangers ont dû payer une forte somme d’argent aux agents recruteurs dans leurs pays pour pouvoir obtenir de l’emploi à Maurice, certains ont eu recours à des emprunts, d’autres ont vendu leurs biens, etc. À certains, on a promis monts et merveilles, alors que la réalité est tout autre une fois sur place, tout comme dans le passé, quand on avait berné les immigrants indiens, en estimant qu’ils trouveront de l’or dans les champs à Maurice. Les cas d’exploitation existent, car certains patrons ne respectent pas les règlements. Il y a des ouvriers mal payés ou qui ne bénéficient pas de tous les avantages agréés dans leurs contrats.
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L’importance des travailleurs étrangers
L’économiste Arvind Nilmadhub explique que Maurice s’est bâti sur le dos des travailleurs étrangers depuis le début de son histoire, et il nous faut encore de travailleurs étrangers pour pouvoir arriver à une nation à hauts revenus. « De l’esclavage à l’engagisme, et de l’indépendance à la situation économique aujourd’hui où nous avons ouvert nos frontières économiques au monde, nous dépendons beaucoup sur la compétence étrangère pour générer notre croissance économique. Si les entreprises recrutent à l’étranger, c’est parce qu’elles ne trouvent pas la main-d’œuvre nécessaire à Maurice.
Il y a deux types de recrutement : les travailleurs en masse, que l'on appelle ‘skilled labour’, pour les secteurs comme le manufacturier ou la construction, car nous n’avons pas autant d’ouvriers locaux, et les compétences rares qu’on ne trouve pas facilement sur le marché local pour divers secteurs comme la technologie informatique et les services financiers. Dans certains cas, on doit recruter un étranger de par la nature du travail. Par exemple, une banque qui offre des services 'offshore' à une clientèle indienne ou chinoise doit recruter des banquiers indiens ou chinois qui sont plus aptes à gérer des clients de ces profils », dit-il. Il ajoute que les patrons d’entreprises sont souvent confrontés à un high staff turnover, c’est-à-dire, qu’il est difficile de retenir les employés qui cherchent toujours un autre emploi. Cela affecte la stabilité de l’entreprise. Par contre, avec les étrangers, il y a un contrat d’un, de deux ou trois ans.
Les permis de travail
Du 1er janvier au 30 septembre 2017, le ministère de l’Emploi a délivré environ 15,945 permis de travail. Les statistiques officielles démontrent que le nombre de permis octroyés a connu une hausse, d’année en année, depuis 2010. Toutefois, on note une baisse dans le nombre de permis, depuis 2010. Cependant, cela ne veut pas dire que l'on recrute moins de travailleurs étrangers. C’est tout simplement que, maintenant, on a beaucoup de travailleurs qui obtiennent un permis valable pour deux ou trois ans, alors qu’auparavant les permis étaient renouvelables chaque année. Au 31 mars 2017, le pays comptait 29,153 travailleurs étrangers, comptant 20,108 hommes et 8,424 femmes.
À noter que ces chiffres excluent les travailleurs qui touchent plus de Rs 60,000, par mois comme salaire de base. Cette catégorie d’employé travaille avec un Occupation Permit délivré par le Board of Investment (BoI). Il y a actuellement environ 5,000 détenteurs de permis délivrés par le BoI. Les travailleurs étrangers sont pour la plupart engagés dans le secteur manufacturier, la construction et l’hôtellerie. D’autres secteurs qui ont également recours aux travailleurs étrangers sont l’éducation, la grande distribution, l’agriculture, les services financiers et la technologie informatique. Il y a une très faible présence des travailleurs étrangers dans le secteur agricole, avec seulement 51 permis de délivrés, en 2016.
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Les travailleurs illégaux
Il y a des cas où des travailleurs étrangers essayent de prolonger leur séjour après l’expiration de leurs permis de travail. Ainsi, ils disparaissent dans la nature. Dès qu’ils sont repérés par la Tracking Team de l’immigration, ils sont déportés. Des ouvriers que nous avons rencontrés expliquent que, certains travailleurs abandonnent leurs employeurs, car ils sont exploités, mais ils ne peuvent rentrer dans leur pays, car ils ont contracté des dettes pour venir chez nous.
Ainsi, ils essayent de travailler dans la clandestinité, le temps de faire un peu d’argent de poche. Et quid de la police ? « Nous n’avons pas peur. Notre souci est de pouvoir faire un peu d’argent, car nous ne pouvons rentrer bredouille. Le jour où la police mettra la main sur nous, nous seront rapatriés à leurs frais », dit un ouvrier avec un sourire. Un autre ouvrier, nous explique qu’il y a beaucoup de travailleurs étrangers, dont le permis a déjà expiré, mais qu’ils travaillent toujours, car leurs employeurs refusent de renouveler leurs permis.
Nous étions étonnés d’apprendre de la bouche de ces ouvriers que de grandes entreprises renommées elles-mêmes, ne renouvellent pas les permis, mais continuent à faire travailler ces gens. À noter que, dans certains secteurs, comme la construction, il faut payer entre Rs 5,500 et Rs 11,000 comme frais pour chaque renouvellement, donc c’est un manque à gagner pour l’État ! Les ouvriers étrangers peuvent être vus en groupes de centaines aux abords des banques ou des bureaux de transfert d’argent durant les week-ends à Port-Louis.
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