À l’aube du 56e anniversaire de l’accession de Maurice à son indépendance, plusieurs experts s’accordent à dire que sans réformes approfondies, le pays court à sa perte. Mais pourquoi en a-t-il tant besoin ? Voici quelques éléments de réponse.
Ces dernières années, la classe politique ainsi que de nombreux observateurs ont souvent évoqué les notions de rupture et de changement profond. Bien que ces slogans aient principalement été associés aux partis de l’opposition, tant parlementaire qu'extraparlementaire, des voix au sein de la majorité gouvernementale soulignent, elles aussi, l’importance des réformes.
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Selon une source proche du quartier général du Mouvement socialiste militant (MSM) au Sun Trust, contrairement à d’autres partis politiques qui ont souvent proclamé leur volonté de réforme de manière retentissante, le MSM a préféré agir concrètement dans cette direction. Cette même source affirme que des réformes significatives ont été entreprises dans des secteurs-clés, tels que l’industrie hippique, la lutte contre la fraude et la corruption, le secteur financier, l’éducation ainsi que la sécurité sociale, démontrant l’engagement du MSM en faveur du changement et de la modernisation.
Il est manifeste que le pays a besoin pressant de réformes. Plusieurs observateurs font ressortir qu’il est fréquent que chaque nation atteigne un carrefour après environ cinquante ans, un moment décisif qu’il est impératif de ne pas ignorer. Alors que Maurice célèbre ses 56 ans d’indépendance, l’urgence d’engager des réformes profondes est indéniable.
Dans un monde qui est en constante évolution, les nations sont confrontées à des défis complexes et en mutation constante. Pour prospérer dans cet environnement dynamique, il est primordial pour un pays d’entreprendre des réformes majeures et de les mettre en œuvre de manière efficace. Celles-ci peuvent prendre diverses formes, allant de la modernisation des infrastructures à la révision des politiques économiques, mais leur objectif demeure le même : promouvoir le développement et le bien-être de la société dans son ensemble.
Les réformes de plus en plus pressantes à entreprendre concernent principalement des secteurs-clés. En premier lieu, il y a la question des nominations dans les institutions publiques, qui nécessite une révision afin de garantir une gouvernance transparente et efficace.
Ensuite, il y a le secteur de l’environnement, qui est au cœur des préoccupations en raison de l’exposition croissante de Maurice aux effets du dérèglement climatique. Il est impérieux de prendre des mesures pour protéger l’écosystème fragile de l’île et mitiger les risques associés aux changements climatiques.
De même, le secteur touristique doit se réinventer pour répondre aux attentes du touriste moderne. Aujourd’hui, les visiteurs recherchent non seulement des plages et du soleil, mais également des expériences authentiques et durables.
Enfin, le secteur économique doit être repensé face aux perturbations mondiales de ces dernières années. Il est crucial de promouvoir la diversification économique, d’encourager l’innovation et de renforcer la résilience face aux chocs externes.
Nominations politiques
Les exercices de nomination dans les institutions publiques ont mis en évidence des failles flagrantes depuis plus de vingt ans. Bien que le MSM et ses alliés soient principalement critiqués sur ce sujet en raison de leur position au pouvoir, il faut reconnaître que le Parti travailliste (PTr) de Navin Ramgoolam a largement contribué à l’introduction de ces pratiques à partir de 2005. Dès le début de son mandat, l’une de ses premières actions a été d’amender la Prevention of Corruption Act (PoCA), lui permettant ainsi de nommer le directeur de l’Independent Commission against Corruption (Icac) sans qu’il n’ait besoin d’obtenir l’approbation du leader de l’opposition.
Cette pratique a été encouragée davantage par la suite, notamment sous le gouvernement du MSM, et ce malgré ses promesses pour y mettre un terme en 2014. Le recours accru aux nominations politiques suscite de vives critiques, d’autant que de nombreux observateurs soulignent le dysfonctionnement croissant de nos institutions.
Plusieurs propositions de réforme de la politique de nomination dans les institutions publiques ont été avancées. L’une d’elles est de créer un comité de nomination composé à la fois de membres de l’opposition, du gouvernement et de la société civile. Il serait chargé de décider des nominations pour des postes-clés, comme ceux à la Banque de Maurice ou à la State Bank of Mauritius, entre autres.
De nombreux experts soutiennent que les réformes sont cruciales pour stimuler la croissance économique. En adoptant des politiques favorables à l’investissement, à l’innovation et à la concurrence, un pays peut instaurer un environnement propice à la création d’emplois, à l’augmentation des revenus et à l’amélioration de la qualité de vie de sa population. Les réformes visant à simplifier les réglementations bureaucratiques et à encourager l’entrepreneuriat peuvent notamment favoriser le développement du secteur privé et stimuler la productivité économique.
Environnement
Le secteur de l'environnement est de plus en plus exposé à la crise climatique, avec des inondations capables de paralyser la capitale du pays en quelques minutes, ainsi que l’augmentation de la fréquence des cyclones et l’apparition de mini-tornades, comme cela a été le cas l’année dernière. Dans ce contexte, des réformes importantes sont attendues, notamment en ce qui concerne les activités de construction, particulièrement dans les régions côtières, considérées comme les plus vulnérables du pays.
Malgré l’entrée en vigueur de la Climate Change Act, de nombreux acteurs conviennent qu’il faudra des mesures plus rigoureuses pour lutter efficacement contre les désastres environnementaux. Des réformes sont attendues sur la manière dont les Environmental Impact Assessments (EIA) sont menés.
À cet égard, Joanna Bérenger a proposé l’introduction de la notion de « Strategic Environmental Assessment » (SEA), qu’elle considère comme un outil plus complet que l’EIA. Elle s’appuie sur le fait qu’il tient compte de l’impact financier, social et environnemental d’un projet de manière holistique.
La députée du Mouvement militant mauricien (MMM), suggère également d’accorder au public un délai plus long pour commenter ou s’opposer à l’octroi de licences SEA, ce qui nécessiterait une redéfinition des parties prenantes. Elle estime aussi qu’il est nécessaire de rendre obligatoire pour le ministre de justifier sa décision d’accorder ou de refuser un permis EIA ou SEA.
Joanna Bérenger est d’avis que la liste des raisons justifiant l’octroi d’un permis EIA devrait être révisée afin de combler les lacunes qui pourraient entraîner des abus. Elle se demande également si des amendements appropriés ne sont pas nécessaires pour empêcher les développeurs ou les proches du pouvoir de mener des projets sans réaliser d’études d’impact ou sans obtenir d’EIA.
Économie
La pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine ont mis en évidence les défis liés à la notion de village global, où chaque pays dépend de l’autre, quelle que soit la distance géographique. Bien que cette interdépendance soit cruciale, elle souligne également les difficultés rencontrées par des pays comme Maurice, qui reposent largement sur les importations pour leur sécurité alimentaire.
Les perturbations fréquentes dans les chaînes d’approvisionnement, dues aux conflits et à d’autres facteurs externes, soulignent davantage l’urgence pour Maurice de développer une stratégie d’autosuffisance alimentaire. Dans cette perspective, une refonte économique s’avère indispensable. Pour ce faire, il faut mettre en place de nouveaux fondements économiques. Maurice dispose d’un potentiel considérable, notamment grâce à ses vastes zones océaniques. De nombreux observateurs estiment que cette ressource pourrait lui permettre de devenir une puissance économique. Toutefois, pour concrétiser cette vision, des réformes substantielles sont nécessaires.
Parmi les réformes sollicitées, il y a la promotion d’une véritable économie bleue. Malgré les discours politiques qui en font l’éloge depuis des années, la réalisation de cette approche a souvent été entravée par divers obstacles. Il est donc urgent de prendre des mesures efficaces pour exploiter pleinement le potentiel économique des ressources marines de Maurice.
Système politique
Alors que Maurice s’apprête à fêter ses 56 ans d’indépendance dans quelques jours, de plus en plus de voix réclament une refonte du système politique. La réforme électorale et le financement des partis restent des éléments-clés sur l’agenda des réformes, particulièrement demandés par les voix progressistes. Toutefois, sous le slogan « ni Navin, ni Pravind », il semble y avoir une volonté plus forte de voir d’autres acteurs que les Ramgoolam et les Jugnauth diriger le pays.
En sus de l’idée soutenue par certains politiciens selon laquelle cette pratique pourrait être stoppée par le biais d’une réforme électorale incluant une dose adéquate de proportionnelle, ce qui favoriserait l’arrivée à l’Assemblée nationale d’autres politiciens, certains suggèrent simplement d’instaurer des limites de mandats. Avec un tel système, selon eux, le pays pourrait voir émerger une nouvelle génération de politiciens mieux à même de répondre aux besoins du pays.
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