- Entre Rs 3 000 et Rs 4 000 pour 30 millilitres
- Des régions comme Pointe-aux-Sables et certains faubourgs de Port-Louis concernés
Plus d’un million de dollars américains. Valeur marchande des 3,25 litres de cannabinoïde synthétique liquide, cachés dans deux bouteilles d’alcool, que la Mauritius Revenue Authority (MRA) a découverts en 2022. Bien que cette saisie ait attiré l’attention des autorités, les rapports ultérieurs de la police n’ont pas révélé d’autres saisies majeures. Pourtant, la menace du cannabinoïde synthétique liquide à Maurice semble loin d’être éteinte.
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Car si la MRA a pris connaissance de ce produit dangereux en 2022, divers travailleurs sociaux et membres de forces vives affirment que le cannabinoïde synthétique liquide serait présent à Maurice depuis 2020, peu après l’éclatement de la pandémie de COVID-19. D’autres sources, ayant travaillé dans le passé pour l’Anti-Drug and Smuggling Unit, affirment, elles, que le produit aurait fait son apparition dès 2018, mais se limitait à des cercles très fermés, principalement lors de fêtes huppées.
Selon une source ayant été témoin des premiers trafics de cannabinoïde synthétique liquide, le produit était connu sous le nom de « dab » lorsqu’il a pénétré le marché mauricien entre 2018 et 2019. Ce « dab », un concentré de cannabis, souvent sous forme de cire ou de résine, se distingue par des niveaux très élevés de THC, le principal composé psychoactif du cannabis.
Méthodes d’utilisation
« Pour consommer le ‘dab’, on chauffe un petit accessoire en métal ou en quartz, puis on place un concentré de cannabis dessus avec un outil spécial. La chaleur fait évaporer le concentré, et la vapeur est inhalée. Les ‘dabs’ sont très puissants, car ils contiennent beaucoup de THC, donc il faut les utiliser avec précaution et un peu d’expérience », explique notre source.
D’autres méthodes d’utilisation existent. « On peut aussi consommer le ‘dab’ en l’imbibant sur du papier à rouler. Mélangé avec du cannabis artisanal, cela donne des effets très puissants », ajoute-t-elle.
Le cannabinoïde synthétique liquide est une substance extrêmement hallucinogène et toxique. Sa consommation comporte des risques importants pour la santé, et son arrivée à Maurice a soulevé des inquiétudes majeures parmi les autorités et les travailleurs sociaux. Bien que les saisies par les forces de l’ordre aient été sporadiques, le trafic de ce produit semble persister, alimenté par un marché clandestin toujours actif.
Fin 2020, lors d’un séminaire organisé par l’ONG Prevention Information et Lutte contre le Sida (PILS), un expert du Forensic Scientific Laboratory (FSL) a tiré la sonnette d’alarme sur la présence croissante de drogues de synthèse à Maurice, dont le « dab » et le cannabinoïde synthétique liquide. L’intervention de cet expert a révélé des aspects alarmants de ces substances qui sont loin d’être bénignes.
Selon les analyses réalisées par le FSL, les produits dérivés du cannabis comme le cannabinoïde synthétique liquide et le « dab » sont jusqu’à quatre fois plus puissants que le cannabis traditionnel mauricien. Alors que le THC dans le cannabis local se situe généralement autour de 35 %, ces nouvelles substances affichent des concentrations de THC variant entre 75 % et 80 %. Cette concentration extrême explique pourquoi les effets se manifestent presque instantanément après la consommation, contrairement au cannabis traditionnel, où il faut attendre plusieurs minutes pour en ressentir les effets.
La rapidité avec laquelle ces produits affectent l’utilisateur est particulièrement inquiétante. Lorsqu’un consommateur inhale du cannabinoïde synthétique liquide ou du « dab », les effets peuvent se faire sentir en quelques secondes. Cette montée rapide peut entraîner un état second extrêmement désorientant, accompagné de difficultés respiratoires, de crises d’angoisse sévères, et d’une accélération significative du rythme cardiaque. Les utilisateurs peuvent se retrouver submergés par une panique intense, rendant l’expérience particulièrement troublante.
Pour les plus expérimentés, ces effets peuvent être perçus comme une expérience unique, presque psychédélique. Cependant, pour les novices, les sensations provoquées peuvent être profondément désagréables et potentiellement dangereuses. L’intensité de ces expériences varie considérablement, augmentant le risque pour la santé physique et mentale.
« C’était trop pour mon corps… »
Cassim, un jeune homme habitué à consommer du cannabis traditionnel, a accepté de partager son expérience pour mettre en lumière les dangers du cannabinoïde synthétique liquide. Ce jour-là, il se souvient avoir utilisé un vaporisateur pour inhaler ce produit, pensant qu’il serait semblable à ce qu’il connaissait. « Mon ami m’avait conseillé de tirer deux bouffées seulement, mais comme je ne ressentais rien, j’en ai pris deux autres », explique-t-il.
Ce qui s’est produit ensuite a dépassé ses pires craintes. À peine dix secondes après avoir inhalé les bouffées supplémentaires, Cassim a commencé à ressentir des effets violents. « C’était comme si, tout à coup je n’étais plus dans mon état normal. Je commençais à trembler et je sentais que je pouvais tomber à n’importe quel moment. J’ai demandé à mon ami de me trouver un coin tranquille. Heureusement qu’il était là pour essayer de me calmer », raconte-t-il avec une vive angoisse.
Les effets du cannabinoïde synthétique liquide ont été quasi instantanés. Cassim décrit un état de panique et de confusion qui l’a laissé incapable de tenir en place, accompagné d’une forte envie de vomir. « Les trente minutes suivantes ont été les plus intenses de ma vie. Je ne pouvais pas apprécier l’intensité de l’effet, car c’était trop pour mon corps. Ce n’est qu’après une bonne trentaine de minutes que les effets ont commencé à s’estomper », se remémore-t-il.
Un trafic invisible
Le trafic de ce produit reste largement invisible aux yeux des autorités. Ce phénomène inquiétant est facilité par la nature même du produit : il ne dégage aucune odeur, ce qui permet une consommation discrète, même en public.
Le principal atout du cannabinoïde synthétique liquide pour le trafic est, en effet, son absence totale d’odeur. Selon une ancienne source de l’Anti-Drug Smuggling Unit, « une personne peut en consommer devant un policier avec son vaporisateur et le policier n’en saura rien ». Cette caractéristique rend le produit extrêmement difficile à détecter. Le succès du trafic repose donc sur cette capacité à passer inaperçu, rendant les efforts de surveillance et de contrôle particulièrement complexes.
En 2022, les autorités ont seulement réalisé une saisie de 3,25 litres de cannabinoïde synthétique liquide, une quantité considérable, mais insuffisante pour endiguer le problème. Les rapports indiquent que le trafic de ce produit reste actif, malgré la saisie exceptionnelle de l’année précédente. Les sources policières confirment que le produit est encore largement disponible sur le marché, malgré les efforts pour l’éradiquer.
Actuellement, le cannabinoïde synthétique liquide est principalement consommé à l’aide de vaporisateurs. Cette méthode est préférée aux méthodes plus anciennes, telles que le « dab », qui est désormais moins populaire. Les vaporisateurs permettent une utilisation discrète et efficace, aggravant la difficulté des forces de l’ordre à repérer et à contrôler le produit.
Des interventions policières inefficaces
Des informateurs ont rapporté l’existence de trafic de cannabinoïde synthétique liquide dans des régions telles que Pointe-aux-Sables et certains faubourgs de Port-Louis, comme Plaine-Verte et Batterie-Cassée. Cependant, les descentes policières menées dans ces zones se sont révélées infructueuses. Cette inefficacité souligne la difficulté rencontrée par les forces de l’ordre pour intercepter ce produit, malgré les alertes préalables.
Un commerce lucratif
Le commerce de cannabinoïde synthétique liquide est aujourd’hui considéré comme extrêmement lucratif, en raison de son coût élevé. Les prix varient entre Rs 3 000 et Rs 4 000 pour 30 millilitres, une quantité suffisante pour une semaine de consommation. Les trafiquants, conscients des effets puissants et enivrants du produit, n’hésitent pas à fixer des prix élevés pour maximiser leurs profits.
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