
Lindsey Collen critique le traité sur les Chagos : une souveraineté reconnue mais compromise par la présence d’une base militaire américaine, acceptée trop rapidement selon elle, au détriment de Maurice.
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Navin Ramgoolam sera l’homme d’État qui apposera sa signature sur le traité historique entre la Grande-Bretagne et la République de Maurice au sujet de la souveraineté sur l’archipel des Chagos. Mais pour Lindsey Collen, figure de proue du mouvement Lalit, ce geste final cache une réalité plus amère : « C’est Pravind Jugnauth, l’ancien Premier ministre, qui nous a liés les mains avec les conditions qui accompagnent ce traité. »
Une déclaration sans détour, qui donne le ton de l’analyse tranchante que propose la militante. « Le fond du traité a été accepté trop vite. Pravind Jugnauth ‘finn atas nou lame ek sa trete-la’, et Navin Ramgoolam, lui, a juste apporté deux-trois modifications mineures. Mais c’est bien lui qui signera au final », lâche-t-elle.
Lindsey Collen remonte le fil des événements. Le 22 mai dernier, le traité a été conclu virtuellement entre les Premiers ministres mauricien et britannique. Une avancée historique ? Oui, selon elle, mais pas sans conséquences. « Ma première lecture est toute simple : les États-Unis et le Royaume-Uni ont admis qu’ils avaient tort. Le Royaume-Uni prétendait avoir la souveraineté sur les Chagos, pas Maurice. Cet accord confirme leur erreur, leur occupation illégale de plus de 57 ans. »
Liberté illusoire
Elle poursuit avec un point essentiel : la souveraineté. « Il est clair désormais que la souveraineté appartient à la République de Maurice. C’est un pas important, il faut le reconnaître », affirme-t-elle. Une victoire pour les Mauriciens, mais aussi pour les Chagossiens, qui devraient, selon elle, pouvoir accéder librement à Peros Banhos et Salomon. « Ils pourront s’y rendre, y rester ou visiter. C’est un autre progrès, ‘kar la Repiblik Moris ena la souverennte depi le 22 me 2025’. »
Mais attention, prévient la militante : cette victoire apparente dissimule un piège. « Quand la République de Maurice va parapher l’accord, cela reviendra à accepter la présence d’une base militaire étrangère sur notre territoire. Or, nous sommes censés avoir un contrôle total sur notre territoire. Ce ne sera pas le cas — et ce, pour 99 ans, voire plus. C’est grave. Cela constitue une entrave à l’exercice de notre souveraineté. »
Et qui aura le dernier mot sur ce qui se passe à Peros Banhos et Salomon ? Là encore, Lindsey Collen est catégorique : ce ne sera pas Maurice.
« Avec la base militaire de Diego Garcia, toute décision devra passer par un comité conjoint Royaume-Uni/Maurice. Par exemple, pour construire un bâtiment sur Peros Banhos, il faudra l’aval de ce comité… car les Américains y auront un observateur. Qui est le plus fort dans ce contexte ? Qui va défendre bec et ongles sa base ? Les États-Unis, bien sûr. C’est pourquoi je le redis : Pravind Jugnauth a été trop pressé d’accepter ce ‘deal’ avec le Royaume-Uni. »
Lindsey Collen rappelle la ligne de conduite historique de Lalit : défendre le droit de retour des Chagossiens sur leurs îles et la libre circulation. Mais avec ce traité ? Elle n’y croit pas. « À cause de la base américaine, cette liberté est illusoire. On parle de ‘resettlement’ dans le traité. C’est un mot ‘kolonial’. Lalit va continuer à se battre pour la fermeture de la base militaire américaine à Diego. »
Et ce Trust Fund de 40 millions de livres sterling (environ Rs 2,5 milliards), qui doit accompagner les Chagossiens ? Un geste positif ? Pas selon elle. « Trust Fund ne signifie pas indemnisation. Rien de tout cela n’est prévu. Ils se contentent de dire ‘full and final’. C’est tout. »
Implications géopolitiques
Le traité a tout de même un effet secondaire bienvenu : la fin annoncée du BIOT (British Indian Ocean Territory). Un soulagement, selon la militante. « Heureusement, le BIOT est mort. Il tombe de lui-même. Le traité prévoit que Maurice aura une sorte d’État civil sur les Chagos pour traiter des cas comme la piraterie. Car tout le fardeau retombera désormais sur Maurice, qui détient la souveraineté sur l’ensemble de l’archipel. »
Mais qu’en est-il des implications géopolitiques ? Si un conflit éclate entre les États-Unis et la Chine, par exemple, et que Diego Garcia est utilisée pour intervenir à Taïwan ? Là encore, Lindsey Collen tire la sonnette d’alarme. « Tous les pays arabes ont déjà déclaré à l’unisson : pas question que les avions américains survolent leur territoire pour attaquer l’Iran ou la Chine. Donc Maurice deviendrait complice, ‘kobelizeran’, de n’importe quel conflit déclenché par les États-Unis contre un autre pays. » Elle rappelle que les USA disposent déjà de quelque 800 bases militaires dans le monde.
Alors, quel est son verdict final sur ce traité ? Sans ambages, Lindsey Collen tranche : « En voulant résoudre un problème de souveraineté datant de presque un demi-siècle, on en a créé un autre plus grave avec ce traité et ses conditions. »

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