Le travail social comprend de nombreuses réalités et tout autant de responsabilités. Il déborde largement sur la disponibilité, l’attention, l’écoute et la prise en compte de problèmes parfois complexes. Alors que l’on célèbre ce mardi 21 mars la Journée mondiale du travail social, zoom sur cette profession trop souvent banalisée.
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Promouvoir, valoriser et encourager le travail social. Tel est le but de la plateforme ACTogether.mu. Lancé en 2007, le site Web, géré et financé par la Fondation Ciel Nouveau Regard, répondait au besoin crucial des organisations non gouvernementales (ONG) de se faire connaître pour trouver non seulement des financements mais aussi des bénéficiaires, du personnel et des volontaires.
« Si l’objectif d’offrir une plateforme de communication pour les ONG est toujours d’actualité, celle-ci a beaucoup évolué en dix ans », souligne Delphine Bouic, Manager de la Fondation Ciel Nouveau Regard. Elle ajoute que le monde du social a connu de profondes mutations ces dernières années. « Et nous avons adapté l’offre d’ACTogether.mu à son environnement. »
ACTogether regroupe une centaine d’ONG. « Le grand public pense toujours que le travail social doit être bénévole. Grosse erreur ! Aujourd’hui, les ONG qui montrent des résultats sur le terrain ont du personnel compétent. Il n’y a pas de magie. Le bon cœur ne suffit pas ! Bien sûr, les salaires dans ce milieu (par rapport à d’autres) sont faibles, mais la qualité du travail, le sens qu’il revêt et l’impact que cela a sur son propre développement personnel sont inestimables. Le travail social est un choix de vie et il devrait être reconnu comme l’un des plus beaux », conclut Delphine Bouic.
MACOSS : plus de 50 ans au service de la société civile
Passerelle entre les organisations non gouvernementales (ONG), l’État et le secteur privé, le Mauritius Council of Social Service (MACOSS) œuvre depuis plus de 52 ans pour le bien-être de la communauté et le développement durable. Geerish Bucktowonsing, président en partance du MACOSS, estime que le social et le travail caritatif sont incontournables dans toute société moderne. « Les ONG sont des partenaires à part entière de l’État. Elles complémentent les actions gouvernementales », dit-il.
D’où son insistance pour l’introduction d’une loi pour régir les ONG et les organisations à but non lucratif. « C’est pour cela que nous avons lancé le projet d’un centre régional de formation pour les cadres et dirigeants des ONG, appelés à jouer un rôle primordial dans le développement d’un secteur civique organisé et fort. Avec le développement économique, nous devons impérativement avoir des volontaires professionnels et des organisations à but non lucratif », explique Geerish Bucktowonsing.
Jonathan Ravat, de suiveur à meneur : «Notre pays a besoin d’un discours libérateur»
Jonathan Ravat est un jeune homme qu’on ne présente plus dans le monde social. Âgé d’une trentaine d’années, il compte déjà vingt ans d’expérience dans cet univers. Élevé au rang d’Officer of the Star and Key of the Indian Ocean cette année, le travailleur social nous livre, en toute simplicité, ses motivations, ses convictions et sa vision pour le pays.
Comment vous êtes-vous retrouvé dans la marmite sociale ?
C’est un God-given gift ! Une passion, un choix naturel… Je suis, en fait, un pur produit de mes grands-parents. Mes grands-mères très pieuses et mes grands-pères très engagés dans leur quartier m’ont transmis leurs convictions interreligieuses et sociales. Mais mon premier formateur a été mon père. Il m’a appris trois choses principales : ne jamais se moquer du nom de quelqu’un, ne jamais jeter un pain et il m’a laissé libre de faire mes propres choix.
J’ai, par la suite, rencontré Jean Noël Adolphe, qui a agit comme le moteur de ma motivation. C’était the right person, in the right place, at the right time. En fait, j’ai reçu beaucoup de la vie. Au final, mon seul mérite c’est d’avoir été un bon Follower de la vie.
Vous êtes très rapidement passé de la position de suiveur à celle de meneur…
Je mène parce que, d’abord, je suis mes intuitions, mes convictions et mes idéaux de la vie. Je crois fermement que to be a servant leader, you have to be first a servant to the leader.
Joliment dit ! Vous n’avez jamais pensé à vous faire prêtre ?
Si. Je l’ai envisagé. J’ai commencé le cheminement, mais j’ai rapidement compris que ma véritable vocation était d’être laïc dans le monde.
Qu’en pensent généralement les gens autour de vous ?
Je note deux grandes attitudes. D’un côté, ce choix incarne le respect et l’admiration. De l’autre, il suscite l’incompréhension, car on pense toujours que le pauvre est paresseux. Il faut dans ce cas expliquer que beaucoup de personnes ont genuinely besoin d’aide. Rien n’est parfait sur terre.
D’ailleurs, le travail social est une profession à part entière et le travailleur social est un stakeholder de la société au même titre que l’enseignant, le médecin, l’infirmier et le policier, entre autres.
Est-il vraiment reconnu comme tel ?
Nous sommes sur la bonne voie. Certes, ce n’est pas très encourageant pour un jeune diplômé de travailler pour un salaire de Rs 9 000 à Rs 12 000, mais le secteur offre quand même d’énormes perspectives. Il y a une prise de conscience et une nécessité à valoriser et à reconnaître ce métier. Le travailleur social est un militant des droits de l’homme et cela n’a pas de prix. C’est suprême !
Votre vision pour le pays ?
Il faut aujourd’hui avoir une vision holistique du pays : un développement intégral, un développement humain dans le sens où les choses changent quand les hommes changent ; un développement pour une société équitable ; un développement écologique. Je suis persuadé que notre pays a besoin d’un discours libérateur. N’ayons pas peur d’aborder les sujets tabous – notre pluralité, l’ethnicité, nos différences – car Maurice est prête pour cela. Cette démarche nous apportera une bouffée d’air frais.
De bénévoles à salariés
Pooja, Mehdi et Jordan sont tous des diplômés et des salariés d’organisations œuvrant dans le social. Ces jeunes qui ont moins de trente ans se sont laissés séduire par la cause.
Pooja Gopee, 29 ans, coordinatrice du réseau Inclusion Mauritius
« J’ai grandi avec une tante sourde et muette. Depuis mon enfance, j’ai assisté à son développement sans qu’elle ait les mêmes facilités que les gens bien portants. C’est ce qui m’a poussée à me lancer dans la lutte contre les injustices envers les personnes handicapées. Ma famille est un bon modèle à suivre dans la manière dont elle encadrait ma tante. C’est de là que m’est venu le déclic de mon intérêt pour le social. Je suis très pointilleuse sur tout ce qui touche aux droits des handicapés. Ma mission est de les informer de leur droits fondamentaux et de les valoriser en leur redonnant confiance en eux tout en les respectant. Une fois l’estime de soi acquise, la transformation et la détermination dont font preuve les personnes handicapées pour s’intégrer sont édifiantes. C’est ce qui fait ma satisfaction. J’apprends énormément du courage de ces gens. C’est un travail genuine qui contribue à mon propre développement. »
Jordan Ramsamy, 22 ans, Prevention Officer au Centre de Solidarité pour une nouvelle vie
Ancien élève du collège Saint-Joseph, il a entrepris une formation en Community Services Work à l’Institut Charles Telfair. À 19 ans, il a lancé avec quelques amis l’opération Happiness, qui consistait à offrir un repas aux sans-domicile-fixe (SDF). « Plus qu’un travail, il s’agit pour moi d’un engagement et d’une vocation. Je trouve dommage que très peu de jeunes s’engagent dans le social, car c’est l’occasion pour eux de faire la différence. Au lieu de se conformer à ce que ce monde nous offre, pourquoi ne pas faire des choses utiles ? Pour moi c’est indéniable : être comptable, par exemple, n’apporte pas le même épanouissement humain que de venir en aide aux autres. C’est un travail tellement gratifiant et je m’enrichis de la vie des autres. »
Mehdi Bundhun, 24 ans, Communication Officer chez SAFIRE
Son diplôme de Tourism and Events Management en poche, il découvre très rapidement les avantages de travailler dans une organisation caritative. « Comme c’est un secteur informel, nous jouissons de plus de liberté. On arrive à mieux s’exprimer, nos idées sont davantage prises en considération nous ouvrant plus d’opportunités », souligne le jeune homme. Il ajoute qu’il a été surpris de découvrir la vie des personnes démunies. « Je n’avais jusqu’alors, aucune idée de leurs difficultés et de leurs réalités. Cela m’a interpellé. Aujourd’hui je souhaite continuer dans le social et peut-être même un jour créer ma propre ONG. C’est une expérience très instructive sur le plan personnel. »
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