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Toxicomanie : Maurice en overdose

Ce jeudi 26 juin, Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogues, le constat est alarmant : Maurice fait face à une crise grandissante. Malgré les campagnes de sensibilisation, la consommation de drogues illicites continue de se propager, touchant désormais des profils de plus en plus jeunes et féminins. Dans l’ombre de cette réalité, des mères de toxicomanes osent aujourd’hui crier leur souffrance et leur détresse, portant à bout de bras le combat pour sauver leurs enfants et retrouver un semblant d’espoir.

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Dr Nitish Raj Sookool : « Les drogues synthétiques posent une crise sanitaire majeure »

La crise de la drogue à Maurice prend une tournure alarmante avec l’émergence de substances synthétiques particulièrement dangereuses. Le Dr Nitish Raj Sookool, Officer-in- Charge de la Harm Reduction Unit (HRU) au ministère de la Santé, tire la sonnette d’alarme. « Le pays est confronté à une véritable crise », dit-il. Ces drogues, parfois jusqu’à 200 fois plus puissantes que l’héroïne, peuvent provoquer des overdoses fatales, affirme le Dr Sookool.

Si les années 2000 ont marqué un tournant avec une hausse significative des cas de VIH parmi les usagers de drogues injectables, la mise en place de programmes de réduction des risques, comme la thérapie à la méthadone ou l’échange de seringues, a représenté une réponse salutaire. Cependant, à partir de 2014, Maurice a vu apparaître une nouvelle menace : les drogues synthétiques.

Depuis 2024, cette problématique s’est aggravée avec l’utilisation détournée de produits pharmaceutiques vétérinaires, consommés par certains usagers de drogues. Le Dr Sookool alerte ainsi sur le risque d’overdose et de décès qui sont réels en raison de la dangerosité extrême de ces substances.

Le thème retenu cette année pour la Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogues met l’accent sur la prévention : « Les faits sont là : investissons dans la prévention. Brisons le cycle. Stoppons le crime organisé ». Pour le Dr Sookool, il est urgent d’agir : « Certains cas d’overdose ont déjà été rapportés dans la presse. Il faut éviter que cela se banalise. »

Autre évolution préoccupante : la polyconsommation. Il s’agit d’un usage combiné de plusieurs types de drogues, qui affecte le cerveau, le système nerveux, et accroît considérablement les risques de complications médicales. Cette réalité est aussi marquée par un rajeunissement et une féminisation du profil des consommateurs. « La situation est complexe, et son impact sur la société est considérable », affirme-t-il.

Dans ce contexte, la HRU se félicite de la mise en place de la National Agency for Drug Control (NADC), chargée de coordonner les politiques publiques. « Nous sommes un maillon dans la chaîne. Notre responsabilité est d’assurer le traitement et la réhabilitation », précise le Dr Sookool. Il cite notamment les traitements de substitution, les centres de réhabilitation, les actions de prévention, ainsi que les One Stop Shops pour la prise en charge du VIH, de l’hépatite C et autres affections.

« Il est encourageant qu’il y ait enfin une direction claire au plus haut niveau pour guider notre action », ajoute-t-il. La HRU jouera un rôle clé dans la mise en œuvre des décisions politiques à venir.

Le DUAP : le pari de la réinsertion

Mis en place en 2024, le Drug Users Administrative Panel (DUAP) a déjà accompagné plus de 330 personnes vers la réinsertion. Ce dispositif permet aux usagers arrêtés pour possession de drogue à usage personnel d’éviter la prison en accédant à des soins, sans entacher leur casier judiciaire. « C’est une véritable opportunité pour les ‘first offenders’ », explique le Dr Sookool.
Grâce à un accompagnement pluridisciplinaire, en collaboration avec des ONG, plusieurs bénéficiaires sont sortis du programme après plusieurs mois de suivi. « Tous les consommateurs ne développent pas une addiction. Le DUAP leur permet d’être pris en charge et « empowered » pour éviter de retomber », fait comprendre le Dr Sookool.

Ce panel découle des amendements apportés en 2022 à la Dangerous Drugs Act et donne une seconde chance à ceux qui souhaitent se libérer de la drogue sans sombrer dans le système judiciaire.

Rechute : ne pas stigmatiser

Malgré les efforts, le risque de rechute reste élevé. « L’addiction est une maladie chronique, avec un fort potentiel de rechute », rappelle le Dr Sookool. Il met en garde contre toute stigmatisation : une rechute ne signifie pas forcément l’échec de la réhabilitation, selon lui.

Il explique que plusieurs facteurs peuvent précipiter une rechute, tels que le manque d’accompagnement psychosocial ou la précarité. À l’inverse, des facteurs protecteurs peuvent permettre d’éviter cet écueil.

C’est pourquoi il insiste sur la nécessité d’investir dans la prévention dès le plus jeune âge : « Il faut inculquer aux enfants et adolescents des compétences psychosociales, afin qu’à l’âge adulte, ils soient capables de faire des choix éclairés », dit-il.

Le Dr Sookool estime qu’il faut changer de discours : « Tout le monde sait que la drogue est néfaste. Ce qui compte désormais, c’est de renforcer la résilience et l’autonomie » fait-il ressortir. 

La prévention comme moyen clé

Divers programmes de prévention ont été initiés à Maurice, en ligne avec les recommandations de l’UNODC. Ils sont fondés sur des données probantes (evidence-based). Une des missions de la National Agency for Drug Control est d’évaluer ces actions, d’identifier les failles, et de proposer des ajustements pour maximiser leur efficacité, notamment auprès des populations les plus vulnérables.

Une politique nationale de prévention est également à l’étude, indique le Dr Sookool, qui plaide pour une stratégie cohérente à long terme afin d’endiguer durablement le fléau de la drogue.

  • Nou Lacaz

 

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