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Trafic de drogue et lenteur de la justice : pourquoi un Drugs Court serait pertinent (ou pas)

Un Drugs Court sera-t-il une solution pour éradiquer le trafic de drogue ? Source (Internet)

Faut-il un Drugs Court à Maurice ? La question a récemment été évoquée face au fléau du trafic et de la consommation de drogue dans le pays. Trois avocats font le point sur cette mesure.

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Me Shameer Hussenbocus.

Il est impératif de mettre sur pied un Drugs Court, soit un tribunal spécialisé pour juger les délits de drogue. Cela, face à l’ampleur du trafic de stupéfiants et en raison de la lenteur de la Cour pour faire aboutir certaines affaires. Proposition de l’ancien speaker et ex-Drug Commissioner, Me Ajay Daby, qui intervenait lors de l’émission Au Cœur de l’Info, le 10 novembre dernier. Quelle est la pertinence d’un tel tribunal ? Nous avons posé la question à trois légistes. Et les avis divergent.

D’emblée, l’avocate Reena Ramdin avance qu’il s’agit de savoir de quel genre de tribunal spécialisé on parle. « Il y a deux notions. La première est la création d’une division de la Cour consacrée aux affaires de drogues uniquement. Comme c’est le cas pour la division familiale, la Financial Crimes Division ou encore la chambre commerciale. » 

Et la seconde ? « La seconde consiste en un Drug treatment Court, qui est un tribunal qui va mettre l’accent sur le traitement et la réhabilitation des toxicomanes au lieu de l’incarcération », explique-t-elle. 

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Me Reena Ramdin.

L’avocate préconise une fusion des deux à Maurice, c’est-à-dire une Cour spécialisée qui mettra l’accent sur le traitement. « La personne qui se fait attraper avec une certaine quantité de drogue se verra offrir le choix entre une peine de prison ou un traitement. Si elle choisit la seconde option, elle devra se présenter en Cour, qui va suivre l’évolution du traitement. Et si jamais la personne ne se plie pas aux exigences du programme de réhabilitation, elle devra alors purger sa peine de prison. » 

L’avantage d’une Cour spécialisée est que les affaires de drogue seront traitées plus rapidement. « Les magistrats qui y siégeront pourront mieux se focaliser et infligeront des sentences plus appropriées », fait valoir Me Reena Ramdin. 

Néanmoins, pour un projet de cette envergure, poursuit-elle, l’État devra mettre en œuvre toute une logistique. Les toxicomanes devront être accompagnés par des travailleurs sociaux, des médecins et se feront dépister à plusieurs reprises durant la période que durera le programme de réhabilitation, fait-elle comprendre.

« Il est plus que temps pour l’avènement d’un tribunal spécialisé dans les délits de drogue », renchérit Me Ravi Rutnah. « Il nous faut un tribunal spécialisé doté de pouvoirs accrus. Cela, afin de traquer ceux qui financent les importations de drogue. On ne peut pas systématiquement coincer les mules (passeurs). On doit pourvoir remonter la piste du financement du trafic de drogue », martèle l’homme de loi. 

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Me Ravi Rutnah.

Me Ravi Rutnah précise que les peines prévues pour les consommateurs et les passeurs doivent être proportionnelles aux délits. « Il faut encourager les passeurs à dénoncer les vrais trafiquants. Car ils le font parfois au risque de mettre leur famille en danger. » 

Concernant les consommateurs de drogue, il insiste sur le fait qu’il ne faut pas seulement punir mais aussi traiter l’addiction à ces substances. Dans cette optique, il tient à saluer le Dangerous Drug (Amendment) Bill. Projet de loi qui vient légaliser l’usage du cannabis à des fins médicales. « C’est déjà un début et je ne peux qu’espérer que cela va continuer sur une note positive. »

Toutefois, Me Shameer Hussenbocus est, lui, plus nuancé. Si l’objectif d’un Drugs Court est de réduire le temps que les affaires prennent pour aboutir, il serait préférable d’apporter des changements directement là où ça bloque, argue-t-il. Il est notamment d’avis qu’il devrait y avoir davantage de laboratoires scientifiques. « À l’instar des unités de police qui disposent de plusieurs branches à travers le pays, soit division Nord, Sud, Est entre autres, il faudrait que ce soit le cas pour le Forensic Science Laboratory (FSL). Plus d’analyses pourront être faites, permettant ainsi à la police d’avoir les rapports dans de meilleurs délais et boucler les enquêtes au plus vite. » 

D’autre part, il fait ressortir que les enquêtes de police dans les affaires de drogue accusent du retard aussi en raison du temps que mettent des opérateurs de téléphonie à soumettre les relevés des appels des protagonistes. « Il faudrait que ces demandes soient ‘fast tracked’ et traitées dans un certain délai une fois que la police a obtenu un ordre du juge des référés. » Selon lui, ces deux changements diminueront de moitié le temps que prennent les affaires de drogue devant nos tribunaux.

Ce qui se fait ailleurs 

Plusieurs pays ont adopté les tribunaux spécialisés liés aux délits de drogue. 

Australie

Les tribunaux spécialisés dans la toxicomanie opèrent dans diverses juridictions en Australie. Leur objectif principal est de détourner les consommateurs de drogues illicites de l’incarcération vers des programmes de traitement. De tels tribunaux ont été créés dans le New South Wales, le Queensland, en Australie-Méridionale, à Victoria et en Australie-Occidentale. 

Canada

Les tribunaux de traitement de la toxicomanie sont un phénomène récent dans le système canadien de justice pénale. Le premier a débuté à Toronto en 1998. Le gouvernement fédéral soutient actuellement Edmonton (décembre 2005), Winnipeg (janvier 2006), Ottawa (mars 2006), Regina (octobre 2006), Toronto (1998) et Vancouver (2001). Hamilton, Calgary et Durham ont également lancé récemment ces tribunaux spécialisés. 

Nouvelle-Zélande

Un projet pilote de cinq ans pour le traitement de l’alcool et d’autres drogues a été lancé à Auckland, en Nouvelle-Zélande, en 2012, le premier de ce type pour le pays. Depuis la mise en place du projet pilote, 46 % des participants ont obtenu leur diplôme. Selon la New Zealand Drug Foundation, ce taux est six fois plus élevé que celui atteint par la plupart des programmes de réadaptation volontaire. Les diplômés étaient 62 % moins susceptibles de récidiver et 71 % moins susceptibles de retourner en prison au cours des 12 premiers mois suivant le traitement.

Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, des tribunaux de traitement de la toxicomanie sont actuellement testés dans divers endroits. En décembre 2005, le Royaume-Uni a lancé un programme pilote. Le Family Drug and Alcohol Court fonctionne à Londres, dans le Gloucestershire et à Milton Keynes, entre autres. 

États-Unis

Le premier tribunal de traitement de la toxicomanie aux États-Unis a pris forme dans le comté de Miami-Dade, en Floride, en 1989, en réponse au problème croissant du crack qui afflige la ville. Selon la National Association of Drug Court Professionals, au 31 décembre 2014, il y avait 3 057 tribunaux de ce type, représentant les 50 États, le district de Columbia, Guam, Porto Rico, les îles Mariannes du Nord et diverses régions tribales. 

(source Internet)

 

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